RDC : Des tirs entendus dans Goma, le M23 et ses alliés rwandais présents dans des quartiers

Afrique

Des tirs ont été entendus lundi 27 janvier jusqu’au centre-ville de la capitale du Nord-Kivu, le groupe M23 et des effectifs des forces spéciales rwandaises étant présents dans plusieurs quartiers de Goma. La veille, le secrétaire général des Nations unies António Guterres a directement mis en cause Kigali après une nouvelle journée de combats dans l’est de la RDC. Une réunion d’urgence de la Communauté d’Afrique de l’Est devrait avoir lieu « dans les prochaines 48 heures », en présence des présidents de la RDC et du Rwanda, alors que Kinshasa n’a pas encore communiqué officiellement.

Des tirs nourris, à la fois d’armes légères, mais également d’artillerie lourde, ont retenti lundi dans le centre de Goma. Des membres des forces spéciales rwandaises et les combattants du groupe M23 ont pénétré la veille au soir dans plusieurs quartiers de la grande ville de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Plusieurs lourdes détonations ont été entendues par des journalistes de l’AFP sur place, alors que le chaos s’étend dans la ville.

► Le groupe armé antigouvernemental du M23, soutenu par quelque 3 000 à 4 000 soldats rwandais, selon l’ONU, combattent l’armée congolaise dans la région depuis plus de trois ans, mais l’étau s’est resserré ces derniers jours.

► Après une réunion d’urgence dimanche soir, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné le « mépris éhonté » de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC. L’ONU a notamment réclamé des sanctions contre Kigali.

► La ville de Goma compte environ un million d’habitants et autant de déplacés. La région vit une crise humanitaire chronique.

Le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine annonce tenir une « session d’urgence » mardi sur la situation dans l’est de la RDC

Le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine tiendra mardi une « session d’urgence » sur la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, en proie à des combats entre les forces congolaises et les combattants du groupe armé M23 et soldats rwandais, a annoncé lundi à l’AFP l’organisation panafricaine.

« Il y aura une session d’urgence du Conseil de paix et de sécurité demain (mardi) à midi sur la situation dans l’est de la RDC », a déclaré Paschal Chem-Langhee, porte-parole du CPS, alors que Goma, principale ville de l’est de la RDC, est secouée par des tirs d’artillerie lourde.

La situation reste tendue, à Goma et à la frontière, l’accès humanitaire est quasi impossible

Des tirs résonnent encore en ce moment dans plusieurs secteurs de Goma. Autour de l’aéroport, au centre-ville, dans les quartiers périphériques comme Ndosho, Mugunga et Buhene, les échanges de tirs et les détonations se multiplient. Même dans les quartiers du centre-ville, comme Le Volcan et Himbi, la population vit dans la peur, rapporte notre correspondant à Kinshasa, Patient Ligodi. Difficile d’avoir une vision claire de la situation, mais la présence du M23 est visible dans plusieurs zones

La frontière rwandaise est aussi sous tension. Des chars rwandais sont déployés, et certains tirs congolais ont atteint le territoire rwandais, selon plusieurs sources.

Sur le plan humanitaire, la situation est alarmante. Des intrusions non armées ont été signalées dans des bases d’ONG. Cela alors que plusieurs hôpitaux, comme l’hôpital Charité et CBKA Virunga, ont été touchés par des bombes.

L’accès aux camps de déplacés reste impossible en raison de l’insécurité.

Le Programme alimentaire mondial (Pam) de l’ONU a suspendu temporairement ses activités au Nord-Kivu. Une décision qui laisse, selon l’institution, plus de 800 000 personnes prioritaires sans aide alimentaire. « Nous prévoyons de reprendre dès que les circonstances le permettront », précise le Pam.

Le sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est se tiendra mercredi, Paul Kagame et Félix Thisekedi « ont confirmé leur participation »

La présidence kényane œuvrait pour un sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) dédié à la situation chaotique dans l’est de la RDC. Ce dernier se tiendra mercredi 29 janvier, a annoncé le président kényan William Ruto. Cela en présence des présidents rwandais Paul Kagame et congolais Felix Tshisekedi.

