Les clarifications du ministre José Tonato

Actualités

Pourquoi avoir choisi l’option d’importer des blocs de granite de la Norvège plutôt que celle des carrières locales uniquement pour la construction de digues de protection à Avlelété pour lutter contre l’érosion côtière? Pour quelles raisons le Bénin va-t-il importer des roches pour construire ses infrastructures et dans le cas précis pour lutter contre l’érosion côtière ? Face à la polémique entretenue sur le sujet dans l’opinion publique, le ministre du Cadre de vie, José Tonato, apporte des clarifications.

Pour lutter contre l’érosion côtière qui devient de plus en plus menaçante, et sécuriser les infrastructures, il s’est posé un impératif de délai. Le gouvernement a donc choisi l’option d’importer une partie des granites nécessaires à la construction de la digue immergée à Avlekété, soit 400.000 tonnes de blocs nécessaires sur les 1.200.000 pour finaliser les travaux. Cette option, explique le ministre Tonato réduit le délai de finition des travaux de 6 ans à 3 ans. C’est la solution pour arrêter l’avancée de la mer et ses corollaires. Les Béninois doivent donc comprendre clairement que « L’importation de roche vise un objectif de respect des délais et de réalisation des ouvrages suivant les dispositions réglementaires en matière de travaux maritimes et prescrites dans le rock manuel ». En optant donc uniquement pour les carrières locales, on pourrait doubler voire tripler le délai d’exécution du projet fixé à trois ans. L’entreprise étrangère qui a été retenue a déjà été sollicitée par d’autres pays africains dont le Ghana. Voici d’autres clarifications convaincantes du ministre Tonato sur le sujet.

POURQUOI AMENER LES PIERRES DE L’ETRANGER ALORS QU’IL Y A DES CARRIERES AU BENIN ?

I. Contexte du projet
Le projet de protection et de valorisation du segment de côte à AVLEKETE s’inscrit dans le double cadre de la mise en œuvre du Plan d’Investissement Multisectoriel de protection du littoral et de Développement du segment récréotouristique de la Zone centrale dudit littoral entre Ouidah et Cotonou. Les travaux prévus à cet effet, devront se développer dans un environnement où est déjà ouverte la deuxième phase du projet de protection de la côte à Cotonou et où sera lancé les travaux sur le segment de l’Ouest Hilla Condji Grand-Popo. En effet, le Plan d’Investissement Multisectoriel élaboré en 2016 grâce à l’appui technique et financier de la Banque Mondiale qui, rappelons-le avait mis en concurrence quatre pays de l’Afrique de l’Ouest (le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire) dans le cadre du programme régional WACA a caractérisé la zone côtière du Bénin en trois grand segments et a retenu les grandes interventions requises sur ces différents segments.
Ainsi, les travaux retenus sur le segment du centre AVLEKETE visent un double objectif. D’une part, protéger le territoire et sécuriser les infrastructures contre l’érosion côtière et d’autre part, créer les conditions de développement touristique sur ce segment.
Dans ce contexte, le gouvernement, restant fidèle à sa vision globale et intégrée de protection du littoral, a entrepris la recherche du financement des travaux nécessaires pour protéger les 125 kilomètres de côte dont dispose notre pays. Cette recherche a abouti aux résultats suivant :
La signature d’un accord de prêt d’un montant de 28 560 791 528 FCFA pour la réalisation des travaux de protection à l’Est de Cotonou ;
La signature d’un accord de prêt qui a abouti à la mise en place par l’entreprise JAN DE NUL SA d’un financement de 75 231 424058 FCFA signé et ratifié par l’Assemblée Nationale.
La signature de trois (03) accords de prêt d’un montant total de 63 108 708 dollars US pour la mise en œuvre du projet de protection de la côte du segment Ouest et la restauration de certains écosystèmes connexes et qui sont en cours de ratification.

