Affaire Hogg Pool : Un demi-million d’Égyptiens victimes d’une arnaque aux cryptomonnaies

Afrique

Près d’un demi-million d’Égyptiens ont été escroqués par une société qui prétendait investir dans les cryptomonnaies. Les médias égyptiens, qui parlent « d’escroquerie du siècle », estiment les pertes des « investisseurs » à plus de 200 millions d’euros. Le ministère de l’Intérieur a annoncé avoir procédé à des arrestations.

La société de droit égyptien s’appelait officiellement « Hogg Community Tech », mais était plus connue sous le nom de Hogg Pool. Elle avait obtenu, au mois d’août, un permis pour « le commerce sur internet » et créé un site « hoogpool.com ». Mais très vite, la société s’est fait connaître à grand renfort de pubs sur Facebook et via des groupes sur WhatsApp. Des réseaux sociaux auxquels plus de la moitié des Égyptiens sont inscrits. Des réceptions fastueuses avec des invités connus ont aussi été organisées.

Hogg Pool indiquait à ses potentiels clients qu’elle investissait dans la cryptomonnaie. Même si cette activité est illégale en Égypte, le fait qu’elle rapporte, selon ses promoteurs,  « plus de cent fois la mise » en quelques mois faisait fermer les yeux. Hogg Pool a aussi créé une application gratuite pour téléphone mobile distribuée par Google Play et qui a été téléchargée plus de 600 000 fois. L’investissement commençait à 4 000 livres, 200 euros au mois d’août, et devait rapporter 10 euros par jour. Les bénéfices étaient encaissables au bout de 150 jours. Les premiers investisseurs ont commencé à glaner leurs bénéfices en décembre. L’information s’est répandue comme une traînée de poudre et les investisseurs, pour la plupart des petits et moyens épargnants, sont passés de dizaines de milliers à centaines de milliers.

Une « pyramide de Ponzi »

Hogg Pool a appliqué le système de fraude connu sous le nom de  « pyramide de Ponzi » où les premiers investisseurs sont rémunérés avec l’argent des nouveaux arrivants. Le principe avait été déjà appliqué à large échelle dans les années 1980-90 par les « Sociétés d’investissements islamiques » qui prétendaient faire des bénéfices colossaux grâce au commerce « halal béni par Allah » et plus précisément par le marché noir du dollar. L’effondrement de ces sociétés avait fait perdre leurs économies à des millions d’Égyptiens, petits et moyens épargnants pour la plupart.

Trente ans plus tard, l’escroquerie était « laïque » et le marché noir du dollar remplacé par le « mining » de cryptomonnaies. Hogg Pool percevait « les investissements » sur l’application mobile via des cartes de crédit, mais aussi via les transferts de « cash » des quatre opérateurs égyptiens de téléphonie mobile, beaucoup d’Égyptiens n’ayant pas de comptes bancaires. Selon des témoignages recueillis par les médias, des futurs mariés investissaient à Hogg Pool les économies destinées à acheter les meubles. Ils pensaient qu’ils pourraient ainsi acheter un appartement et le meubler. Des retraités investissaient leur indemnité de fin de carrière en vue de décupler leurs revenus. Des fonctionnaires du public et des employés du privé empruntaient auprès de leurs employeurs en vue d’investir dans Hogg Pool. Il y a même eu des familles entières, avec plusieurs générations, qui ont placé tout leur argent dans cette escroquerie.

29 personnes arrêtées

La dévaluation de la livre et la montée de l’inflation au-delà de 25% en décembre a renforcé la vague d’investissements dans Hogg Pool. L’opération a pris une telle ampleur qu’elle a alerté des députés qui ont soulevé la question au Parlement. Ils ont notamment souligné le caractère illégal de l’investissement dans les cryptomonnaies, mais aussi évoqué la possibilité d’une escroquerie. Devant la multiplication des interrogations et les doutes qui ont commencé à s’installer chez les investisseurs, Hogg Pool a disparu la semaine dernière. Page internet et application mobile inopérantes. Les épargnants spoliés ont déversé leurs récits dans les divers médias qui parfois se moquaient de leur naïveté. Des médias qui n’ont pourtant pas flairé « l’escroquerie du siècle ».

Le ministère de l’Intérieur vient d’annoncer l’arrestation de 29 personnes, dont 13 étrangers, qui seraient les promoteurs et opérateurs de Hogg Pool. Ordinateurs, téléphones portables et cartes de crédits ont été saisis, tout comme une somme équivalant à 20 000 euros. Une goutte d’eau dans l’océan. Selon l’enquête préliminaire, une bonne partie de l’argent aurait été sortie d’Égypte via l’achat, justement, de bitcoins. Des investisseurs spoliés se demandent sur les réseaux sociaux si les cerveaux de l’opération ne se sont pas, eux aussi, enfuis en laissant derrière eux des lampistes.

RFI