Talon en passe de gagner le pari

Politique

La restauration du patrimoine culturel africain en général et béninois en particulier préoccupe le Président de la République, Patrice Talon. Il est engagé pour cette noble cause. A la conférence internationale que l’Unesco accueille à Paris, Talon va poursuivre ce combat qu’il est en passe de gagner.

Le chef de l’Etat béninois, Patrice Talon, est à l’Unesco à Paris. En effet, l’Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) organise ce vendredi 1er Juin 2018 à Paris une conférence internationale sur la circulation des biens culturels et du patrimoine commun. C’est une conférence qui est coprésidée par le Président Patrice Talon et la Directrice Générale de l’Unesco, Audrey Azoulay. Participent à ces assises , des ministres, universitaires, conservateurs et autres représentants des États membres de l’Unesco.

Il est prévu à cette conférence un panel ministériel sur le thème: « Les enjeux de la mobilité des patrimoines ». Il sera suivi de trois tables rondes axées sur les thèmes suivants : -« Circulation des biens culturels : les nouvelles formes de coopération » ; « Circulation des biens culturels : le débat éthique » et « Circulation des biens culturels : le nouveau rôle des musées ».

Cette conférence se tient à juste titre. Elle se tient en effet à un moment où le monde se préoccupe de la question des biens culturels déplacés de leur pays d’origine. C’est une ultime occasion pour le Président Patrice Talon de réaffirmer son engagement dans le processus de retour des biens culturels du Bénin détenus par la France. C’est dire que le discours du président de la république, Patrice Talon, est très attendu à cette conférence internationale.
Ce qui constitue aussi une avancée dans ce dossier, le président Macron a déjà mis en place une commission que dirigent Felwin Sar et Benedicte Savoy pour le rapatriement de ce patrimoine culturel africain. Et dire que Talon est en passe de gagner le pari n’est qu’une lapalissade.

Faut-il le souligner, le chef de l’État béninois n’a pas manqué l’occasion au mois de mars 2018 lors de sa rencontre avec le Président Emmanuel Macron à l’Elysée de rappeler à la France son devoir d’aider le Bénin à rapatrier son patrimoine culturel. C’est un discours qui a fait écho dans le monde entier. Il a incité le Président Macron à annoncer la création d’une commission conduite par deux personnalités pour réfléchir sur les modalités du retour du patrimoine africain à l’Afrique. Bénédicte SAVOY, membre du binôme mis en place par le Président français sera présente à la Conférence de Paris qui démarre ce vendredi matin autour de 10h, heure locale.
Dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie pour le développement culturel et touristique, le gouvernement béninois a pris le 27 Juillet 2016 l’initiative d’engager le processus de retour des objets royaux emportés par l’armée française lors de la conquête de Novembre 1892. Depuis lors, la détermination du Chef de l’État béninois est resté la même Et la preuve est sa présence encore à Paris ce vendredi 1er Juin 2018. Talon affiche un leadership qui montre qu’il est en passe de gagner son combat pour le bonheur des pays africains en général et du Bénin en particulier de disposer bientôt de leur patrimoine entre temps emporté par le colonisateur. Il faut alors saluer Talon pour son engagement. Il a de la suite dans ses idées et dans son combat. La restauration du patrimoine culturel béninois en passe d’être réalité lui donnera raison.


Encadré

Inventaire de ces objets pillés

Le musée parisien conserve plus de 4 600 objets béninois sur quelque 70 000 oeuvres d’Afrique subsaharienne. Une collection héritée, en grande partie, de celles du Musée de l’Homme et du Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie, essentiellement constituées à l’époque coloniale.