II. Ordonnancement des travaux
Le montage technique et financier du projet AVLEKETE qui se réalise en mode financement conception-réalisation par l’entreprise JAN DE NUL NVa prévu deux phases qui s’enchainent notamment les études de conception achevées en mars 2018 et la réalisation qui démarre par les travaux préparatoires et l’approvisionnement. Le contrat est entré en vigueur en Août 2017 pour 42 mois.
Phase 1 : Etudes de conception : 6 mois
Phase 2 : Travaux : 42 mois
Selon la spécificité des travaux qui sont tributaires des saisons (construction en mer possible qu’en saison de basse marée), trois saisons de construction en mer ont été retenues de sorte que l’ordonnancement des travaux se présente ainsi qu’il suit :

– Avril 2018 à Octobre 2018 : Approvisionnement en enrochements
– Novembre 2018-Mars 2019 : Construction en mer + poursuite de l’approvisionnement
– Avril 2019 à Octobre 2019 : Approvisionnement
– Novembre 2019-Mars 2020 : Construction en mer + poursuite de l’approvisionnement
– Avril 2020 à Octobre 2020 : Approvisionnement
– Novembre 2020-Mars 2021 : Construction en mer + poursuite de l’approvisionnement

III. Organisation des travaux
Nécessité de mobiliser 1 200 000 tonnes de roche et construire les ouvrages sur trois saisons :
Approvisionner 800 000 tonnes au Bénin soit 2667 000 tonnes par an ;
Approvisionner 400 000 tonnes de l’étranger soit 133 000 tonnes par an ;
Construire dans les saisons favorables d’Octobre à Mars tout en poursuivant l’approvisionnement ;
Mobiliser le matériel et les engins pour les travaux.

QUELQUES ELEMENTS D’APPRECIATION DES QUESTIONS QUI REVIENNENT SUR LE SUJET

Question 1 : Malgré que les roches naturelles (matériaux locaux) existent en abondance au Bénin, le Bénin va-t-il importer des roches pour construire ses infrastructures ?
Réponse 1 : La construction des infrastructures nécessite une organisation à mettre en place depuis le montage technique et financier pour atteindre les objectifs visés dans les délais fixés. Le recours à l’importation de roche dans le cas du projet AVLEKETE vise un objectif de respect des délais et de réalisation des ouvrages suivant les dispositions réglementaires en matière de travaux maritimes et prescrites dans le rock manuel.

Pour satisfaire les besoins en enrochement du chantier estimés à 1 200 000 tonnes sur trois ans, il faudrait pouvoir mobiliser 400 000 tonnes de roche par ans environ.
Trois carrières sont mobilisées par JDN qui a fait une projection de 1 000 tonnes/jour d’approvisionnement (dans le cas de l’Est de Cotonou on est à 850 tonnes/jour en moyenne).
D’après le rock manuel, pour commencer un ouvrage maritime qui doit consommer 400 000 tonnes de pierres, il faut avoir en stock 80% soit 320 000 tonnes. Selon les capacités de production des carrières locales, il faudrait plus de douze mois pour atteindre les 320 000 tonnes nécessaires pour commencer les travaux et donc attendre avril 2019. Ainsi on aurait perdu la première saison de construction alors que la mer n’attend personne et on serait rentré dans une mauvaise saison de construction.
En optant uniquement pour les carrières locales on pourrait doubler voire tripler le délai d’exécution du projet fixé à trois ans. Et quand on parle de délai de construction on sait ce que cela représente en terme d’immobilisation et de charges pour le projet et finalement de coût de revient du projet.

Question 2 :A supposer que nous ayons zéro roche au Bénin, n’y a-t-il pas d’Ingénieurs, de chercheurs pour déterminer les caractéristiques recherchées de ces roches et proposer des matériaux composites à partir des matériaux locaux ? Déjà à l’aide du Béton composé de sable de mer et du ciment, fabriqué chez nous et du gravier roulé, nous pouvons fabriquer des conglomérats qui jouent les mêmes rôles que ces roches.
Réponse 2 : la technique de construction des ouvrages maritimes au moyen de blocs en béton existe et est même brevetée s’agissant de certains blocs en béton tels que les acropodes les tripodes, les X-Blocs déjà utilisés dans notre pays dans des travaux similaires au Port et même sur la première phase du projet à l’Est de Cotonou. Mais dans la phase de conception du projet, cette technique n’a pas été retenue pour des raisons conceptuelles. En effet, les études de conception ont modélisé un design uniquement en enrochement naturel. Ce concept a été testé et confirmé par des modèles mathématiques et physiques qui ont permis de retenir la structure à mettre en place notamment les calibre et quantités prévisionnelles d’enrochement à déployer pour les besoins des travaux.

