Chronique de  Jean-Discipline Adjomassokou : Florent Couao-Zotti dans un mauvais rôle

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J’ai lu avec délectation la réaction de mon ami Florent Couao-Zotti suite à la publication de ma chronique sur les propos de Angélique Kidjo. Ma chronique n’a nullement pour objet de dénigrer Angélique Kidjo, mais plutôt de rétablir la vérité.  J’ai reçu des messages et même des appels venant de nos compatriotes aussi bien de l’intérieur comme l’extérieur et même des étrangers ayant vécu au Bénin à cette époque. Tous ont confirmé mes propos dans la chronique et  je les remercie infiniment. La grande chanteuse Sena Joy Jelia m’a adressé un message pour meféliciter. C’est une dame que je n’ai jamais eu la chance de rencontrer et elle a contredit Angélique Kidjo parce qu’elle a vécu les gloires de la révolution. J’en suis fier.

 Florent Couao-Zotti dans une confusion inimaginable*

Florent Couao-Zotti vient défendre Angélique Kidjo, c’est bien, c’est louable. Mais il ne m’a pas convaincu et ses arguments ne peuvent jamais convaincre tous ceux qui ont connu véritablement l’évolution du paysage musical de cette époque. Je n’invente rien. Angélique Kidjo n’a pas dit la vérité et Florent Couao-Zotti la suit dans cette erreur.

 

J’ai lu plusieurs fois dans  la presse française que Angélique Kidjo a quitté le Bénin pour des ennuis politiques. Certes, elle pouvait avoir des problèmes politiques et quitter son pays. Je cherchais à connaître ses ennuis politiques et personne n’était en mesure de me fournir des réponses exactes. Ces ennuis politiques sont restés dans la tête de Angélique Kidjo qu’elle servait aux occidentaux peut-être pour avoir leur sympathie et bénéficier de leurs faveurs. Maintenant, dire que le système révolutionnaire marxiste-léniniste de Mathieu Kérékou avait interdit la pénétration de la musique étrangère au Bénin, c’est faux et archi faux. Accepter une telle assertion de Angélique Kidjo est une insulte grave pour nos parents et nos grands frères et grandes soeurs. C’est aussi accepter que nos parents de l’époque étaient des ignorants et des attardés en matière de musique. Les Béninois étaient libres d’écouter les musiques de leur choix et les musiques étrangères étaient diffusées à foison sur « La Voix de la Révolution », l’unique radiodiffusion à l’époque. Les artistes européens comme Michel Sardou, Johnny Halliday, Jane Mason, Nana Mouskouri, Dalida, Enrico Macias, Mike Brown, Mireille Mathieu, Gérard Palapra avec sa fameuse chanson « L’homme, tu ressembles à Dieu », Vicky Leandros, Hervé Villard, Charles Aznavour étaient largement connus par les Béninois grâce à « La Voix de la Révolution » et les différentes chansons faisaient l’objet d’interprétation par plusieurs artistes béninois.

 *L’animation musicale sous la révolution* 

Gnonnas Pédro avait même repris sous la révolution en 1974 les chansons « Bon anniversaire » et « Les comédiens et musiciens » de Charles Aznavour sans subir des représailles de qui que ce soit. Il a également repris plusieurs chansons de l’artiste nigérian Johannes comme « Elowolo » interprétée récemment par Zenab. Toutes ces oeuvres musicales étaient régulièrement diffusées sur la radio nationale et vendues dans tous les magasins de disques sur le territoire sans aucun contrôle. Notre aîné Soulé Issiaka animait une émission de divertissement très aimée par les auditeurs dénommée « Équilibre » avec des musiques étrangères. Il n’a jamais été inquiété. Il avait eu d’autres ennuis jusqu’à quitter le Bénin pour des raisons politiques. Guy Kpakpo animait également plusieurs émissions sur la même station dont « Week end à tout vent » avec des musiques étrangères. Madame Thérèse Gonzalvès plus connue sous le nom de Cousine Angèle, brillante journaliste et animatrice et Diogo Pelu sans oublier le regretté Hervé Koissi  recevaient des artistes étrangers dans leurs différentes émissions et diffusaient leurs chansons dans les années 70. Donc, François Mitterrand, arrivé au pouvoir le 10 mai 1981 en France, n’a eu aucune influence sur le président Mathieu Kérékou pour laisser circuler les œuvres musicales étrangères au Bénin.

