Un phénomène au galop

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On en parle dans les médias. On dénonce…Sans pouvoir freiner la prévalence des grossesses en milieu scolaire. Bien au contraire, d’année en année, les statistiques enflent.

1648 cas de grossesses ont été enregistrés en milieu scolaire entre 2010 et 2012 et entre 2016-2017, on dénombre 2763 cas. Soit une hausse de plus de 1000 cas en un quinquennat. Les statistiques des 12 départements montrent clairement que le phénomène est au galop, avec ses multiples conséquences.

En effet, une fille qui tombe enceinte sur les bancs handicape son avenir et peut difficilement poursuivre le cursus, même si les textes en vigueur l’y autorisent, souligne un parent d’élève. Sans compter d’autres conséquences telles que la perte d’estime de soi, de repère, etc. selon des spécialistes.
Pour le directeur du CEG 2 de Godomey, Komlan Houinsou, les explications à la croissance du phénomène sont multiples. A commencer par « la pauvreté ambiante qui sévit de nos jours dans de nombreux foyers ». Il s’explique : « N’ayant pas de moyens pour subvenir aux besoins de leurs enfants, celles-ci sont obligées de se livrer à des hommes (camarades comme amis), afin de pouvoir obtenir de quoi se satisfaire ».

Sociologue-anthropologue, Elie Gangnido pointe d’un doigt accusateur la misère dans les foyers. La misère conduit généralement au non suivi des parents et à l’absence de distraction chez les enfants, dit-il. « Tant qu’il n’y a pas un mieux être dans le pays, les problèmes de ce genre vont toujours continuer à se développer », précise-t-il. Pour M. Gangnido ; « Le miséreux ne peut pas suivre ses enfants car il ne dispose pas des moyens nécessaires pour le faire ». Et le sociologue d’expliquer : « Le manque de moyens conduit à l’absence de distraction. Les parents n’ont pas de moyens pour amener leurs enfants au cinéma ou dans les centres de loisirs. Ces sorties qui auraient pu les occuper et à les éviter d’honorer à ces rendez-vous qui les conduisent souvent au lit avec leurs différents conjoints ».
Le directeur du CEG 2 de Godomey , quant à lui, met en exergue « la démission au niveau des parents d’élèves, la liberté accordée aux enfants sur la tenue vestimentaire », A cela, le surveillant général du CEG Cocotomey, Amadou Malèhossou, ajoute le « snobisme », auquel certaines élèves filles se laissent aller.

Obtenir une bonne moyenne…

Parfois, le loup est dans la bergerie. Des élèves tombent souvent enceintes de leurs professeurs. « De nos jours, nous ne pouvons plus parler d’harcèlement sexuel parce que ce sont les élèves elles-mêmes qui se livrent à leurs professeurs dans l’intention d’obtenir une bonne moyenne pour passer en classe supérieure », explique, Sonia, une élève en classe de terminale au GEG Cocotomey.
Pour Ida, élève en classe de terminale au CEG Cocotomey, on ne saurait parler de l’accroissement des cas de grossesses en milieu scolaire en occultant le rôle incitateur que jouent les médias à travers certains films suggestifs. « Ces films nous excitent et nous incitent à faire l’amour quand bien même nous n’avons pas encore l’âge de maturité », explique-t-elle.
Bien que la diffusion des feuilletons ait un grand impact négatif sur les élèves, la meilleure solution ne serait pas de les supprimer, nuance Elie Gangnido, sociologue-anthropologue. « Les chaines de télévision doivent penser à diffuser les feuilletons un peu plus éducatifs contrairement à ce que nous observons aujourd’hui », conseille M. Gangnido. Ce canal tant apprécié par les jeunes filles de nos jours, devrait ainsi être un moyen pour leur transmettre une bonne éducation, affirme le sociologue-anthropologue.

Par ailleurs, relève M. Gangnido, la dépendance du pays de l’extérieur, l’empêche d’établir un bon programme scolaire et un bon plan pour la jeunesse. « L’Etat doit pouvoir élaborer son plan ou son programme scolaire propre à lui afin de mettre en place un système de suivi et une équipe de sensibilisation des jeunes dans les différentes écoles », indique-t-il. Car, explique-t-il, les jeunes n’ont plus d’objectifs précis pour leur avenir. Les jeunes filles commencent l’école sans avoir un but donné, ce qui fait que ces cas de grossesse sont observés dans nos collèges. « Une vie sans objectifs ou sans avenir peut conduire à des débauches de ce genre », conclut-il.

Désacralisation

Pour freiner l’élan , M. Amadou Malehossou, surveillant général du CEG 2 de Godomey suggère : « l’accessibilité de l’information concernant tous les aspects de la sexualité avant l’amorce de l’adolescence qui commence entre 10 et 11 ans chez la jeune fille et entre 12 et 13 ans chez le jeune garçon. D’où la nécessité d’insister sur les cours d’éducation sexuelle déjà au primaire dans les classes CM (cours moyen), la désacralisation du sujet avec les parents ». Et de poursuivre : « il faut une connaissance des méthodes contraceptives (leur mode d’action, leurs intérêts et leurs limites). Enfin une connaissance des risques liés aux relations sexuelles non protégées (les grossesses, l’avortement et les MST/Sida) ».
M. Malehossou préconise en outre, la distribution gratuite des préservatifs aux élèves (filles comme garçons). « Ceci, précise-t-il, n’est pas un moyen d’incitation à la sexualité mais un moyen de protection au maximum de cette frange de jeunes qui découvrent l’amour sans en maîtriser les vraies conséquences ».
La conception d’un bon programme scolaire et la sensibilisation des jeunes sur la sexualité s’avèrent nécessaire, affirme le sociologue Gangnido, qui précise que l’Etat doit également mettre en place une bonne politique de gestion dans les différents secteurs (agricoles, industriels, etc.) afin de remédier au problème de la cherté de la vie. Ce qui aiderait, selon lui, les parents à trouver de quoi se suffire afin de penser aussi à l’éducation de leurs enfants.