Sommet des Brics : A distance, Poutine fustige l’ONU et déplore la crise des céréales

International

Le sommet annuel des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s’est ouvert ce mardi 22 août dans l’après-midi à Johannesburg, au centre de conférence de la ville, alors que plusieurs pays postulent à une intégration. Vladimir Poutine, absent physiquement du sommet, a adressé par vidéo un message clair quant à la position de la Russie, un peu plus d’un mois après le retrait de Moscou de l’accord sur l’export des céréales ukrainiennes.

Il est le grand absent de cette réunion, la première depuis la pandémie de Covid-19. Visé par un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), Vladimir Poutine n’est pas présent en Afrique du Sud pour ce 15e sommet des Brics. Une non-venue qui évite à Pretoria une situation délicate, car l’Afrique du Sud, en tant que membre de la CPI, aurait dû arrêter le chef du Kremlin en théorie

Mais comme prévu, le président russe s’est tout de même exprimé à travers un message à l’ouverture du sommet. Il a ainsi parlé comme il parle l’écrasante majorité du temps à la population russe : par vidéo interposée, assis derrière son bureau. Et alors que la Russie a mis fin à l’accord sur les céréales et que les présidents russe et turc ne se sont toujours pas reparlés, Vladimir Poutine est encore revenu sur sa position sur le sujet.

« La Russie, a-t-il dit, est délibérément entravée dans l’approvisionnement en céréales et en engrais à l’étranger. Et en même temps, on nous accuse hypocritement d’être responsables de la situation de crise actuelle sur le marché mondial. Cela s’est clairement manifesté dans la mise en œuvre du soi-disant accord sur les céréales, conclu avec la participation du secrétariat de l’ONU. »

« Aucun des termes du soi-disant accord, concernant le retrait des sanctions des exportations russes de céréales et d’engrais vers les marchés mondiaux, n’a été mis en œuvre, estime le président de la Fédération russe. Les demandes de la Russie à cet égard ont tout simplement été ignorées, même entravées. Le libre transfert des engrais minéraux a été bloqué dans les ports européens. »

L’essentiel, pour Vladimir Poutine, était de rappeler que la Russie reste membre à part entière de l’organisation, et de souligner encore et toujours sa position sur les sanctions prises suite à son offensive en Ukraine. Elles sont, a-t-il encore répété, « illégales », et ont « de graves conséquences sur l’économie mondiale ».

  1. Poutine tient, surtout, à démontrer que même à distance, il n’est pas seul. Et d’insister, donc, sur le poids des Brics. Majorité de la population mondiale, ascension des investissements, augmentation du pouvoir d’achat… Pour lui, voilà un bloc largement en mesure de rivaliser avec le G7, instance dont la Russie a été exclue en 2014, après l’annexion de la Crimée.
  2. « Le dynamisme des économies des Brics est une force motrice »

Les représentants des cinq pays ont par ailleurs évoqué, ce jour à l’assemblée, des questions très économiques, puisque le forum des affaires des Brics devait se terminer dans la soirée de ce mardi, comme l’explique notre envoyée spéciale à Johannesburg, Claire Bargelès.

Le président brésilien Lula a tenu à mettre l’accent sur le dynamisme que représente pour lui un bloc comme les Brics pour l’avenir. « Depuis le premier sommet des chefs d’État et de gouvernement, notre part au sein de l’économie globale n’a cessé d’augmenter, a-t-il rappelé. Selon les prévisions, les marchés émergents et en développement seront ceux qui connaîtront le plus de croissance au cours des prochaines années. »

« Selon le Fonds monétaire international, alors que les pays industrialisés devrait passer d’une croissance de 2,7% en 2022, à 1,4% en 2024, les pays développés devraient, eux, passer à une croissance de 4% sur cette même période, anticipe Lula. Cela montre que le dynamisme des économies du Sud global et des Brics est une force motrice. Sur le plan multilatéral, les Brics veulent se distinguer en étant une force qui travaille en faveur d’un commerce global plus juste, prévisible et équitable. »

Ce sommet se veut un appel du pied en direction des autres pays du Sud, encouragés à se rapprocher du bloc, de son orbite, et les dirigeants réunis à Johannesburg ne se sont pas privé de le marteler, invitant tous les autres à entendre leur vision du monde. Une poignée de ces derniers ont d’ailleurs formellement déposé leur candidature, comme l’Algérie ou l’Éthiopie.

Le Premier ministre Narendra Modi y voit également son intérêt, puisqu’il estime que son pays, l’Inde, sera bientôt la locomotive en termes de croissance mondiale, alors que le rendez-vous de ce mardi est suivi par de nombreux représentants africains.

À noter que si l’idée d’une monnaie commune n’est plus évoquée chez les Brics, les pays du bloc poussent pour que les échanges entre eux se fassent de plus en plus en monnaies locales, dans un vaste processus de « dédollarisation » dont Vladimir Poutine se réjouit.

Enfin, le président chinois Xi Jinping n’était quant à lui pas présent sur la scène du centre de conférence, ce mardi. Il était représenté par son ministre du Commerce, qui a mis en garde contre le risque d’une nouvelle guerre froide. En revanche, il a fait son apparition plus tôt ce jour à Pretoria, lors de sa visite d’État auprès de son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa.

En fin de journée, les dirigeants des Brics se sont retirés dans une résidence de luxe de la ville pour un temps à huis clos. Les discussions de mercredi devraient concerner le sujet incontournable du sommet, à savoir la fameuse question d’une éventuelle expansion de l’organisation et des critères d’entrée.

Des manifestants pro-Ukraine se font entendre à Johannesburg

En Afrique du Sud, des voix s’élèvent pour appeler les participants au 15e sommet des Brics à revoir leur position, relate notre envoyé spécial à Johannesburg, Nicolas Falez, qui a rencontré des manifestants dans la ville ce mardi.

« Sur ma pancarte, il est écrit  »non à l’impérialisme de Poutine » », explique cette Sud-Africaine, qui en veut à son gouvernement de se dire neutre face à l’invasion russe de l’Ukraine, et qui cite les mots de Desmond Tutu, l’une des grandes figures de la lutte contre l’apartheid :

« Si vous restez neutre face à une situation, c’est que vous avez choisi le camp de l’oppresseur. Et notre gouvernement dit qu’il est neutre. En tant que Sud-Africaine, je trouve ça déplorable, en particulier quand on sait ce que notre pays a connu dans le passé », dénonce-t-elle.

Lesya est membre de la petite communauté ukrainienne d’Afrique du Sud. Elle aussi voudrait que la Russie soit sous pression de ses partenaires des Brics. Elle se félicite de l’absence de Vladimir Poutine : « C’est une grande victoire pour nous. Ça montre que la justice existe. Je pense que Poutine a eu peur de venir, ou que le gouvernement sud-africain lui a demandé de ne pas venir pour ne pas se retrouver dans la situation délicate de devoir appliquer le mandat d’arrêt. »