Publication du dernier rapport  du Bureau Régional d’Amnesty International pour l’année 2023 : Le plaidoyer  de Samira Daoud et Dieudonné Dagbéto pour le dédommagement complète des expropriés de Xwlacodji, Fiyégnon1, Avlékété et Djègbadji

Société

Amnesty International   a rendu public son dernier rapport de l’année 2023. Le rapport intitulé ≪Chassés pour planter des cocotiers, expulsions forcées pour le tourisme et l’aménagement du littoral au Bénin ≫  était au coeur de la rencontre de cette organisation  de défense des droits de l’homme avec la presse. Le rendez-vous de l’Hôtel Casa Cielo de Fidjrssè à Cotonou du jeudi 7 décembre 2023 a mis sous les feux de projecteur les délits, les exactions, les ratés et les violations des droits humains commis lors des expulsions forcées de ces populations de la zone balnéaire en vue de la mis en oeuvre des réformes touristiques  et de  l’aménagement du littoral.

 

Les réformes du tourisme et de l’aménagement du littoral engagées dans le Programme  d’Action  du Gouvernement (PAG) du Président Patrice Talon depuis 2016 n’est pas sans conséquences sur  la vie des populations. Les  expropriations enregistrées le long  de la côte béninoise de Xwlacodji jusqu’à Djègbadji en passant par Fiyégnon 1 et Avlékété , ont engendré de graves conséquences sociales, économiques et culturelles et dont les  réparations  sont loin d’être à la hauteur des biens arrachés  et des dommages causés aux compatriotes. Il faut noter, qu’il s’agit d’une privation de propriétés immobilières pour cause d’utilité publique mais non moyennant d’une réelle indemnisation au  regard du droit béninois et du droit international. Il y a eu de graves  violations des droits fondamentaux de la personne humaine que dénonce le rapport. En témoigne   les conditions spécifiques dans lesquelles ces expulsions ont été exécutées. Dans sa déclaration liminaire, la Directrice du Bureau Régional d’Amnesty International, Samira Daoud, évoque que  la réalisation des quatre projets touristiques et de l’aménagement du littoral ont porté atteinte aux droits fondamentaux de la  personne humaine. Il s’agit du  projet de construction d’un centre administratif et commercial à Xwlacodji, le projet de reboisement du littoral de Fiyégnon 1, la construction d’une station balnéaire à Avlékété et la construction du projet de la Marina de  Djègbadji à Ouidah.

A en croire ses propos, Amnesty International a mené et conduit des enquêtes auprès des victimes d’expropriation, à l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier, au Ministère de l’Economie et  des Finances, celui de la justice, celui du cadre de vie etc…, afin de relever les manquements et les atteintes aux droits humains observés, la procédure et  conditions d’expulsion avant, pendant  et après le déguerpissement.

Plus de 2598 ménages expulsées par la force

Ces enquêtes ont permis de comprendre que plus de 2598 ménages et des milliers de personnes sont  victimes d’expropriation arbitraire. A Xwlacodji 368 ménages expulsés, Fiyégnon 1623 ménages pour plus de 3000 habitants, Avlékété 373 ménages de pêcheurs déplacés et à Djègbadji 234 personnes. Le travail d’Amnesty International en tant qu’organisation de défense des droits humains est d’apprécier si les opérations ont été faites dans le respect du cadre juridique béninois, de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples auxquelles le Bénin adhère et celui de l’Organisation des Nations Unies.

Pour le chercheur principal sur le Bénin, Fabien OFFNER le constat est désolant d’enregistrer  plusieurs centaines de personnes qui sont désormais sans domicile et dorment à la belle étoile. Selon lui, plusieurs milliers de  victimes n’ont pas été recensées car n’ayant pas eu droit aux bonnes et précises informations  sur les conditions, les dispositions, les plans d’actions, l’affichage des listes et les communiqués avant les opérations d’expropriation. Les victimes dénoncent de l’opacité dans la conduite des opérations. Ce qui a fait que les gens ne sont pas préparés pour leur départ avant que les engins de démolition ne viennent sous la pluie. Il faut noter que certaines personnes   ont été recensées et relogées à Djeffa. Il rapporte que les démolitions et les expulsions sont trop violentes et peu orthodoxes avec pour corollaire la déscolarisation des enfants, la cassure des foyers, les difficultés économiques, de survie et la vie sans abri. Au regard de ses lourdes conséquences sociales, économiques et culturelles, Amnesty International a fait des recommandations.

