Opinion : Pourquoi la France ne peut pas être une alliée fiable dans la lutte contre le djihadisme en Afrique de l’ouest ?

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Après le Mali, le Burkina Faso sombre dans le chaos causé par les djihadistes. Mais les dirigeants de l’Afrique de l’Ouest, dont les pays sont gravement menacés par la déferlante djihadiste, persistent dans leur politique d’autruche.

Contre la volonté de leurs concitoyens qui ont des appréhensions légitimes à l’égard de l’intervention française, ils font la sourde oreille et refusent de tirer rapidement leçons des erreurs historiques des souverains africains qui, avant la colonisation, signèrent des accords de protectorat avec les puissances européennes leur facilitant ainsi leur entreprise coloniale.

Aujourd’hui, en plein vingt-et-unième siècle, tout montre que l’Afrique n’a pas encore tirer leçon de son passé et continue de placer sa confiance dans la coopération avec ses anciens colons pour défaire les insurgés djihadistes.

L’intervention française n’arrête pas l’avancée des djihadistes

Sous le regard indifférent voire hypocrite de la soi-disant communauté internationale et de celui impuissant de ses voisins, le Burkina Faso, comme le Mal, s’enlise face aux attaques djihadistes.

Mais cet état de chose n’empêche pas la France de multiplier les communiqués présentant chaque jour les bilans de ses opérations anti-djihadistes qui, visiblement, n’ont pas d’impacts significatifs sur le terrain. Ces bilans des victimes de part et d’autre des opérations de l’armée française sont des chiffres que personne d’autre ne peut authentifier.

À l’exception du chef de la junte malienne ostracisé pour sa volonté affichée de prospecter une coopération avec la Fédération de la Russie, l’échec de l’intervention des Occidentaux à travers l’Opération Barkhane n’a pas encore convaincu les Chefs d’État de la sous-région pour qu’ils envisagent des alliances avec autres partenaires dans cette lutte.

Les pays qui, à la suite du Mali et du Burkina Faso, sont les plus menacés comme la Côte d’Ivoire, le Niger, le Tchad, sont ceux qui fustigent le plus la sollicitation de l’assistance russe par le Mali.

Le Burkina Faso s’effondre en suivant le scénario malien

Pendant ce temps, le Burkina Faso de Roch Marc Christian Kaboré semble être sur le même trajectoire que le Mali d’avant le coup d’État du 18 août 2020, coup d’État perpétré par la junte militaire au pouvoir.

D’abord, il y a un climat sécuritaire délétère qui règne au Burkina Faso où les populations demandent la démission du Président parce que les attaques djihadistes les plus audacieuses se succèdent les unes aux autres sans que les autorités n’aient été en mesure jusqu’à présent de montrer leur capacité à sortir le pays de cette situation dangereuse.

Des manifestants sont descendus dans les rues de la capitale, Ouagadougou, dans la matinée du mardi 16 novembre 2021 pour réclamer le départ de Roch Marc Christian Kaboré.

Ces manifestations qui ont mobilisé du monde et sont les premières de cette importance depuis la chute en octobre 2014 de Blaise Compaoré, font suite à l’attaque du détachement de la gendarmerie d’Inata, dans la province du Soum, au Nord du pays, le dimanche 14 novembre 2021. Cette attaque a fait officiellement 32 morts selon un bilan provisoire.

Dans une autre manifestation à Kaya, au Centre-nord du Burkina-Faso, le vendredi 19 novembre 2021, les populations révoltées par l’inefficacité de l’intervention française ont bloqué la voie à un convoi de l’armée française qui se dirigeait vers le Niger.

En plus des populations, les militaires ont perdu confiance dans les autorités au point où, selon Jeune Afrique, des rumeurs de coup d’État circuleraient dans le pays. Il est difficile de dire que ces rumeurs ne resteront que des rumeurs. Mais la perte de confiance des militaires dans les institutions est une autre similitude avec le scénario malien.