« J’ai discuté de tenir la réunion mercredi avec à la fois le président Paul Kagame et le président Félix Tshisekedi, et les deux ont confirmé leur participation », a déclaré lundi devant des journalistes celui qui assure actuellement la présidence de l’organisation régionale. Le lieu du sommet n’a pas été précisé.

Pour William Ruto, « il n’y a pas de place pour une solution militaire dans l’est de la RDC ». Le président kényan demande donc des discussions avec le M23 et « toutes les parties » sans plus de précisions, rapporte notre correspondante à Nairobi, Gaëlle Laleix. Interrogé sur la présence de troupes rwandaises dans l’Est de la RDC et le risque que cela compromette les discussions, le président botte en touche : « La situation est déjà très compliquée, donc la présence de forces de sécurité, d’où qu’elles vienent, ne rend pas les choses plus complexes », a-t-il esquivé lors d’une conférence de presse.

Le Kenya a déjà tenté, de jouer les médiateurs dans le dossier de l’est de la RDC. Mais le processus de Nairobi, lancé en 2022 par le président de l’époque, Uhuru Kenyatta, a fait chou blanc l’année dernière : Kinshasa suspectait le Kenya d’avoir pris le parti de Kigali.

Au moins 5 civils tués dans une localité rwandaise près de Goma, rapporte l’armée du Rwanda

Un porte-parole des Forces rwandaises de défense a fait état d’au moins « 5 morts et 25 blessés graves » lundi 27 janvier dans une localité rwandaise frontalière de Goma, a-t-il confirmé. « Il y a aussi des blessés légers », a ajouté Ronald Rwivanga, sans plus de précisions sur les circonstances de ces décès et blessures.

De l’autre côté de la frontière, à la ville rwandaise de Gisenyi, de très longs échanges de tir ont retenti sur le long de la frontière pendant toute la matinée, rapporte l’envoyée spéciale de RFI à Gisenyi, Lucie Mouillaud. Plusieurs bombes sont tombées dans la ville le matin, a ajouté le général Ronald Rwivanga.

La majorité des écoles sont restées fermées à Gisenyi lundi, comme certains commerces. Les habitants proches de la frontière sont cloitrés chez eux, d’autant que les détonations, qui ont commencé dans la nuit, resonnent bien plus fort et plus près que ce qu’avait été entendu dans les jours précédents. Le point de passage des commerçants transfrontaliers n’a pas ouvert aujourd’hui et seul le personnel civil de l’ONU et leurs familles y sont passés tôt ce matin : soit environ 1 000 personnes évacuées dans des bus pour se diriger vers Kigali. Cela alors que les agents frontaliers congolais étaient absents du poste.

Au moins 8 morts et 180 blessés, des tirs signalés près de l’hôpital de Ndosho

La situation reste incertaine à Goma. Les membres du groupe armé M23 sont dans la ville, mais des tirs sont régulièrement entendus dans plusieurs quartiers, rapporte  à Kinshasa, Paulina Zidi.

Des tirs ont par exemple été signalés vers l’hôpital de Ndosho, qui est déjà saturé de blessés depuis plusieurs jours. Le dernier bilan pour les journées de dimanche et lundi fait état d’au moins 8 morts et 180 blessés, détaille une source sanitaire. Dans un autre secteur, au moins 25 blessés sont arrivés à l’hôpital de la Charité.

Des engins explosifs continuent de s’abattre dans certains secteurs, causant des dégâts. Des sources rapportent aussi que des tirs auraient atteint le territoire rwandais.

Le gouvernement de la RDC confirme « la présence de l’armée rwandaise » à Goma

Dans sa première prise de parole lundi 27 janvier, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication Patrick Muyaya a appelé la « population de Goma » à « rester à l’abri, à la maison », « s’abstenir de commettre des actes de vandalisme et de pillage », ainsi qu’à « barrer la route à la propagande manipulatrice du Rwanda ».

Dans son tweet, le ministre confirme « la présence de l’armée rwandaise » dans « la ville de Goma » et martèle que « le gouvernement continue de travailler pour éviter le carnage et les pertes en vies humaines ».