Les recommandations d’Amnesty International

Amnesty International  fait deux types recommandations sur lesquelles, le Directeur Exécutif National du Bénin, Mr Dieudonné Dagbéto est revenu pour tirer sur  la sonnette d’alarme. Le premier type de recommandation est liée à la mise en œuvre des expulsions liées à ces quatre projets. La deuxième est liée à toute intention de destruction des habitations et d’expropriation de terre qui mettent en péril la vie des citoyens. Dans le premier type de recommandation, au- delà des constats faits, Amnesty International fait cinq recommandations  :

  • Sursoir au procédure d’expropriation des propriétaires fonciers en cours à Avlékété tant qu’un accord pour une indemnisation juste n’a pas été trouvé,
  • Prendre des dispositions  d’urgence pour proposer des mesures d’indemnisation, de réinstallation en consultation réelle avec les résidents de Fiyégnon 1 et en conformité avec le droit international,
  • Mettre en place une commission d’enquête indépendante chargée d’examiner si  les indemnisations liées  au quatre projets présentés dans ce rapport ont été juste et préalable et si toutes les personnes impliquées ont été pris en compte,
  • S’assurer que les logements des personnes réinstallées à Djeffa répondent aux critères  de logement convenable selon le droit international. En particulier garantir sans délai à ces personnes l’accès au service d’eau potable, d’électrification et d’assainissement. Fournir des documents conformes au droit béninois qui atteste de façon incontestable leur droit de propriétés sur les logements,
  • Mettre en place un plan concerté avec les pêcheurs du littoral pour leur permettre de continuer leurs activités dans les conditions adéquates et respectueuse de leurs droits sociaux, économiques et culturelles.

Quant aux expulsions de manière générale , l’organisation de défense des droits de l’homme fait 11  recommandations dans le rapport  qui sont x :

  • Arrêter tout projet d’expulsion sans solution de relogement et mesure de protection des droits humains adéquate pour les personnes déplacées,
  • Garantir l’étude d’impact environnemental et Social et de plan d’action  de réinstallation pour chaque projet menant à des expulsions. Garantir leur accessibilité aux personnes concernées et largement au public.
  • Modifier le code foncier et domanial afin de le conformer au droit international en matière d’expulsion forcée. En particulier inscrire le droit des personnes expulsées qu’elles détiennent ou non un titre de propriété à bénéficier d’une indemnisation juste et préalable pour  la perte, la récupération et le transport de leurs biens de leur logements d’origine ou des terres perdues au cours de l’opération. Inscrire également les exigences en terme de droit économique, social et culturel au relogement.

Et la liste de recommandation  est longue….

Il faut noter que la séance de présentation du rapport a connu la présence de quelques  victimes des ratés de l’expropriation. Tour à tour Kassa Rigobert de Fiyégnon 1 et Théophile Kakpo sont passés au pupitre pour apporter des clarifications sur la procédure de démolition de leur domicile, les miettes d’indemnisation perçues ou non et le relogement qui a mis beaucoup de gens dans des situations indélicates et sont sans domiciles.

Un appel pressant au Gouvernement béninois pour rendre justice aux expropriés

La Directrice du Bureau Régional d’Amnesty International Samira Daoud et le Directeur Exécutif National du Bénin Dieudonné Dagbéto en appellent à la responsabilité du Gouvernement  du Bénin et de son Chef, le Président Patrice Talon pour rendre justice à tous les  déplacées et expropriés dans le cadre des projets touristiques et de l’aménagement du littoral selon  les principes du droit béninois et international.  Amnesty International exige un relogement et une indemnisation  sans anicroche  de tous les  victimes d’expropriation dans les quatre projets en cours de réalisation à Xwlacodji, Fiyégnon 1, Avlékété et Djègbadji à Ouidah. Il urge de revoir la procédure d’expropriation afin d’indemniser convenablement tous les victimes selon le coût actuel des matériaux et des terres arrachés à ces population qui sont avant et après tout des béninois à part entière.

 

Valère C. HOUEKINON