Karim da Silva rend hommage à son feu père et parle de ses liens avec la famille Talon

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Très peu connu du commun des béninois, le doyen des sages de la ville capitale (Porto-Novo), Karim Urbain da Silva, a rendu un vibrant hommage à son père, qui sans tambour ni trompette a contribué au développement du Bénin. Profitant de l’occasion, le patriarche a rappelé les liens séculiers, affectifs et professionnels qu’avaient les familles Talon et da Silva, qui sont à l’origine de son soutien à Talon. C’était lors d’une conférence de presse, ce samedi 23 décembre 2017, au panthéon Negro et africain à Porto-Novo. Nouvelle publication de cet article avec quelques précisions (images et écrits) suite à la demande persistante de nos lecteurs.

Karim da Silva parle de son soutien à Patrice Talon et de ses liens avec la famille Talon. Quels sont ces liens ? Pour le patriarche Karim Urbain da Silva, il y a longtemps, un Agouda aurait pu accéder à la magistrature suprême, à cause de l’ardeur au travail, le sens de la rigueur, de la discipline et du patriotisme qui les caractérisent. A suivre le nonagénaire, la famille da Silva et la famille Talon sont unis pas des liens de sang, une histoire commune, des traits de caractère communs et surtout par des liens professionnels parce que les familles partageaient les mêmes idéaux au point qu’ils ont combattu ensemble dans la Voix du Dahomey pour s’affranchir du joug colonial. « Quand ces européens viennent en Afrique, ils se marient à des femmes noires, mais les enfants issus de ces relations ne peuvent pas aller en Europe », s’est indigné le patriarche. C’est à cause de cette situation a-t-il poursuivi, que les villes de Libreville et de Freetown ont été créées pour héberger ces enfants métis. Plus grave s’est offusqué le sage, lesdits métisses ont des actes de naissance sur lesquels sont inscrits enfants légalement inconnu. Tout cela a-t-il fait savoir, a sonné la révolte des Agouda contre les européens. Les Agoudas ont donc la révolte dans le sang a-t-il conclu.

Comment ne pas soutenir Talon ?

Pour le premier haut dignitaire de la communauté islamique du Bénin, pourquoi ne soutiendrait-il par le président Patrice Talon. « J’ai découvert les archives de la famille Talon dans les affaires de mon père », a révélé le sage. Pour Karim da Silva, son soutien au président Patrice Talon s’explique par leur intelligence. A l’écouter, c’est grâce aux actions heureuses des Talon que le Bénin a été le quartier latin de l’Afrique. Comme preuve, Karim da Silva donne l’exemple de Paulin Talon qui a été premier sans deuxième de l’AOF, et de Félix Talon qui en 1894 était le conseiller du général Dodds. Tout cela, a-t-il expliqué, sont des signes d’une intelligence supérieure que leur contemporain avait déjà décelé.

HOMMAGE A FAUSTIN HONORIO GEORGES AMZATH da SILVA

Mon père Faustin Honorio Georges Amzath da SILVA est né à Porto-Novo, le samedi 9 novembre 1884. Il était le fils de Honorio Arouna Georges da SILVA, né à Ouidah le Mardi 25 Juin 1856, un commerçant fortuné établi à Porto-Novo et dont le surnom était Olowo N’yo. C’était un imprimeur de profession, cadre d’imprimerie hors classe appelé à l’époque Agent principal de l’imprimerie du gouvernement. A la création du Journal, « La Voix du Dahomey », qui paraissait sous une forme manuscrite, mon père, cadre supérieur de l’Imprimerie du Gouvernement, travailleur acharné et homme de caractère, avait mis à contribution son patrimoine pour s’acheter une machine d’imprimerie. Ce qui lui permit d’éditer ce journal en travaillant après les heures de service, tout en réalisant d’autres travaux pour son propre compte, le cas échéant. Mon père, Monsieur Faustin da SILVA, personnage calme d’apparence affable et douce, avait une sainte horreur de l’injustice et des brimades. Il était loin d’être un provocateur, mais il ne se laissait pas marcher sur les pieds. Et mal en a pris à tous ceux qui s’y sont essayés ! Il ne supportait pas les humiliations du gouverneur et de ses collaborateurs blancs. Il en était meurtri et indigné. Mais cela s’explique, en grande partie, par son extraction sociale où l’éducation proscrivait toute forme d’asservissement.
En effet, son aïeul Georges da SILVA, était un métisse, fils du négrier José Rodrigues da SILVA, ancien directeur du Fort portugais de Ouidah. Sa mère, Joaqina de OLIVEIRA, (d’OLIVEIRA), d’ascendance Afro-Franco-Brésilienne, était intimement liée aux autres métis dahoméens de souche française, et de quelques autres nationalités européennes, comme les VIEIRA famille de sa mère, les BERAUD, OLYMPIO, PARAÏSO, ANGELO, TALON, FEYRAUD, da ASUNCAO (d’ASSOMPTION), da SILVA, da SILVA-VIEIRA, VIEIRA , BRUN, LIMA, de ALMEIDA (d’ALMEIDA) , REY, JOHNSON, etc, etc .
Je vous expliquerai par un exemple la personnalité de mon père. Je disais tantôt que mon père avait fondé une imprimerie, alors qu’il était agent de maîtrise de l’imprimerie coloniale.

