Mali : Après Assimi Goïta hier, la médiation de la Cédéao a rendez-vous avec les responsables déchus

Afrique

Le médiateur de la Cédéao, Goodluck Jonathan, est arrivé hier, mardi 25 mai dans l’après-midi, à Bamako pour tenter de débloquer la crise provoquée par le nouveau coup de force des putschistes du mois d’août 2020. Des discussions ont commencé dans la soirée d’hier entre Goodluck Jonathan et sa délégation d’un côté et, de l’autre, des membres de l’ex-junte.

Désormais, la diplomatie est à l’œuvre pour tenter d’endiguer cette nouvelle crise au Mali. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir, ce mercredi 26 mai dans la soirée, à la demande du Niger et de la France. Il faut tout remettre à plat, car il y a neuf mois, la Cédéao avait pesé de tout son poids pour fixer une transition la plus courte possible et un transfert rapide des pouvoirs aux civils. D’après nos informations, le colonel Assimi Goïta s’évertue à rassurer les uns et les autres sur ses intentions, notamment l’organisation des élections générales en 2022 comme prévu. Certains interlocuteurs le croient, d’autres sont sceptiques.

Le chef de l’ex-junte dort très peu depuis lundi, jour de l’arrestation par ses hommes du président et de son Premier ministre. Son agenda chargé est tenu par son plus proche collaborateur, le capitaine Demba N’Daw, directeur de cabinet avec rang de ministre. C’est généralement cet homme discret qui lui passe au téléphone les nombreuses personnalités étrangères qui souhaitent avoir des nouvelles de la situation.

À mi-chemin des dix-huit mois – âprement négociés en septembre dernier –, Goodluck Jonathan et sa délégation sont de nouveau à la recherche d’une issue à cette nouvelle crise politique institutionnelle au Mali. Le médiateur de la Cédéao est arrivé sur place hier et s’est déjà entretenu avec le responsable de la junte.

Rencontre solennelle

La rencontre avait un côté solennel, selon un témoin. Le vice-président, le colonel Assimi Goïta, a pris la parole pour un plaidoyer pro domo. Il a repris les grandes lignes de son communiqué publié après l’arrestation du président de la transition et de son Premier ministre.

Il a contre eux un chapelet de griefs. Par exemple, le fait de ne pas avoir été consulté avant le remaniement ministériel, ce qui, pour lui, constitue une violation de la charte de transition. Il a également abordé la question de la crise sociale qui, toujours selon lui, ne trouvait pas de solution. Et les responsables en sont le président Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane qui ont été placés « hors de leurs prérogatives » hier, mardi 25 mai.

Ce premier rendez-vous s’est terminé tard dans la nuit. Après l’avoir écouté attentivement, la délégation conduite par Goodluck Jonathan a clairement évoqué la possibilité, pour l’institution de la sous-région, de prendre des sanctions, notamment contre des militaires lors d’un prochain sommet ad hoc de la Cédéao. Les militaires impliqués dans ce dernier coup de force sont proches du Comité national pour le salut du peuple, à l’origine du coup d’État du 18 août 2020. Les Européens, qui ont « condamné avec la plus grande fermeté l’arrestation du président du Mali et de son Premier ministre », selon le président Macron hier, lors de leur sommet, pourraient très rapidement suivre dans la prise de sanctions.

Un programme dense

Le programme des prochaines heures, voire des prochains jours, sera particulièrement dense, avec des entretiens prévus avec des organisations de la société civile, des responsables, des représentants des chancelleries. Une visite au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane est également prévue ce matin. Écartées du pouvoir la veille, les deux personnalités sont aujourd’hui toujours détenues à Kati. Le président Bah Ndaw veut-il rester au pouvoir ? Jeter l’éponge ? Ce qu’il dira sera décisif pour la suite des discussions avec les militaires et pour une sortie de crise.

Comme lors de ses précédents séjours à Bamako – que Goodluck Jonathan connaît très bien –, il rencontrera certainement des partis politiques. Si la situation n’était pas clarifiée, l’Union européenne, tout comme la Cédéao, pourraient prendre des sanctions. La dernière en date était un embargo, qui avait été levé juste après la mise en place d’un gouvernement de transition, en octobre dernier.

Comme d’autres institutions, la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo a également demandé la libération immédiate et sans condition du président de la transition et de son Premier ministre.

L’OIF avait suspendu le Mali de la Francophonie suite au coup de force de cet été, cette suspension avait été levée à la suite des engagements pris par l’ex-junte. Mais là, on sort du cadre qui était accordé. Donc on est sur une position de condamnation et d’appel à un retour à ce qui a été convenu.

Antoine Michon directeur des affaires politiques de l’OIF

Deux autres figures de l’ex-junte sont très actives. Il s’agit de l’ancien ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara et de l’ex-ministre de la Sécurité, Modiko Koné, éjectés du gouvernement lors du dernier remaniement. Avec le colonel Malick Diaw, président du Conseil national de transition, ces officiers veulent se montrer sereins face à la situation et unis face aux Maliens et à la communauté internationale.

Des conseillers civils fournissent des éléments de langage pour les visiteurs. Ces hauts gradés de l’ex-junte, comme d’autres, ont un autre souci : celui de maintenir la cohésion au sein des troupes.

Pas de fmée blanche pour l’instant. Beaucoup de questions en revanche : Qui prendra la main neuf mois après le coup d’Etat qui a conduit à la chute de l’ex-président IBK ? le président de la transition Bah Ndaw et son Premier ministre Moctar Ouane sont-ils durablement hors-jeu ? Les pressions internationales peuvent-elles influer sur le cours des négociations ?

Serge Daniel RFI

 

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