Au Benin, le débat fait rage, depuis quelques jours, au sein du parti Les Démocrates (LD) à propos de la fiche de parrainage du député Michel Sodjinou. Après avoir remis sa fiche au président du parti, l’élu a, par exploit d’huissier, manifesté sa volonté de la retirer à la veille de la désignation du duo présidentiel.
Cette démarche a été immédiatement contestée par les responsables du parti, qui estiment qu’un député n’a plus le droit de revenir sur sa décision une fois la fiche déposée entre les mains du parti.
Pourtant, le droit positif béninois et les principes généraux du droit administratif et constitutionnel plaident en faveur du droit individuel de retrait exercé par le député.
1. Le parrainage : un acte personnel et individuel
Le parrainage présidentiel, tel que prévu par le Code électoral béninois, est un acte personnel de chaque élu.
La loi ne reconnaît pas aux partis politiques le pouvoir de disposer de ces parrainages comme d’un bien collectif.
Chaque député agit en son nom propre, en vertu du mandat que lui confère le peuple, et non sous la tutelle de son parti sur le plan juridique.
Autrement dit, le député demeure titulaire du droit de parrainage, même lorsqu’il choisit, par discipline partisane, de remettre physiquement sa fiche au président du parti.
Cette remise est un acte de confiance politique, non une cession juridique irrévocable.
2. L’absence de transfert de propriété juridique
En droit administratif, un transfert matériel ne vaut pas transfert de droit.
Le simple fait que la fiche ait été remise au président du parti n’emporte pas perte du pouvoir de disposition du député sur celle-ci.
Tant que la fiche n’a pas été intégrée officiellement au dossier d’un duo de candidats déposé à la CENA, le député conserve la faculté de la reprendre, de la modifier ou même de la révoquer.
Cette logique s’aligne sur le principe fondamental selon lequel nul ne peut aliéner une prérogative qui lui est strictement personnelle sans disposition légale expresse.
Or, aucune loi béninoise ne retire à un député ce pouvoir une fois la fiche remise à un parti.
3. Le retrait : un exercice légitime d’un droit personnel
Le retrait opéré par l’honorable Sodjinou par exploit d’huissier n’est donc pas une violation de la discipline de parti, mais un acte juridique de reprise de possession d’un document administratif personnel.
Cet exploit constitue une démarche formelle et incontestable de manifestation de volonté.
Il est encadré par les règles de procédure civile et bénéficie d’une force probante reconnue.
Refuser à un député ce droit reviendrait à instaurer une délégation irrévocable au profit du parti, ce que la loi n’a jamais prévu.
Au contraire, la jurisprudence béninoise et la doctrine reconnaissent à tout titulaire d’un droit administratif individuel la possibilité de le retirer tant qu’il n’a pas produit d’effet juridique définitif.
4. Le principe constitutionnel de liberté de mandat
L’article 80 de la Constitution béninoise dispose que « tout député représente la Nation entière et ne peut recevoir de mandat impératif ».
Ce principe de liberté du mandat parlementaire interdit que le parti politique impose au député une contrainte qui limiterait l’exercice de ses droits individuels.
Ainsi, la décision de parrainer un candidat ou de retirer son parrainage relève de la conscience et de la liberté politique du député, et non d’une directive partisane obligatoire.
Le contraire reviendrait à soumettre l’élu à un mandat impératif, contraire à la Constitution.
5. Conclusion : le droit de retrait, un corollaire de la liberté parlementaire
En définitive, le député Sodjinou avait pleinement le droit de retirer sa fiche de parrainage, tant que celle-ci n’avait pas encore été déposée officiellement à la CENA.
Ni la loi électorale, ni la Constitution, ni la pratique républicaine n’interdisent un tel retrait.
L’acte du député ne saurait donc être interprété comme une rébellion contre son parti, mais comme l’exercice d’un droit individuel et constitutionnellement protégé.
Dans un État de droit, la discipline partisane ne saurait prévaloir sur la liberté de conscience et de mandat d’un élu de la Nation.
D’après une analyse de Sam S.(Opinion)