Il arriva que le lieutenant gouverneur du Dahomey apprît que l’ouvrier de première classe de l’imprimerie du gouvernement, monsieur Faustin Honorio Georges da SILVA, s’était acheté une machine, qu’il a installée dans son salon.
Une nuit, vers deux heures du matin, il se rendit donc sans prévenir chez ce dernier et attendit d’entendre le bruit indiquant le fonctionnement de la machine, pour taper, deux fois, à la fenêtre du salon de mon père, en bordure de la voie, afin qu’on lui ouvrit, et que, par lui-même, il constata cet état de choses.
– Ouvrez, c’est le Gouverneur, monsieur Untel.
– Gouverneur, que cherches-tu là, à pareille heure de la nuit ?
– Vous me tutoyez monsieur da SILVA ?

– Tu n’es pas gouverneur là où tu es. Tu viens me perturber à une heure tardive de la nuit. Le charbonnier est maître chez lui !
Et mon père d’ajouter : « Attention, les Zangbétos, repasseront tout à l’heure. Vous feriez mieux de faire en sorte qu’ils ne vous trouvent pas, par ici, et si tard, la nuit, lorsqu’ils reviendront … » Là-dessus, le gouverneur s’en alla, sans demander son reste.
Mon père s’attendant à recevoir une demande d’explications qui, nécessairement, devrait être suivie de sanction, dès le lendemain, resta longtemps sur ses gardes.
En me racontant cette histoire, longtemps plus tard, il me dit : «…Mais jusqu’à ta naissance, il ne s’était rien passé… ».

Lorsqu’il me fit appeler, à deux mois de son décès, il me répéta, une dernière fois, tout tremblant, son refus de me voir faire de la politique. Ma candidature à l’élection présidentielle, un an plus tôt, il la savait d’un autre contexte, certes, mais il tenait à bien préciser les choses. Il ne voulait plus entendre parler de mon implication en politique.
Toujours, en cette même circonstance, il me rappela, dépité, la mort de son petit-frère auquel il voulait confier la responsabilité de la charge familiale puis, il me dit qu’un jour ou l’autre, elle me reviendrait. « Je veux que tu m’écoutes… » Ça c’est mon père ! C’était un homme très brave et opiniâtre, mais comme tout être humain, il avait ses failles, ce qui explique, en partie, la déclaration que j’ai faite à son intention à l’occasion de son décès et de ses obsèques et que je cite ici :
« A mon cher papa, Tu as été ta vie durant un homme formidable ; Tout le monde s’accorde à reconnaître que tu as obtenu un succès mérité et souvent envié ; Cependant, je dois avouer que tu aurais réussi davantage si tu avais été à certains moments, plus ferme dans certaines de tes décisions. Du fond de ta dernière demeure, papa, écoute ma voix et bénis-la. Je suivrai tes pas, je ferai mieux que toi. »
Mais, qu’avait-il été ? Sa vie durant, il fut Agent principal de l’Imprimerie du Gouvernement, il fut Président de la Fédération Générale des fonctionnaires et des syndicats libres du Dahomey Fondateur- Propriétaire de l’imprimerie SILVA Co éditeur et fondateur de « La Voix du Dahomey », inculpé au procès de « La Voix du Dahomey », procès qui dura environ deux ans, Co Fondateur de l’Ecole Léon Bourgine Kamar Deen de la Communauté Musulmane de Porto-Novo, Chevalier de l’Etoile Noire du Bénin, Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Ordre National du Bénin.

Mais au-delà de tout ce que mon père a pu mériter comme distinctions ou décorations au cours de son existence, la plus grande et la plus belle sans doute est celle érigée dans les cœurs de ses enfants. C’est en cherchant des documents de mon père, après son décès, que je découvris, par la même occasion, des parutions de “La Voix du Dahomey“ et “La Voix de l’OUEME“ qui, le remplaça après sa suspension. Je dus mettre de l’ordre pour préserver et conserver toutes ses archives. C’est alors que naquit en moi l’idée d’une recherche, la plus pénible et la plus difficile des tâches, la consultation des journaux de l’époque, des écrits de ces grands personnages talentueux qui formèrent une opposition civilisée, mais sans concession, lorsque l’administration coloniale venait à commettre des abus, des injustices, contre les administrés. Après l’installation du nouveau gouvernement, je venais de prendre la succession de mon père, en créant la Grande Imprimerie du Dahomey (GID). J’entendais de la sorte contribuer à l’expansion et à la diffusion des nobles idées héritées de nos pères. Les choses ne furent pas aussi simples que je les avais envisagées. Pour faire fonctionner la GID, et renflouer, par la même occasion, le trésor public, qui venait de créer une section de recettes, à la place Bayol, je suggérai l’émission et la vente de tickets de marchés, pour tous les étalages. Après un tâtonnement, les trois premiers mois, les recettes quotidiennes connurent, par la suite, un accroissement prodigieux qui s’étendit à tous les départements. Il en est de même de la perception de petites majorations sur les produits de première nécessité du port et de l’aéroport, qui évolua, ensuite, vers la création d’une Caisse de Compensation qui, plus tard, devint la caisse autonome d’amortissement, véritable institution que reproduisirent les autres pays d’Afrique.
Force est de constater que l’aptitude et l’habileté héritées des parents Agouda dans la gestion de leurs affaires, indéniablement ont été légué à leurs descendants qui continuent, où qu’ils se trouvent, à quelque échelon qu’ils se situent, de les mettre intelligemment au profit de toute la nation béninoise. L’élection de Monsieur Patrice Talon à la tête de notre nation est loin d’être le produit du hasard. Elle participe de l’ordre normal des choses qui tôt ou tard devait arriver. Les courageuses décisions prises et s’inscrivant d’ores et déjà à l’actif du bilan à venir témoignent de cette hardiesse et de ce volontarisme propres aux Agouda, n’en déplaisent à tous ceux qui végètent et se complaisent dans un immobilisme séculaire qui n’est pas de nature à aider à notre décollage ».

Karim Urbain da Silva