Une option dangereuse selon Michel Adjaka

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La modification du code électoral intervenu ce lundi 16 mars à l’Assemblée nationale est une option dangereuse, selon le magistrat Michel Adjaka. Ces observations.

Le 16 mars 2015, les Honorables députés ont modifié la loi n°2013-06 portant code électoral en République votée le 27 septembre 2013. Quelques articles dudit code non encore mis en œuvre ont été revus et amendés par la Représentation Nationale. Au nombre de ces articles figure l’article 45. Cet article dispose que «la déclaration de candidature doit comporter les nom, prénoms, profession, date et lieu de naissance et adresse complète du ou des candidats.

En outre, la candidature doit mentionner, la couleur, l’emblème, le signe et/ou le sigle choisis pour l’impression des bulletins uniques, à l’exception des attributs de l’État ci-après : hymne national, drapeau, sceau, armoiries, devise.
Par ailleurs, la déclaration de candidature doit comporter un spécimen d’emblème.
Elle doit être accompagnée de:
– un certificat de nationalité;
– un bulletin n°3 du casier judiciaire datant de moins de trois (03) mois ;
– un extrait d’acte de naissance ou de toute pièce en tenant lieu;
– un certificat de résidence;
– une attestation par laquelle le parti ou l’alliance de partis politiques investit le ou les intéressé(s) en qualité de candidat(s);
– une déclaration par laquelle le candidat certifie sur l’honneur qu’il n’est candidat que sur cette liste et qu’il ne se trouve dans aucun des cas d’inéligibilité prévus par la présente loi».
Quant au nouvel article 45, il dispose que «Nonobstant les dispositions de l’article 45 du livre premier, dans le cadre de l’élection des membres des Conseils de village ou de quartier de ville, la déclaration de candidature doit comporter :
1-un acte de naissance, un jugement supplétif, toute pièce en tenant lieu ou la preuve que le candidat a engagé la procédure d’obtention dudit jugement supplétif ;
2- une copie certifiée conforme de la carte d’électeur du candidat ;
3- un certificat de résidence.»
De la lecture combinée et croisée de ces deux articles il ressort:
– le caractère facultatif de la production de l’acte de naissance ou du jugement supplétif,
-la non-exigence du casier judiciaire et du certificat de nationalité. En clair, les députés ont fait l’option d’écarter des pièces à fournir celles qui sont délivrées par la justice. Or, il est une évidence que seules les pièces émanant de la justice crédibilisent et sanctifient les dossiers de candidature. Conséquence, banaliser la production desdites pièces revient à donner la chance « aux sans papiers » et aux « hors la loi » de tout acabit d’administrer nos conseils de village ou de quartier de ville.
Mieux, l’option faite par les Honorables députés atteste à suffire qu’ils sont plus exigeants envers les électeurs qu’à l’égard des élus locaux, d’autant plus qu’aux termes de l’article 10 du code électoral «Ne peuvent être électeurs :
– les étrangers ;
– les individus condamnés pour crime ;
– les individus condamnés à une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis d’une durée égale ou supérieure à trois (03) mois, assortie ou non d’amende pour vol, escroquerie, abus de confiance, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, corruption et trafic d’influence ou attentat aux bonnes mœurs ou tous autres faits prévus par les dispositions des lois pénales et constitutifs de délit ;
– les individus qui sont en état de contumace ;
– les faillis non réhabilités dont la faillite a été déclarée, soit par des tribunaux de droit commun, soit par des jugements rendus à l’étranger, mais exécutoires au Bénin ;
– les individus privés du droit d’élire ou d’être éligibles par décision de justice ;
– les interdits».
Autrement dit, l’électeur doit être un citoyen irréprochable professionnellement et pénalement, alors que curieusement et paradoxalement la loi est moins sévère envers l’élu sur ces deux aspects.
En fait, l’Assemblée Nationale semble minimiser la fonction de chef de village ou de quartier de ville. Pourtant, aux termes de l’article 27 de la loi n° 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin, le législateur a confié aux élus locaux certaines missions de police judiciaire lorsqu’il prévoit que «Les maires, les chefs d’arrondissement, les chefs de village ou de quartier de ville sont tenus :
– d’informer sans délai, les services des forces de sécurité publique, des crimes et délits dont ils ont connaissance ;
– en attendant l’arrivée de l’autorité de police judiciaire compétente, de veiller à la conservation des indices et traces susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité et à la conservation des armes et instruments qui ont servi à commettre le crime ou le délit ou qui étaient destinés à le commettre, ainsi que de tout ce qui paraît être en rapport avec le fait incriminé ou en avoir été le produit ;
– dans le cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, d’en appréhender l’auteur et de le faire conduire immédiatement à l’autorité de police judiciaire la plus proche».
Enfin, il est de notoriété publique que c’est au chef de village ou de quartier de ville qu’incombe la responsabilité de délivrer aux citoyens les certificats de non litige, de possession d’état, l’attestation de résidence, le droit de participer activement aux opérations de lotissement etc.
Avec de telles charges, le parlement devrait être enclin à exiger de ces autorités locales la production du casier judiciaire, du certificat de nationalité et de l’acte de naissance, autrement notre processus électoral aura perdu en crédibilité. La loi n’a pas vocation à la sédentarité ; elle doit au contraire rechercher la modernisation de la société à laquelle elle s’adresse et s’applique à travers une sacrée exigence de probité attestée par des documents émis par la justice.