Question 3 : En ma qualité d’Ingénieur, je déclare erronée toute solution qui ne trouve que l’importation des roches étrangères pour lutter contre l’érosion côtière au Bénin.
Réponse 3 : Il ne s’agit pas ici d’une solution caractérisée par la construction d’ouvrages avec uniquement des enrochements de l’étranger, mais d’un projet qui combine les capacités locales de production d’enrochement et les possibilités d’approvisionnement de l’étranger pour optimiser le projet et réaliser les travaux dans les règles de l’art et surtout dans le délai prescrit.

Question 4 : Quelle étude économique montrerait que les roches transportées par bateau depuis l’Europe seraient plus avantageuses pour le Bénin ?
Réponse 4 : il faut considérer plusieurs paramètres.
Tout d’abord, sur le délai d’exécution, il appert que l’organisation retenue et qui combine l’approvisionnement mixte (local et étranger) permet de réaliser le projet sur trois ans au lieu de six ou plus. Rien qu’à envisager que les travaux devraient trainer sur six ans, et en considérant le niveau de mobilisation pour un chantier d’une telle envergure, on se rend compte de ce qu’on gagne en optant pour un approvisionnement mixte. Les coûts de stand by sont en effet très élevés pour ces genres de travaux du fait du niveau de mobilisation.
Ensuite, il faut se questionner sur les risques d’une rupture de stock lors de la construction des ouvrages. Aucun assureur ne peut accepter d’assurer ce risque ni pour le Maître d’Ouvrage ni pour l’entrepreneur. Un arrêt des travaux dans la mise en place d’une couche de structure pour défaut d’approvisionnement est préjudiciable à la tenue de l’ouvrage qui risque alors de subir des désordres structuraux précoces. A voir le niveau des investissements en question, je ne sais pas qui pourra accepter assurer ce risque.
En outre le rythme de production à pied d’œuvre des enrochements à Cotonou. Avec le navire pour une période d’un mois y compris chargement, voyage et déchargement, 33 000 tonnes de pierres sont sur le chantier à Cotonou soit un taux de production de 1 375tonnes par jour contre 850 tonne par jour pour l’approvisionnement des carrières locales. C’est un gain pour le projet.
Enfin, dans le montage actuel, le coût du tonnage de pierre à installer dans les digues est concurrentiel en comparaison à ceux en cours ou déjà réalisée dans le même environnement.
Quelques éléments de comparaison.
Coût moyen du tonnage de roche installé ou à installer :
Cotonou Est Phase 1 : 71 875 F CFA la tonne
Cotonou Est phase 2 : 72 307 F CFA la tonne
AVLEKETE : 63 620 F CFA la tonne

Question 5 : Il s’agit d’une occasion ratée de donner des milliers d’emplois aux jeunes béninois en créant des carrières dans n’importe quel département du pays.
Réponse 5 :Ce fut un appel du Ministre déjà depuis le lancement des travaux de Cotonou en Juillet, 2017 à la mobilisation des promoteurs pour l’ouverture et la gestion des carrières aux fins d’alimenter en matériaux les projets du PAG. En effet, la mise en œuvre du PAG nécessitera la production de matériaux de toutes sortes pour nourrir les différents chantiers ouverts et qui seront ouverts. C’est pourquoi le gouvernement encourage des initiatives privées de promotion des carrières à condition que cela se fasse dans le respect des normes notamment environnementales en la matière. Et ce sera effectivement une occasion pour la promotion de l’emploi des jeunes dans le pays.

Question 6 : Qu’on me dise que le Bénin n’a pas les capacités de produire ; je peux comprendre ; mais au Togo, au Ghana, au Burkina, en Côte d’Ivoire, il n’existe donc pas de carrières ?
Réponse 6 : Il existe certainement des carrières dans les pays voisins. Mais la question qui se pose est certainement celle de la productivité et de la disponibilité pour combler les besoins d’abord de ces pays avant de pouvoir exporter sur le nôtre. Il y a également la question de l’efficacité recherchée pour le projet.

