Présidentielle au Congo-Brazza : La conférence épiscopale émet de «sérieuses réserves»

Afrique

Le prochain scrutin au Congo-Brazzaville sera-t-il transparent, crédible et apaisé ? Dans un message qu’ils ont diffusé hier mardi 2 février, les évêques du Congo ont fait part de ce qu’ils qualifient eux-mêmes de « sérieuses réserves » sur le scrutin prévu le 21 mars. « Notre peuple, écrivent-ils, est fatigué de ces élections qui fragilisent la cohésion sociale et entachent l’image de notre pays à l’étranger ». Quels sont les problèmes qui sont pointés, quelles sont les recommandations de l’Église ? Monseigneur Victor Abagna Mossa, archevêque d’Owando et porte-parole de la conférence épiscopale congolaise, est notre invité.

RFI : Dans le message que la Conférence épiscopale du Congo vient de diffuser, vous émettez de sérieuses réserves qu’une élection présidentielle apaisée, participative, transparente, libre et crédible puisse être organisée dans les conditions actuelles. Sur quoi sont fondées ces réserves ?

Monseigneur Victor Abagna Mossa : Demain, nous allons passer aux élections. Ce sera sûrement difficile puisque que tout n’a pas été fait. Où sont les listes (électorales, Ndlr) et est-ce que les listes disent la vérité ? Nous parlons de cartes biométriques, on ne les a pas. Avec le coronavirus, avec le confinement, les gens qui ne peuvent pas se mettre ensemble, il faut rester séparés… ce sera compliqué. Qu’est-ce qui va se passer ? On craint que ce ne soit pas bon.

Pour tous ceux qui n’ont pas pu lire ce message, qu’est-ce que vous craignez ?

Les Congolais ont peur. Il y en a qui se préparent, il faudrait déjà aller dans son village natal pour être tranquille. Il y a cette peur-là. On craint que la paix ne soit pas là, ce que nous désirons le plus.

Les Congolais, écrivez-vous, ont de moins en moins foi dans le système électoral actuel. Qu’est-ce qui explique, selon vous, cette perte de confiance dans le système électoral ?

Hier, ce n’était pas bon. On recommence encore la même chose. Vous pensez bien que l’on peut perdre la confiance. Est-ce que ceux qui votent sont vraiment ceux-là qui doivent voter ? Est-ce qu’ils ne votent pas à tel endroit pour aller voter encore à tel autre endroit ? Dans certains coins, il n’y a presque plus de population, mais on voit aux élections qu’il y a plein de monde. Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce que les gens sont revenus seulement pour voter ? Tout cela nous fait faire des réserves. Ce que nous avons écrit, si ça peut aider le gouvernement et les responsables à s’améliorer ce serait très bien, qu’ils se disent : « Tiens, maintenant on va prendre au sérieux ce qu’on a à faire. Dans telle ville, il y a tel nombre d’habitants, voilà ceux qui peuvent voter ou pas. Il y en a qui sont morts, ce n’est pas ceux-là qu’il faudra faire voter. » Voilà, ce genre de choses. Qu’on soit un peu plus proche de la vérité.

Comment peut-on faire justement selon les évêques et les archevêques ?

On n’a pas trouvé de solution, mais au moins on fait noter que telle manière d’agir n’est pas bonne. Il faudrait essayer de faire mieux, de faire quelque chose pour s’approcher un peu de la vérité.

Vous renouvelez dans ce message votre prise de position sur l’alternance d’y il a plusieurs années. Vous souhaitiez alors que « l’alternance au pouvoir devienne une règle intangible et immuable pour notre démocratie » et vous souhaitiez que, au Congo, on applique un mandat renouvelable une seule fois.

La position est là. On se dit que ce serait bien que ce soit une fois. Par exemple, pour l’impunité, il se pourrait qu’on s’habitue tellement avec ces personnes qu’on soit incapable de les sanctionner. Alors, si on fait une fois seulement, celui qui vient il faut qu’il travaille… et bien.

Est-ce que certaines actions urgentes peuvent être ou doivent être menées par les autorités pour avancer vers une élection transparente ?

Si toutes les listes peuvent être prêtes avant et, que dans les localités, on sait qui pourra voter, je pense qu’il n’y aura pas de problème. Mais avec ce que nous avons dit, il y a peut-être encore quelques jours pour que le gouvernement fasse quelque chose et réalise ce qu’il peut réaliser avant ces élections.

Qu’est-ce qui motive cette prise de position forte de la Conférence épiscopale ?

Simplement, on écoute les gens, on les entend qui se plaignent. Ceux qui sont dans le gouvernement ne peuvent certainement pas se plaindre comme d’autres, mais les autres se plaignent vraiment. Alors s’ils peuvent nous écouter ils penseront à tout Congolais et il n’y aura pas de problème.

Qu’est-ce qu’il faut changer dans la gouvernance du Congo selon la Conférence épiscopale ?

On demande d’abord au gouvernement d’éviter la corruption et de se mettre un peu à travailler pour les défis dont nous avons parlé : que le peuple congolais puisse avoir l’électricité par exemple, qu’il soit soigné, qu’il soit éduqué… Ça c’est tout à fait normal. Ça sera déjà beaucoup.

RFI

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