Entretien exclusif : Dr Alain Capo Chichi parle de Cerco Burkina, du partenariat avec Coursera et des 20 ans de Cerco

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Fermeture de CERCO Burkina : pourquoi le Groupe a-t-il pris acte ? Que deviennent les étudiants en formation ? Docteur Alain CAPO CHICHI, PDG du Groupe Cerco clarifie, met fin à la polémique et parle des dispositions prises ainsi que des perspectives dans le cadre des 20 ans de CERCO. Il parle aussi de la récente signature de partenariat du Groupe Cerco avec Coursera. Entretien.

 

20 ans de CERCO, Cérémonie de sortie de promotion et signature de partenariat avec Coursera. Dites-nous pourquoi vous vous battez si tant ?

Docteur Alain CAPO CHICHI : Coursera est la plateforme qui réunit les deux cent (200) meilleures universités du monde (MIT, HAVARD, PRINCETON etc.). Ces plateformes nous permettent de former les talents de demain. Nous permettons ainsi à nos étudiants d’avoir une interdisciplinarité et une autonomisation de leur parcours.

Le Groupe CERCO a donc consenti des investissements importants afin d’équiper ses locaux de près de deux mille (2.000) ordinateurs. Egalement, nous avons mis en place un ensemble d’outils, d’équipements, de robots, de systèmes avec un investissement de près de 10 milliards afin de recruter et former près de deux mille (2.000) apprenants sur trois (03) ans. Aussi, avons-nous pu obtenir des accords, des réductions sur les frais d’abonnement auprès de Coursera, et nous investissons 500.000 dollars afin d’avoir accès aux ressources de qualité de niveau international.

Au-delà, nous avons été surpris de voir nos étudiants obtenir plus de vingt-deux milles (22 000) certifications en six (06) mois, aussi bien sur Coursera que sur d’autres plateformes. C’est la preuve en fait que nos apprenants ont dépassé tous les records. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle Coursera nous a choisi comme un partenaire phare dans l’espace francophone.

Nous sommes très heureux de donner la possibilité à nos jeunes d’avoir accès à des ressources numériques de grande qualité et de nous assurer qu’à l’issue de leur formation, ils pourront avoir un emploi. Le fait d’avoir des certifications, de travailler sur des projets est un plus dans le sens où ce n’est plus l’apprenant qui va chercher du travail, mais c’est le travail qui vient à sa recherche.

A la signature de ce partenariat, nous avons été honorés de la présence du vice-président de Coursera avec son équipe, qui nous ont montré leur intérêt et nous sommes très heureux d’être un partenaire fort et nous souhaitons les accompagner afin d’impacter d’autres, car ce ne sont pas toutes les écoles qui ont compris l’importance de former pour l’avenir.

 

 

20 ans avec la  rénovation totale  des bureaux, la création des espaces de cocréation : tout ceci dans quelles perspectives ?*

 

Vous connaissez mon engagement pour l’enseignement supérieur. Vous connaissez mon parcours : ayant fait un double doctorat en informatique à l’Université de Montréal et l’Université Paris 8, quand je suis rentré dans la formation, mon objectif n’est pas de m’enrichir avec la formation sur le dos des étudiants mal formés condamnés au chômage.

Moi, je veux innover et travailler pour l’Afrique. C’est pourquoi je me suis investi dans l’industrie pour leur trouver des débouchés. J’ai des usines d’assemblages d’ordinateurs et je crois que je connais ce qu’on attend aujourd’hui d’un informaticien.

 

Aujourd’hui si tu formes un étudiant sur un programme vieux de plus de dix-huit ans, il ne sera pas apte à pouvoir répondre aux besoins des entreprises d’aujourd’hui ou du futur. Sur le marché du travail, il y a toujours de nouvelles technologies et les programmes de formations imposés avec les ministères que nous utilisons en réalité ne sont pas en accord avec ce qui se fait dans les entreprises.

Aujourd’hui, au niveau du Groupe CERCO, nous les préparons à travers des espaces d’innovations à être des créateurs. L’idée est de les préparer à résoudre des problèmes. Et donc aujourd’hui la formation n’est pas en amont. Je vous le dis aujourd’hui en tant que spécialiste, l’école a tort de penser qu’il faut former avec ces vieux programmes démodés et ensuite les diplômés vont se débrouiller. Il faut plutôt, à partir du problème, préparer les jeunes à pouvoir innover et répondre aux problèmes de la communauté.

 

Les plateformes comme Coursera sur lesquelles nous sommes positionnés, préparent les apprenants à étudier en tenant compte de leur profil et de leur passion. Ces plateformes proposent des cours de haut niveau : robotique, Big Data, réalité augmentée, et sans elles, il nous est  impossible d’avoir toutes ces compétences au niveau local.