Question 7 : Est-ce que le choix de l’importation des granites de Norvège était le meilleur choix pour le Bénin ?
Réponse 7 : Ce choix est motivé par plusieurs paramètres.
– Capacité minière dans le Benin n’est pas suffisante pour garantir une production des blocs requises à une cadence permettant de créer suffisamment de stock pour la mise en place de la digue submergée pendant les quelques mois quand la zone maritime est accessible.
– Multiples visites ont été faites dans la zone des mines pour visiter toutes les carrières potentielles. 14 carrières ont été prospectées mais seulement trois ont pu être retenues. Les carrières capables de supporter une partie de la production ont été sélectionnées, base sur des critères clairs.
• Disponibilité de machines
• Front de taille ;
• Expérience passée ;
• Contrats actuels en cours (Bellsea et autres).
• Evaluation permanente de la cadence de livraisons en cours (une carrière n’atteindra pas les objectifs, actions seront prises par JDN, Une carrière est en train de faire les investissements et atteint les productions ; Une carrière atteint les productions sans soucis) ;
– Expérience dans la zone d’Afrique de l’ouest avec la production et les livraisons contre un schéma bien défini n’était pas promettant :
Par exemple Pour le projet d’agrandissement du Port de TAKORADI par JDN, au Ghana, un total de 2,050,000 tonnes d’enrochements devait être livré à partir du GHANA.
Apres plusieurs mois de retard dans les livraisons pour défaut de capacité de productivité, JDN a dû prendre la gestion et l’exploitation des carrières en ses propres mains. Des spécialistes internes et des équipements JDN ont été déployés pour rectifier la situation au point où au final, le projet est revenu beaucoup plus onéreux parce qu’il était question de tenir dans le délai contractuel compte tenu des contraintes du client et des engagements de JDN vis-à-vis de l’Etat GHANEEN.

– Expérience dans le monde avec enrochements provenant de Norvège.
France Dunkerque et Calais, 3,355,000 ton placé, dont 2,035,000 ton importé. De Norvège
– Plusieurs travaux ‘offshore’, des enrochements provenant de Norvège ont été utilisés pour réaliser des travaux caractérisés par une :
• Garanti qualité ;
• Garanti livraison dans le délai contractuel
• Disponibilité en Norvège, des infrastructures adaptées au stockage et chargement d’enrochements sur site maritime ;
– Options d’importation d’enrochements provenant des pays voisins
• Mêmes contraintes par rapport à la production comme au Bénin ;
• Contraintes liées à la règlementation de l’exportation des ressources naturelles des pays voisins ;
• Inexistence d’infrastructures dans les ports des pays voisins pour le chargement des enrochements « la visite de la carrière LARVIK de Norvège a révélé l’existence des aménagement pour le chargement des navires a une carrière avec accès à la mer et tout le dispositif de chargement des navires à grand tirant d’eau pour l’exportations vers toutes sorte de destination. C’est un dispositif qui fait de la carrière de Norvège une carrière spécialisée d’exportation et qui est sollicitée pour plusieurs projets de par le monde;
• Inexistence d’expériences similaires dans les ports voisins pour le chargement et le stockage des enrochements, ce qui augmente le risque d’échec dans les opérations ;
• Les couts de manutention (perte d’efficacité), couts portuaires et contraintes d’exportation risquent de rendre le prix des enrochements des pays voisins plus chers que celles provenant de Norvège.
– Prospection de la possibilité d’approvisionner des pays voisins. Depuis la fin de l’étude technique en février 2018 où les calibres sont définis, l’entreprise a pris contact avec le GHANA où elle est aussi représentée pour examiner la possibilité d’approvisionner depuis cette source. Mais les contacts n’ont pas encore été concluants pour les raisons évoquées ci-dessus (contraintes de réglementation d’exportation des ressources naturelles, capacité d’assurer la cadence requise, absence d’autorisation du Port pour les opérations de chargement d’enrochement par voie maritime etc. Un essai pour le transport d’enrochements provenant de Ghana est prévu pour juin dès que toutes les contraintes seront résolues. Un test de 15 000 ton est projeté à cet effet.

Question 8 : Problématiques de protection côtière par les enrochements au lieu du dragage.
Réponse 8 : Se référer toujours aux études techniques pour un choix à faire.