Karim da Silva convie les 2 pays à revisiter les accords légendaires qui ont toujours guidé leurs relations

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Personnalité VIP du Nigéria au regard des très bonnes relations qu’il entretenait et qu’il continue d’entretenir aussi bien avec les cadres que les hautes personnalités du grand voisin de l’Est, le patriarche Karim da Silva est l’un des acteurs majeurs qui ont marqué d’une tâche indélibile, les négociations qui ont abouti aux accords grâce auxquels le Bénin et le Nigéria vivent en harmonie et en bon voisinage depuis des lustres. Malheureusement, ces accords légendaires qui lient le Bénin avec ce grand voisin de l’est avec qui il partage la culture, l’histoire, et surtout les échanges intracommunautaires, multiséculaires, semblent s’éroder. Et pour cause. La fermeture des frontières nigérianes avec le Bénin.

En tant qu’acteur ayant pris part auxdits accords conclus aux prix de nombreux sacrifices, le président des sages de Porto Novo se dit inquiet de cette tournure que prend les relations entre les deux pays que le destin a pourtant condamné à vivre ensemble. Se replongeant dans l’histoire, le sage s’est rappelé de Samuel S.G Ikokou, Mushud Abiola, Ibrahim Babaginda et Sanny Abacha qui sont autant des figures emblématiques avec qui ils avaient construits des relations solides entre les deux États. Récemment, fait savoir Karim da Silva, c’est avec le général Olusegun Obasanjo qu’ils ont entrepris beaucoup d’autres actions pour consolider les relations entre ces deux pays frères. Rappelant les accords conclus de commun accord par les deux pays, le sage de Porto-Novo a dévoilé que le libre passage des personnes et des biens en faisait partie. Ceci, bien après le principe au sein de la CEDEAO et des autres organisations. Dans ce cas, s’indigne le nonagénaire, le Nigéria ne peut pas prendre le risque de fermer ses frontières et d’affamer le Bénin. Le Bénin, se souvient-il au cours de leurs échanges avec les anciens et devant toutes les épreuves endurées par le Nigéria, a été toujours à leurs côtés. Le sage va, par ailleurs, demander aux autorités nigérianes de se rappeler de la lutte que le Dahomey avait faite en son temps pour ne pas abriter une base militaire occidentale qui était une menace pour leur pays. Il va de ce fait exhorter les autorités du grand voisin de l’Est à se saisir de la main tendue du Président Talon pour une rapide sortie de crise. Pour le sage, il n’est pas question de voir une personne, mais le pays surtout que les relations entre le Nigéria et le Bénin ne sont pas tissées par des êtres humains, mais par la nature qui a décidé que les deux pays soient des voisins condamnés à vivre ensemble. “Ces relations sont naturelles et nous devons les préserver coûte que coûte” dit-il. A la lumière de tout ceci, le nonagénaire Karim da Silva est un atout majeur sur qui le Bénin peut compter pour un dénouement rapide de la crise. Il a bien voulu accorder un entretien à notre journal

Karim da Silva au sujet de la fermeture des frontières Nigérianes

« Ce qui se passe en ce moment entre le Bénin et le Nigéria est très sérieux et cela me préoccupe profondément. Je ne me suis jamais imaginé que des gens comme vous pouvaient s’apercevoir que c’est une situation avec laquelle on ne doit pas s’amuser. Ce jour ( NDLR : samedi 30 août 2019) j’ai découvert sur le site du journal américain « The New-York Times » une information qui m’a encore fait plus peur et qui fait état de ce que le Bénin serait devenu la prochaine cible des terroristes et ils cherchent même à s’y installer. C’est une information suffisamment grave du point de vue sécuritaire….Honnêtement, je ne nous comprends pas. En tout cas, que Dieu protège le Bénin !

En ce qui concerne le Nigéria, vous êtes assez bien placé pour vous prononcer…

Oui, pour ce qui concerne le Nigéria, je suis assez bien placé pour me prononcer à cause des relations que j’ai entretenues par le passé et que je continue d’ailleurs d’entretenir avec des cadres du Nigéria et surtout les hautes personnalités de ce Grand, Grand, Grand voisin de l’Est. Je suis un vieil homme certes, mais les souvenirs sont encore là, vivaces dans ma tête… En politique, on n’écrit pas ce qu’on veut faire. Quand on écrit en politique, c’est qu’on s’est déjà préparer à agir. Je suis très inquiet.

Que pourriez vous faire pour aider le gouvernement à sortir de la crise?

Dans le débat politique, il y a ce qu’on appelle des arguments et des arguties. Les arguments, c’est ce qui est justifié quand on veut expliquer ce que l’on peut faire ou ce que l’on va faire. Les arguties, c’est pour justifier l’injustifiable. J’ai l’âge de me sacrifier pour mon pays et c’est justement la raison pour laquelle je salue votre démarche. Je ne dirai pas à vous ce que je peux faire pour aider le gouvernement à sortir de la crise qui oppose en ce moment le Bénin et le Nigéria, mais je le dirai en temps opportun à qui de droit.

Le Nigéria peut-t-il décider de nous affamer en fermant ses frontiers?

