Le Parlement allonge le délai de l’IVG de 12 à 14 semaines

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L’Assemblée nationale a définitivement adopté ce mercredi 23 février la proposition de loi sur le délai de l’interruption volontaire de grossesse. L’objectif est notamment de répondre au manque de praticiens.

La proposition de loi sur le délai légal de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a été définitivement adoptée via un ultime vote de l’Assemblée nationale par 135 voix pour, 47 contre et 9 abstentions, au bout d’un long parcours parlementaire débuté en octobre 2020. C’est un texte « responsable » qui se « montre fidèle au combat pour l’émancipation des femmes », a salué le ministre de la Santé Olivier Véran.

L’avortement était autorisé jusqu’à 12 semaines de grossesse depuis 2001. Le délai était auparavant de 10 semaines. Cela faisait donc 20 ans qu’il n’y avait pas eu d’allongement, rappelle Laurence Théault, journaliste au service France.

L’objectif de cette loi est de répondre au manque de praticiens et à la fermeture progressive de centres IVG. Mais l’argument de poids concerne le nombre de femmes qui partent avorter à l’étranger parce qu’elles ont dépassé les délais légaux. Elles sont 2 000 femmes à le faire chaque année. Selon les enquêtes, ce sont les femmes les plus vulnérables qui ont recours à cette pratique. Les très jeunes, les plus éloignées du système de soins, ou encore celles victimes de violences. Inutile de dire que la crise sanitaire n’a pas facilité les choses.

Autre changement, les sages-femmes seront désormais autorisées à pratiquer l’IVG instrumentale, c’est-à-dire par aspiration du fœtus. Jusqu’à présent, elles ne pouvaient pratiquer que la méthode médicamenteuse jusqu’à neuf semaines de grossesse.

La « clause de conscience spécifique » finalement maintenue

Le texte prévoyait initialement la suppression de la « clause de conscience spécifique ». Une mesure instaurée par la loi Veil en 1975 qui permet à des médecins de refuser de pratiquer un avortement et que les défenseurs du droit à l’avortement jugent archaïque. Cette évolution a finalement été rayée afin de permettre à la proposition de loi d’avancer dans son parcours parlementaire. Le ministre de la Santé Olivier Véran, favorable à titre personnel à l’allongement du délai de l’IVG, en avait fait un préalable.

Chez les gynécologues-obstétriciens, le texte divise. Le professeur Israel Nisand rappelle ainsi qu’à 14 semaines de grossesse, le fœtus mesure environ 12 cm, sa tête est ossifiée. L’IVG devient donc, selon lui, plus dangereuse pour la patiente. Il dénonce une pratique insoutenable pour certains professionnels. D’autres, à l’inverse, comme le docteur Philippe Faucher, jugent que les professionnels maîtrisent très bien le geste et savent faire.

Présenté par l’ex-députée La République en Marche Albane Gaillot, devenue écologiste, le texte transpartisan a été poussé par le président des députés LaREM Christophe Castaner. Rien n’était acquis et ce choix peut être perçu comme l’un des petits cailloux semés en fin de quinquennat pour donner une orientation plus progressiste au bilan macroniste. Il a pu aussi être présenté comme une rare marque d’indépendance du groupe vis-à-vis d’Emmanuel Macron qui a plusieurs fois exprimé ses réticences sur le sujet, évoquant le traumatisme subi par les femmes.

La candidate Les Républicains Valérie Pécresse a quant à elle déploré une fuite en avant qui détourne le regard du vrai problème : l’accès aux centres d’IVG, l’absence de gynécologues et de sages-femmes.

Et ailleurs en Europe ?

En moyenne, le délai pour recourir à l’interruption volontaire de grossesse est de 13 semaines en Europe. L’accès y est limité à 10 semaines au Portugal ou en Croatie, contre 22 aux Pays-Bas et jusqu’à 24 au Royaume-Uni.

En Pologne la loi est très restrictive. L’avortement n’est permis qu’en cas de viol ou d’inceste jusqu’à 12 semaines. Il reste totalement illégal à Malte. Ces limites contraignent ainsi certaines femmes à quitter leur pays pour procéder à un avortement à l’étranger. Chaque année, près de 400 Françaises se rendent ainsi aux Pays-Bas dont les délais sont plus souples.

RFI