Sénégal : L’opposant Ousmane Sonko a été arrêté pour vol de téléphone

Afrique

L’opposant sénégalais Ousmane Sonko, arrêté vendredi pour vol de téléphone portable et appel à l’insurrection, a été déféré au parquet samedi pour divers autres délits et crimes. Face à la presse, le procureur de la République du tribunal de Dakar a retenu sept chefs d’inculpations contre le leader du parti Pastef. Quelques échauffourées ont éclaté après ce point de presse.

«Ousmane Sonko a été arrêté, il y avait des gendarmes devant chez lui», a déclaré à l’AFP Ousseynou Ly, porte-parole du parti Pastef de Ousmane Sonko. Djibril Gueye Ndiaye, chef du protocole de l’opposant, a dit que la gendarmerie était «venue le prendre».

Un haut responsable de la sécurité a confirmé à l’AFP qu’Ousmane Sonko a été arrêté sans toutefois en dévoiler la raison. L’arrestation a eu lieu vendredi en fin d’après-midi. «Ousmane Sonko vient d’être enfermé à la cave du Tribunal», a écrit l’avocat français Juan Branco, qui défend l’opposant sénégalais, dans un message sur Twitter, rebaptisé «X».

point de presse du procureur de la République

Le point de presse du procureur de la République a démarré par la projection d’une vidéo de sept minutes dans laquelle sont compilés les propos en wolof et en français d’Ousmane Sonko : « Soyez mobilisés, le combat s’annonce mortel (…). Le mot n’est pas de trop (…). Le peuple va le sortir du palais et va le traîner dehors comme Samuel Doe [président libérien assassiné en 1990 par les rebelles de Charles Taylor, NDLR]… ».

Des preuves manifestes, selon le procureur de la République du tribunal de grande instance hors classe de Dakar, pour designer Ousmane Sonko comme l’instigateur, par ces propos, de toutes les violences et les saccages qui ont touché le Sénégal depuis deux ans. L’opposant est poursuivi pour une série de crimes et délits. Le magistrat Abdou Karim Diop les liste : « Appel à l’insurrection, association de malfaiteurs, atteinte à la sûreté de l’État, complot contre l’autorité de l’État, actes et manœuvres visant à compromettre la sécurité publique de l’État et visant à créer des troubles politiques graves, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, mais également vol de téléphone portable ».

Selon le procureur, l’opposant était en instance d’être arrêté et c’est l’altercation de vendredi avec une gendarme, dont il a confisqué le téléphone, qui a précipité les choses.

En réaction, le parti Pastef s’est vu refuser l’accès à son siège où il voulait tenir un point de presse et le domicile du porte-parole de la coalition au pouvoir a été pris à partie par des manifestants qui l’ont partiellement incendié. Ce samedi dans la soirée, des forces de l’ordre ont été déployées pour disperser les quelques manifestations sporadiques qui ont éclaté en banlieue de Dakar.

Inéligible

Les barrages policiers installés devant le domicile de l’opposant depuis le 28 mai pour des raisons «d’ordre public et de sécurité nationale» avaient été levés lundi. Ousmane Sonko a été condamné le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs, un verdict qui le rend inéligible en l’état, selon ses avocats et des juristes. Sa condamnation a engendré début juin les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, qui ont fait 16 morts selon les autorités, une trentaine selon l’opposition.

Le porte-parole du gouvernement sénégalais, Abdou Karim Fofana, avait indiqué récemment que la décision d’arrêter ou non l’opposant revenait au procureur de la République. Le ministre de la Justice avait affirmé juste après sa condamnation qu’Ousmane Sonko pouvait être arrêté «à tout moment». L’opposant, investi candidat à la prochaine présidentielle par son parti, a par ailleurs été le 8 mai condamné à six mois de prison avec sursis lors d’un procès en appel pour diffamation, une peine largement perçue comme le rendant inéligible pour l’élection. Mais il n’a pas encore épuisé ses recours devant la Cour suprême.