Guerre en Ukraine : Poutine charge à nouveau l’Occident, tout en tendant la main pour discuter

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Lors d’un discours prononcé devant le club international de discussion Valdaï, le président russe s’est livré ce jeudi 27 octobre une charge virulente contre les États-Unis et leurs alliés, accusés de jouer à un jeu dangereux, tout en niant la souveraineté des autres pays et nations, et en se présentant comme un homme pleinement prêt au dialogue, auquel tôt ou tard, dit-il, les Occidentaux se résoudront.

Le monde entre dans sa décennie « la plus dangereuse » depuis 1945, a déclaré ce jeudi Vladimir Poutine, dans un nouveau discours au vitriol, où le président russe s’en est encore pris à ceux qui soutiennent et arment Kiev sur fond d’« opération spéciale russe », de guerre en Ukraine.

« Nous sommes à un moment historique. Nous sommes sans doute face à la décennie la plus dangereuse, la plus importante, la plus imprévisible » depuis la Seconde Guerre mondiale, a-t-il dit.

Pour le président de la Fédération, le conflit en Ukraine est l’illustration de la lutte contre la domination occidentale.

L’Occident, sans unité claire, n’est pas en mesure de diriger le monde, mais il essaye désespérément, et la plupart des peuples du monde ne peuvent l’accepter.

« La Russie défend juste son droit à exister »

Aux yeux de M. Poutine, le monde se trouve ainsi dans une « situation révolutionnaire », et l’offensive en Ukraine s’inscrit dans ce « changement tectonique de tout l’ordre mondial ».

« La Russie ne supportera jamais le diktat de l’Occident agressif, néocolonial », attaque le chef d’État, estimant que les changements dans l’ordre mondial actuel sont « inévitables ».

« La Russie ne défie pas l’Occident, la Russie défend juste son droit à exister », considère encore Vladimir Poutine, accusant Américains et autres Occidentaux de vouloir « détruire », « effacer de la carte » son pays.

Les derniers événements ont provoqué une crise systémique d’envergure. Il ne s’agit pas seulement d’une crise militaire et politique, mais aussi économique et humanitaire. Ce qu’il est convenu d’appeler l’Occident, car on ne peut pas parler d’unité, c’est une entité très complexe, l’Occident donc a pris un certain nombre de mesures qui ont conduit à l’escalade. Il joue toujours l’escalade, il n’y a rien de nouveau. Il encourage la guerre en Ukraine, il y a les provocations autour de Taïwan, la déstabilisation des marchés alimentaires et énergétiques dans le monde. Cette déstabilisation n’a pas été faite à dessein, c’est le résultat d’un certain nombre d’erreurs systémiques des autorités occidentales, dont j’ai déjà parlé. Ajoutez à cela la destruction de gazoducs pan-européens, c’est scandaleux. Dominer le monde, c’est le jeu du soi-disant Occident. Mais ce jeu est dangereux, sanglant et sale. C’est un déni de souveraineté des pays et nations, de leur originalité et singularité. Les intérêts des autres États n’intéressent pas l’Occident.

 « Les autorités à Kiev font tout pour brouiller les traces »

Derrière le réquisitoire du numéro un russe, ce dernier souligne au passage que tôt ou tard, le camp occidental devra entamer des discussions avec son pays face à la crise systémique déclenchée par les événements mondiaux des derniers mois. Il appelle à ce dialogue.

Par ailleurs, accusant les Ukrainiens de mettre au point une « bombe sale », il a suggéré à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de se rendre « au plus vite » en Ukraine.

L’AIEA veut venir (…). Nous sommes pour, au plus vite et de la manière la plus large possible, car nous savons que les autorités à Kiev font tout pour brouiller les traces de ces préparatifs.

« Nous savons même où cela se fait approximativement », a-t-il assuré, estimant que Kiev souhaite utiliser une telle arme radioactive « pour pouvoir dire plus tard que c’était la Russie qui avait effectué une frappe nucléaire », toujours accuser la Russie de jouer l’escalade atomique, pour notamment faire vaciller les pays neutres. Et de rappeler qu’il avait demandé à son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, d’« en informer » ses homologues occidentaux.

Nous n’avons jamais parlé de la possibilité d’utiliser des armes nucléaires. Nous avons seulement fait des allusions en réponse aux déclarations d’autres pays.

Des allégations que l’Ukraine et ses alliés occidentaux, après ces échanges entre M. Choïgou et ses homologues occidentaux, ont depuis dénoncé comme étant fausses.

« Ce qui se passe est en fin de compte bénéfique »

En pleine offensive médiatique, plus présent depuis quelque temps qu’au début du conflit, l’occupant du Kremlin en a profité pour tenter de rassurer sur la situation économique de son pays. « Le pic des difficultés », dit-il, est « passé ». « L’économie russe s’est adaptée », garantit M. Poutine.

Ce qui se passe est en fin de compte bénéfique pour la Russie et son avenir (…) y compris dans la sphère économique.

Et le ministère russe des Affaires étrangères d’enfoncer le clou en soirée, en informant que la Russie avait demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de lancer une enquête internationale sur l’implication de Washington dans le développement présumé d’armes biologiques en Ukraine, plainte accompagnée d’un projet de résolution.

« La Russie n’a pas eu d’autre choix que d’adresser une plainte au président du Conseil de sécurité de l’ONU pour demander de lancer une enquête internationale » sur des « activités militaires biologiques des États-Unis sur le territoire ukrainien », peut-on lire dans le communiqué.

Au début de la guerre, Moscou avait accusé les États-Unis d’avoir financé un programme d’armes biologiques en Ukraine, disant avoir trouvé des preuves en ce sens dans des laboratoires ukrainiens. Selon le ministère russe de la Défense, l’objectif était de « créer un mécanisme de propagation furtive de pathogènes meurtriers ». Accusation plusieurs fois brandie et démentie par les protagonistes.

Pour Moscou, le précieux soutien de Pékin

Ce jeudi, le ministre chinois des Affaires étrangères l’a dit à son homologue russe, par téléphone : la RPC est prête à « approfondir les échanges avec la Russie à tous les niveaux ». Elle « soutient résolument la partie russe » dans les « difficultés », explique Wang Yi, sans mentionner l’Ukraine explicitement.

Le compte rendu de l’échange émane de la télévision publique chinoise CCTV. Ces propos sont les premiers tenus officiellement depuis la reconduction, dimanche pour un troisième mandat, du président Xi Jinping, qui avait réaffirmé son soutien à Vladimir Poutine récemment, en dépit des déconvenues.

Wang Yi avait quant à lui rencontré son homologue ukrainien Dmytro Kouleba en septembre, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York. C’était leur première rencontre publique depuis le début de l’intervention militaire russe. La Chine continue donc d’observer sa position d’équilibre.

Avec agences