Tous les artistes béninois ne produisaient pas des chansons en l’honneur de la révolution. C’est le cas de Stan Tohon qui a sorti son premier disque , un mini 45 Tours, en 1974 dénommé « C’est fini ». Un deuxième 45 Tours en 1978, « Yallow » enregistré à la Satel à Cotonou. Il sort à la fin de 1980 l’album « Ahoua matchi zo » pour lancer son nouveau style Tchink System enregistré à Abidjan grâce au producteur nigérian Aboudou Lassissi. Stan Tohon a produit des dizaines d’albums sans jamais chanter la révolution. Concernant Sagbohan Danialou, j’ai parcouru son répertoire musical jusqu’à tomber sur son premier 45 Tours sorti en 1966. Je n’ai pas encore trouvé une seule chanson de lui à la gloire de la révolution. Il y a encore quelques années en arrière, je rencontrais Sagbohan Danialou dans une station de radio privée de la place et je lui disais de faire le remix de ses anciennes chansons comme « Foutou banana » et une autre chanson en langue Mina dont j’oublie le titre dans laquelle il demandait à sa dulcinée pourquoi elle avait manqué à son rendez-vous. Il avait effectivement fait le travail avec d’autres de ses chansons et le succès est jusqu’à présent total. Ce sont des chansons produites sous la révolution, mais qui n’ont pas bénéficié d’une parfaite promotion. Blucky d’Almeida aussi n’a jamais produit des chansons révolutionnaires. Selon Angélique Kidjo soutenue par Florent Couao-Zotti la révolution avait interdit les chansons étrangères. Comment un pays qui a interdit les musiques étrangères pouvait-il encore recevoir les artistes étrangers sur son territoire en les laissant se produire en spectacle dans des salles appartenant à cet État? Après l’agression des mercenaires le 16 janvier 1977, les relations  d’amitié entre le Bénin et le Togo n’étaient plus au beau fixe. Le Président Mathieu Kérékou fermait régulièrement la frontière du Bénin avec le Togo. Il accusait son homologue togolait d’avoir été de connivence avec la France, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Maroc pour agresser son pays. Malgré cette tension, les artistes togolais n’ont jamais cessé de venir en spectacle au Bénin. Fifi Rafiatou était reçu en spectacle au Hall des Sports en 1977, quelques mois seulement après l’agression, elle n’avait que 17 ans. Elle interprétait les chansons de Bella Bellow. Damahounzan, Akofa Akoussa et Afia Mala avaient pris le Bénin comme leur seconde patrie. Florent Couao-Zotti a oublié de dire que c’était au cours de l’un de ses séjours au Bénin dans les années 70  que le chanteur et musicien camérounais, l’homme au style de cow boy Ékambi Brillant avait fait la découverte de Angélique Kidjo sur scène interprétant les chansons de Myriam Makeba et de Bella Bellow. Si les musiques étrangères étaient effectivement interdites au Bénin sous la révolution, je ne sais pas ce que Ékambi Brillant chercherait à Cotonou avec sa chanson fétiche « Élongui » pour faire la rencontre de Angélique Kidjo sur scène. Ékambi Brillant avait découvert aussi une autre jeune artiste béninoise à Cotonou. Il s’agit de Marcelle Adjanohoun alias Cela Stella. Ékambi Brillant avait décidé de partir avec les deux femmes au Cameroun pour les aider à évoluer dans la musique. Cela Stella avait été vite adoptée par le public camérounais. Les choses n’ont plus marché pour Angélique Kidjo et elle avait décidé de revenir au pays. Mais Ékambi Brillant avait pris l’option d’aider Angélique à produire un disque 33 Tours intitulé « Gbè Agossi » sorti en 1980. François Mitterrand n’était pas encore au pouvoir en France pour influencer le président Mathieu Kérékou.

Je voudrais aussi dire à mon ami Florent Couao-Zotti que Ernesto Djédjé, l’artiste ivoirien n’est jamais venu au Bénin avant sa mort. Et pourtant, sa chanson « Ziboté » sortie en 1976 était sur toutes les lèvres au Bénin grâce à « La Voix de la Révolution. Aussi, l’arrivée de Sam Magwana et de son orchestre African All Stars au Bénin au milieu des années 70 n’était pas l’oeuvre de Dagothy. Ils étaient des musiciens aventuriers qui sillonnaient l’Afrique centrale et de l’ouest pour imposer leur musique. Ils avaient élu domicile à Cotonou et faisaient la navette entre Cotonou Porto-Novo pour jouer leur musique. Ils en profitaient pour enregistrer des albums à la Satel. Tout le monde connaît le morceau à succès « Georgette Ékin » en 1976. D’autres congolais leur ont emboîté le pas par exemple Théo-Blaise Kounkou avec la chanson « Belle Amicha », Tchico Tchicaya qui enregistrait son album « L’heure a sonné » en 1976. Kanta Nyboma voulait enregistrer son album « Doublé Doublé » quelques mois après son  arrivée à Cotonou, mais son producteur avait préféré Abidjan.

 

Florent Couao-Zotti doit savoir que personne n’a encouragé Théophile do Régo alias Dagothy à se lancer dans l’organisation des spectacles. Après avoir vécu pendant plusieurs années en Côte d’Ivoire, il avait décidé de revenir au Bénin. Par passion pour la musique, il faisait venir des artistes comme François Louga, Bailly Spinto, Aïcha Koné, Daouda le Sentimental etc. Il faisait tout avec ses propres moyens. Je reconnais aussi que c’était lui qui avait fait venir La Compagnie créole pour la première fois au Bénin. Il avait beaucoup fait pour l’animation musicale au Bénin.

Nous n’avons pas intérêt à dire des faussetés sur le Bénin parce que c’est notre pays et nous avons le devoir de l’aider à grandir, mais pas dans le mensonge.

 Jean-Discipline Adjomassokou

 

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