 

Le Groupe CERCO a mis à la disposition de ces étudiants tous ces moyens afin qu’ils soient capables de compétir avec leurs camarades à l’international. Nous avons un cadre de détente. Un étudiant doit être libre et détendu, car pour créer il faut être libre. Vous verrez que nous avons beaucoup insisté sur l’interdisciplinarité. Les espaces d’innovations sont des espaces où l’étudiant créateur devient un talent. Et c’est la finalité que nous voulons pour nos étudiants. Nous les préparons pour qu’ils aient des compétences finies avec un salaire minimum de 1500 euros par mois chez nos entreprises partenaires. Et ce salaire minimum est évidemment garanti par un engagement que nous avons pris. C’est en cela que le Groupe CERCO a rendu totalement gratuite la formation des étudiants. C’est lorsque l’étudiant décroche un emploi que le Groupe lui assure, qu’il rembourse par un prélèvement sur son salaire.

 

Nous avons appris avec regret que les portes de Cerco Burkina sont fermées par le Ministère du Burkina. Vous semblez avoir pris acte de cette décision ?

 

J’ai eu la note du ministère qui a notifié la fermeture de notre école à Ouagadougou. Et nous avons pris acte.

Il ne faut pas marchander vos convictions, nos évidences. Nous avons pris acte bien que nous ayons consenti un investissement de plus d’un milliard pour proposer un cadre et des équipements afin de former deux cent (200) étudiants seulement, nous ne sommes pas dans la formation de masse et nous n’avons pas accepté négocier une évidence : la terre tourne autour d’elle même.

Nous voulons former nos étudiants avec des certifications internationales.

 

Le point de discorde avec le ministère est donc lié au fait que nous complétons la formation de nos étudiants par les certifications internationales que eux ils appellent nouvelles filières. J’ai échangé avec la Direction générale de l’Enseignement supérieur du Burkina qui a dit « qu’ils ne veulent pas de certifications, si vous voulez faire des certifications, il faut ouvrir de nouvelles filières et payer cinq cent mille (500 000) francs CFA par filière. » En réponse, je leur ai signifié que les filières, pour lesquelles nous avons déjà payé au niveau du ministère, sont reconnues par eux et certaines par  le CAMES.

 

Nous suivons toujours le même programme du ministère que nous avons déposé à la création de CERCO Burkina en 2011 mais nous avons le devoir de les actualiser et d’intégrer de nouvelles technologies parce que si on forme quelqu’un par exemple en 2020 sur un programme de 2011, il sera d’office au chômage à la fin de sa formation. Si vous continuez de former quelqu’un sur la 2G alors que nous sommes à la 4G et bientôt la 5G, c’est évident qu’il est formé au rabais et sera inadapté au marché du travail.

 

C’est pourquoi il est vraiment important d’avoir des certifications professionnelles pour permettre de doper les étudiants et garantir leur employabilité.

 

Comme Galilée, je considère qu’on m’a coupé la tête mais je ne suis pas du tout gêné par cela, parce que je considère qu’en réalité il faut que je sois sacrifié afin que les gens cessent de former les jeunes africains qui ont du talent au passé alors qu’il faut les préparer pour l’avenir.

 

Pour moi, Cerco Burkina est fermé, ce qui est dommage pour les apprenants. Je voudrais leur demander de garder le courage, mais de savoir que nous ferons tout pour assurer leur continuité en termes d’éducation et de formation.

Je veux remercier les parents qui sont restés calmes. Nous sommes un groupe qui existe depuis 22 ans. Vous savez bien qu’il faut être endurant pour faire fonctionner une organisation au-delà de 3  ans, 90 % des entreprises meurent avant l’âge de trois ans.

 

Ce qui veut dire qu’il faut être sérieux pour survivre au-delà de 20 ans. C’est le Cas de Cerco qui célèbre ses 20 ans.

Le ministère ne nous a rien reproché d’autres. La seule faute que nous avons commise est celle d’avoir innové, d’avoir intégré de nouvelles choses, ce qui normalement devrait être encouragé.

Aujourd’hui, l’Etat ivoirien qui a compris notre modèle d’innovation a investi avec CERCO près de 3 milliards pour  renforcer notre écosystème de formation et d’innovation. La formation, l’intelligence artificielle, les Big Data sont l’avenir du monde.

Je ne peux pas accepter former pour le passé, je forme pour l’avenir.

 

J’espère bien que les uns et les autres comprendront l’objectif que nous nous sommes fixés, afin d’aller de l’avant. Nous fermons au Burkina mais nous poursuivons notre combat pour la jeunesse africaine.