Du trophée militaire à l’œuvre d’art

Plusieurs de ces biens ont été offerts à la France par des militaires français comme le général Alfred-Amédée Dodds (1842-1922). C’est le cas des statues royales évoquant les règnes des rois d’Abomey Ghézo (1818-1858), Glélé (1858-1889) et Béhanzin (1890-1894), de trônes, de récades – sceptres royaux – ou encore de nombreuses toiles appliquées, saisis par ses troupes à la fin du XIXe siècle lors de la conquête coloniale de l’ancien royaume du Dahomey, situé dans la partie sud-ouest de l’actuel Bénin.
« Nous sommes dans un contexte colonial, impérialiste, à la deuxième moitié du XIXe siècle, explique l’historien béninois Romuald Michozounnou. L’Occident industrialisé avait décidé d’aller à la conquête des terres au-delà de la Méditerranée. Il a été dit à la conférence de Berlin de 1884 que tout pays installé sur les côtes avait la possibilité d’aller à l’intérieur, le plus loin possible, jusqu’à rencontrer un obstacle naturel, l’essentiel étant de le notifier aux autres ».
« La France était déjà présente sur les côtes du royaume du Dahomey, dans de petits établissements comme à Cotonou, en accord avec le royaume, poursuit-il. Le Dahomey pensait que la France était toujours en coopération et en location de tout espace. Les rois du Dahomey n’avaient pas compris que le contexte international avait changé et que les pays de l’Occident avaient décidé d’aller à la conquête de leurs terres et d’aller prendre, par la force militaire, les terres de l’intérieur de l’Afrique ».
Comme le rappelle l’historien français Francis Simonis, maître de conférence en histoire de l’Afrique, « la colonisation débute généralement par des opérations militaires, au cours desquelles il est de coutume de piller les peuples conquis. Ce droit de prise est d’ailleurs reconnu par le droit de la guerre de l’époque ».
Une partie de ces trophées militaires, principalement saisis dans les palais royaux d’Abomey, est envoyée au Musée d’ethnographie du Trocadéro qui devient, en 1937, le Musée de l’Homme. D’autres sont exposés à partir de 1931 au Musée des colonies, futur Musée des arts nationaux d’Afrique et d’Océanie.
« Les plus grosses pièces étaient données aux institutions publiques françaises. Mais les plus petites comme les bijoux atterrissaient dans les collections privées, chez des particuliers ou des revendeurs d’art. C’est à ce moment-là qu’un marché de l’art béninois a commencé à se développer », explique Joseph Adandé, spécialiste des Arts africains au Bénin.
« Plus nous avançons dans le temps, plus la valeur de ces pièces devient inestimable, estime l’historien béninois Gabin Djimassè. Pour nous, cela fait partie de notre quotidien, de notre vie. Ces objets, on ne les utilise pas seulement pour leur beauté, pour l’aspect esthétique. L’esthétique vient après. C’est d’abord la valeur cultuelle. A Abomey, on continue de faire des cérémonies où on va louer des auteurs portatifs auprès du gestionnaire du site des palais royaux d’Abomey parce que ces autels sont réalisés pour chaque roi, en plusieurs exemplaires, et pour nous, ces autels servent de couverts. C’est sur ces autels qu’on immole les animaux, qu’on sert les repas préparés et nous partageons le repas. C’est des moments très importants de notre vie où nous partageons ce que nous avons avec l’esprit de nos défunts et le reste de nos concitoyens ».
Pour beaucoup de ces biens culturels, aujourd’hui érigés en oeuvres d’art, l’aspect esthétique reste secondaire au regard des sociétés qui les produisent. « Ces objets avaient d’abord une valeur cultuelle », souligne l’historien béninois Gabin Djimassé, citant l’exemple d’autels portatifs saisis lors de la conquête du Dahomey.
« Certains objets sont liés à l’art divinatoire du Fa. Ils permettaient à nos rois de lire dans l’avenir afin de savoir quelles décisions prendre. Il y a aussi les « bocchios », des fabrications en bois utilisées dans les sacrifices quotidiens », complète Romuald Michozounou, enseignant à la retraite du département d’histoire et d’archéologie de l’université d’Abomey-Calavi au Bénin.
Les palais royaux d’Abomey, l’ancienne capitale du royaume, possèdent aujourd’hui plusieurs reproductions de ces biens. Mais les historiens béninois s’accordent sur l’importance de la restitution des originaux qui, au-delà de la visibilité touristique qu’ils offriraient au Bénin, conservent une exceptionnelle valeur patrimoniale et spirituelle.
« Dans les années 1990-2000, j’étais en très bonne intelligence avec un certain nombre de fonctionnaires de la France dans mon pays et il m’arrivait de conduire certaines visites du musée d’Abomey, raconte le Béninois Joseph Adandé, historien de l’art. Il y avait un certain nombre de pièces devant lesquelles nous disions à l’époque « L’original se trouve au Musée de l’Homme à Paris », dont par exemple le trône de Béhanzin dont on avait à l’époque qu’une photo, la statue du dieu Gou, un certain nombre de toiles appliquées. Lors d’une des visites, à la fin, les amis m’ont dit : « Mais tous les originaux se trouvent donc au Musée de l’Homme à Paris ? ». Moi, je n’avais même pas remarqué combien ce commentaire était frappant. Et pour eux, c’était frappant. C’était choquant que tout le patrimoine artistique d’un pays se retrouve en France. Mais ils n’y pouvaient rien parce qu’à l’époque, il n’était pas question de revendiquer à la France quoi que ce soit, ni de lui demander quoi que ce soit ».
Des saisies similaires sont effectuées tout au long de la conquête de l’Afrique par les Français. Pour autant, ces butins de guerres ne constituent qu’une partie des acquisitions de biens culturels africains à l’époque coloniale. Les ethnologues ont, à cet égard, largement contribué à enrichir les collections muséales françaises.

Source : RFI