A la vérité, il ne doit jamais avoir de conflit entre le Nigéria et le Bénin car ce sont deux pays condamnés à vivre ensemble. Ils sont solidement imbriqués l’un dans l’autre sur tous les plans d’ailleurs. Nous avons en commun plus de 1200 Km de frontières terrestres. Il y a des maisons au Bénin qui ont leur salon au Nigéria et la chambre à coucher au Nigéria. Et ceci, vice-versa. Cela suffit largement pour qu’on puisse se comprendre. Le Nigéria nous considère comme l’un de ses Etats quand bien même nous sommes une Nation souveraine depuis 1960. Pris comme tel, le Nigéria ne peut pas prendre le risque de nous affamer. Je dis non ! Et c’est ce que nous nous sommes dit depuis des temps immémoriaux, que ce soit au sein de la CEDEAO où des autres organisations qui nous rassemblent. Le libre passage des personnes et des biens fait d’ailleurs partie des principes que nous avons retenus de commun accord. Awolowo Obafèmi qui fuyait à l’époque les troubles politiques au Nigéria a pu se réfugier au Ghana avec ses lieutenants grâce à des Béninois dont votre humble serviteur que je suis faisait partie. Ceux qui sont encore là doivent se rappeler de cela et peuvent témoigner. Au cours de tous les échanges entre les anciens et nous, et devant toutes les épreuves endurées par les Nigérians, les Béninois ont toujours été à leurs côtés. Samuel S. G. Ikokou, Mushud Abiola, Ibrahim Babaginda…Sanny Abacha sont autant de figures emblématiques avec qui nous avons construit des relations solides entre le Bénin et le Nigéria. Et tout récemment, le Général Olusegun Obasanjo est quelqu’un avec qui nous avons fait beaucoup de choses pour consolider les relations entre le Bénin et son grand voisin de l’Est.On ne peut pas se taire et voir disparaitre lesdites relations aujourd’hui.
Malgré que le Nigéria n’ait pas assez de courant électrique, il en a vendu au Bénin dans le cadre d’un accord-cadre de coopération. Et c’est çà la centrale électrique que vous avez à Sakété. Au regard de tout cela, le Nigéria ne peut donc pas décider de nous affamer en fermant ses frontières avec nous s’il n’y a pas un problème profond qui fâche et auquel il faut trouver de solution.

Selon vous, est-il important qu’on revoie les cadres d’échange entre le Nigéria et le Bénin ?

Quand un enfant commet une faute, c’est à son papa qu’on se plaint. On ne se jette pas sur lui n’importe comment en se mettant à le bastonner. Je pense donc qu’il est important qu’on revoie les cadres d’échange entre le Nigéria et le Bénin. J’ai toujours insisté sur une chose : la création d’un ministère spécialement chargé des relations avec le Nigéria. Les gens ont toujours cru que c’est un ministère de plus et que j’hallucine. Non ! Avec ce Ministère qui sera rattaché à la Présidence et qui s’occupera du suivi rigoureux de l’exécution des accords entre les deux pays, on va régler beaucoup de problèmes.
Je persiste et je signe. Le Bénin est le 37è Etats francophones du Nigéria. C’est un atout énorme et il faut en tenir grand compte dans le contexte actuel où il est question de monnaie unique (Eco), de passeport de la CEDEAO et de la Zone de libres échanges économiques (Zlec). Le Nigéria est notre grand, grand, grand, grand voisin dont on ne peut pas passer si nous voulons réellement nous développer.
Je fais partie des gens qui ont toujours lutté pour qu’on n’attaque pas le Nigéria à partir du Bénin. Quoi qu’en soit ce qui arrive, on doit pouvoir donc s’assoeir et trouver les solutions entre nous, surtout que les deux pays se complètent quand bien même l’un est plus puissant économiquement que l’autre.

A se rémomorre du passé, les autorités Nigérianes en doivent –elles pas accepter la main tendue du Président Talon pour une rapide sortie de crise ?

Pour rappel, nous avons lutté en son temps avec d’autres compatriotes béninois pour que le Dahomey n’abrite pas une base militaire occidentale parce que nous mesurions le danger que cela représentait pour le Nigéria. Il faut donc que les gens se rappellent de çà et accepte la main tendue du Président Talon pour une rapide sortie de crise. Ne voyons pas une personne, mais voyons le pays surtout que les relations entre le Nigéria et le Bénin ne sont pas tissées par des êtres humains, mais par la nature qui a décidé que les deux pays soient des voisins condamnés à vivre ensemble. Ces relations sont naturelles et nous devons les préserver coûte que coût. Quand Obasanjo envoie ses Ambassadeurs au Bénin, il leur dit toujours qu’ils vont chez eux pour les intérêts du Bénin et du Nigéria et non en pays étranger. On a des Toffa, des Kidigbé… qui se sont présentés à des joutes électorales au Nigéria. On a plus de 5 millions de Goun éparpillés sur le territoire nigérians. Ce sont eux qui peuplent d’ailleurs Badagry. La grande majorité des rois du Bénin de l’ère culturelle Ekaaro Edjiiré font une partie de leurs cérémonies d’intronisation au Nigéria. Quand les mercenaires ont attaqué le Bénin en 1977, plus précisément le 16 janvier, ce sont les garde-côtes nigérians qui ont été les premiers à donner l’alerte qui a réveillé notre armée avec à sa tête le Grand camarade de lutte Mathieu Kérékou et les mercenaires ont été mis en déroute. Pourquoi devons-nous donc nous opposé s’il y a tant de choses qui nous lient. Je pense qu’il est important qu’on discute. Il urge qu’on aille à une table de négociation pour revisiter tout ce passé qui nous unit et repartir sur des bases saines profitables pour nos deux nations. C’est le sens de l’appel patriotique que je lance aux Président Talon et Buhari… »