 

Qu’en sera-t-il des étudiants du Burkina Faso ?*

 

Nous allons les accompagner pour leur continuité éducative après cette décision.

 

Pour ce faire, nous leur offrons trois possibilités :

1- La première possibilité c’est que les étudiants cherchent  une autre école et nous nous chargeons de leur délivrer les documents (certificat de scolarité et relevé de notes) afin de leur permettre de continuer aisément leurs études. Ainsi, j’ai demandé à mes bureaux à Ouaga  de rester ouverts encore quelques jours, pour leur délivrer leurs documents nécessaires à la poursuite de leurs études.

 

2- La deuxième possibilité pour ceux qui veulent continuer malgré tout avec le modèle CERCO, ils peuvent venir à Abidjan. Nous offrons à ceux-là pendant un (01) an, l’hébergement, la scolarité gratuite et pour certains (les plus démunis), une somme de cinquante mille (50.000) francs CFA par mois pour la nourriture. C’est notre manière à nous de les accompagner. En le faisant, nous pensons que l’Afrique a du talent et nous devons travailler à révéler les jeunes au monde.

 

3- La troisième possibilité est pour ceux qui sont déjà en situation de travail au Burkina qui ne peuvent pas se déplacer à Abidjan, ils peuvent poursuivre les cours en ligne, sans payer les frais de scolarité à CERCO.

 

Cerco Benin avait connu une fermeture et finalement vous avez été réhabilité. Vous ouvrez les portes cette année ?

 

Effectivement nous avons connu presque la même polémique avec Cerco Bénin. Quand nous avons appris la fermeture, j’ai pris acte mais quelques temps après, le ministère est revenu sur la décision.

En fait au Bénin et en Afrique,  le réel problème est la jalousie de la part de nos concurrents et quelques responsables académiques qui n’arrivent plus à suivre mon rythme et qui pensent pouvoir arrêter mon élan.

Vous savez que nous sommes les premiers aux olympiades universitaires organisés par le CAMES. Lors de ce concours international lancé pour toutes les écoles privées et publiques, CERCO a remporté le premier prix. Alors comprenez la jalousie de tous ces concurrents qui mettent tous les moyens en leur pouvoir pour me mettre les bâtons dans les roues.

Cependant comme j’aime à le dire tout le temps « vous fermez une école, j’en ouvre 5 autres ». Ce qui signifie que je ne baisse pas facilement les bras.

Actuellement, nous allons ouvrir une école au Ghana, au Togo et en France. Notre modèle de formation s’inscrit dans l’innovation et nos produits sont les meilleurs. Mon seul combat : c’est de valoriser le talent de la jeunesse africaine.

Nous sommes la première école d’informatique de l’espace CAMES, plus équipée que n’importe quelle école de cet espace.

Je forme et je garantis l’emploi et un salaire minimum de mille cinq cent (1500) euros aux étudiants.

 

Votre mot de fin

 

Je voudrais juste dire à la jeunesse de croire en son rêve, de ne jamais se décourager malgré les difficultés. Je me bats parce que je crois en l’avenir.

Il y a 20 ans, je n’avais rien. Aujourd’hui, je pense qu’il faut donner aux jeunes africains ce que j’ai reçu. Je me considère comme un messager et je mets ma formation, mes ressources, mon réseau international pour changer les choses. Personne en Afrique n’a ce que j’ai capitalisé… Je suis chanceux et pressé de donner, car je sais que le jour où je vais mourir, je ne partirai pas avec ce que j’ai accumulé…

 

En 2005, je disais à Vienne :« Il n’y a pas de noirs, il n’y a pas de blancs, il n’y pas de pauvres, il n’y a  pas de riches. Il n’y a pas de jeunes, il n’y a pas de vieux. Il n’y a que des actes. Alors agissons : Posons des actes positifs pour changer notre humanité et l’histoire retiendra que nous avons existé ».*

 

Je pars du Burkina avec le sentiment d’avoir fait un travail sincère pour les jeunes. Je reste convaincu que ce que nous avons semé va germer.

Je remercie tous ceux qui nous ont accompagnés durant ces 10 dernières années. Je retiens du Burkina cette citation de Thomas SANKARA qui disait : « Cela va nous coûter la vie peut être, mais nous sommes prêt pour prendre les risques, nous sommes là pour oser et vous êtes là pour continuer la lutte coûte que coûte ».*

Il a renchéri aussi en disant : On peut tuer un homme mais pas des idées. Méditez cela et croyons en l’Afrique.

 

Propos recueillis par S.E.

Réalisation : La Rédaction

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