Enfin, selon toujours des rumeurs qui circulent et sont relayées par Kémi Séba, le célèbre activiste franco-béninois qui récemment a été expulsé du pays, Roch Marc Christian Kaboré aurait recours à des méthodes similaires à celles qu’utilisait Ibrahim Boubacar Kéita, l’ex-Chef d’État du Mali quand il était confronté à une contestation populaire laquelle exigeait son départ pour essentiellement les mêmes raisons qui sont évoquées par les manifestants au Burkina Faso. Président Roch Marc Christian Kaboré distribuerait de l’argent aux activistes et autres personnalités de la société civile afin qu’ils lui épargnent leurs critiques.

Voilà la sombre perspective que présente le Burkina Faso. Rien ne montre qu’à cette allure, l’effet domino de la déferlante djihadiste sera stoppé.

Inefficacité des interventions étrangères

L’histoire a démontré à suffisance que les luttes anti-terroristes menées par les Occidentaux en Afrique ou ailleurs se sont soldées toujours par un fiasco. Le cas le plus récent est celui de l’Afghanistan. Avant ça, il y avait eu celui de la Somalie dans le Corne de l’Afrique.

L’agenda non dévoilé des puissances occidentales

Les puissances occidentales ont contribué à cette insécurité dans le Sahel. Le renversant de Mouammar Kadhafi rendu possible par l’intervention française a facilité la dispersion à travers la région des armes de guerre stockées en Libye.

Les Touaregs qui étaient jusque-là fidèles au guide libyen ont changé de camp durant l’intervention occidentale. Le seul argument qui aurait pu les décider à abandonner le régime de Kadhafi ne pouvait être que la promesse d’un État touareg indépendant.

À la suite de l’attaque du Mali par des insurgés djihadistes venus du Sud libyen, les mêmes Français, prétendant venir au secours des maliens, ont créé une partition de fait du pays donnant lieu à un État touareg.

Tous ces agissements de la France et même son opposition à l’implication de la Russie dans la lutte contre les djihadistes font penser à une logique de rivalité entre les puissances pour contrôler le continent.

Cette assertion est d’autant plus vraie que Washington soutient la France dans ses différentes prises de position que ce soit concernant la Lybie, le Mali ou l’implication de la Russie dans la lutte anti-terroriste. En réalité, les Occidentaux essaient de faire au Sahel ce qu’ils ont échoué à faire en Asie centrale : empêcher l’exploitation des ressources ou des atouts stratégiques de la planète par des puissances rivales comme la Chine ou la Russie. Deux personnalités, Zbigniew Brzezinski, conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter et Paul Wolfowitz, Vice-Secrétaire d’État à la défense de George Bush croyaient fortement que les rivalités à la suprématie américaine viendraient du continent eurasiatique et qu’il fallait prévenir l’émergence de tels rivaux. Leurs efforts pour les contenir en Asie centrale à travers leur intervention en Afghanistan n’ayant prévenu ni la réémergence de la Russie ni l’émergence de la Chine, leurs tentatives d’endiguement ont évolué pour s’implanter en Afrique en passe de devenir le nouveau pôle de croissance économique mondiale.

La lutte contre le djihadisme doit être menée par les armées nationales

À cause de toutes ces considérations, fonder la stratégie de la lutte contre le djihadisme sur les Occidentaux serait suicidaire. Par contre l’expérience de la lutte contre l’insurrection djihadiste en Algérie, en Syrie et même dans le Caucase russe a montré que seule une armée locale avec des soutiens en matériels, en formation et en renseignements arrive à faire la différence.

La Russie comme alternative

Le bon sens recommande dès lors à l’Afrique de rechercher des partenaires sans un passé colonial sur le continent.

Et les faits sont là et montrent que la Russie de Vladimir Poutine, en Centrafrique et en Syrie, a prouvé son expertise dans l’apport de soutien à la lutte contre ce genre de phénomène terroriste.

Toutefois, pour l’instant l’attitude des dirigeants de l’Afrique de l’Ouest – attitude qui est en totale opposition à la volonté de leurs populations – demeure de ne pas envisager des partenaires autres que les Français et leurs alliés occidentaux dans cette lutte. C’est une approche incompréhensible et dépourvue de bon sens comme les faits nous l’ont montré jusqu’à présent. Nos dirigeants doivent se réveiller et cesser de jouer avec l’avenir de notre continent.

Alfred Cossi CHODATON (WhatsApp : 95401064), Le Libre Penseur, publié le dimanche 21 novembre 2021, à 08 heures.