« Deux minutes, c’est calme, puis deux minutes, c’est chaud, et cela continue d’être chaud chaque seconde »

À Goma, le million d’habitants et les 700 000 réfugiés, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha), vivent dans la peur et le sentiment d’abandon. Ceux qui n’ont pas quitté la ville, restent cachés dans les maisons, voire sous les lits pour éviter les balles perdues, racontent-ils.

« La tension est palpable, la peur est visible dans le regard de tout le monde, on ne sait pas ce qui va se passer, explique un gomatracien. Il y a des échanges de tir, parfois d’armes lourdes, il y a la présence des groupes armés qui sont dans la ville. »

Toute la nuit de dimanche à lundi, les habitants ont entendu des tirs sporadiques d’armes automatiques. Les habitants s’inquiètent particulièrement pour les blessés, car « Il y a aussi des victimes qui succombent malheureusement de ses blessures à la suite de balles perdues », témoigne un habitant.

Isolés, cet habitant du centre-ville est tout simplement inquiet et souhaite la fin des hostilités : « pendant deux minutes, c’est calme, puis pendant deux minutes, c’est chaud et cela continue d’être chaud chaque seconde. Ce qui empire la situation sont les bombes. Ici, c’est la ville, il y a des bâtiments. Donc, nous sommes dans une très mauvaise situation. On aimerait bien qu’il y ait un cessez-le-feu. »

Autant d’inquiétudes pour les habitants qui vivent déjà sans électricité et sans eau depuis la fin de semaine dernière.

Fermeture de la frontière à Goma entre la RDC et le Rwanda 

La frontière à Goma séparant la RDC et le Rwanda « est fermée », a indiqué à RFI une source consulaire européenne, confirmant l’information de témoins. « Personne n’entre, personne ne sort, à part quelques personnels de l’ONU et leurs familles évacués ce matin », a ajouté à l’AFP un travailleur humanitaire présent au principal point de passage entre la RDC et le Rwanda.

Depuis l’intensification des tirs et des combats à Goma, de nombreux habitants ont tenté de traverser la frontière pour fuir le conflit. 

Dans une déclaration lundi, le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a indiqué que Paris « condamne fermement l’offensive menée par le M23, soutenu par les Forces armées rwandaises » dans l’est de la République démocratique du Congo. « La France exprime sa solidarité à l’égard de la République démocratique du Congo, de son intégrité territoriale. (…) Les combats doivent cesser et le dialogue doit reprendre », a exhorté M. Barrot à Bruxelles, avant un conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne.

Confusion à Goma, des tirs nourris et évasion à la prison de Munzenze

Selon nos informations, des combattants du M23 et des membres des forces spéciales rwandaises sont présents dans certains quartiers de Goma, notamment au niveau de l’aéroport, dans le quartier nord de la capitale du Nord-Kivu. Ils occupent également certaines positions, comme le Mont Goma, où se trouve l’antenne provinciale de la télévision nationale. Les hommes des forces armées de la RDC (FARDC) et leurs alliés Wazalendo sont encore présents dans la ville.

Dimanche et lundi matin, des tirs sont entendus, y compris en centre-ville.

Une évasion a eu lieu à la prison de Goma : la prison de Munzenze, qui compte environ 3 000 détenus, a été « totalement incendiée » à la suite d’une « évasion massive » qui a causé des « morts », selon une source sécuritaire à l’AFP. Des prisonniers en fuite ont été aperçus dans les rues alentours, a constaté une journaliste de l’AFP.

Il n’y a pas de communication officielle des autorités congolaises pour le moment.

Les habitants sont terrés chez eux, l’eau et l’électricité sont coupées. Dimanche déjà, dans l’après-midi, des tirs d’armes automatiques étaient entendus dans la ville, comme nous le raconte cet habitant.

Des bus sont positionnés à la frontière rwandaise, prêts à évacuer des personnels de l’ONU et leurs familles venant de Goma, selon la TV publique rwandaise RBA, rapporte l’Agence France presse. « Les membres du personnel de l’ONU et leurs familles qui ont travaillé en RDC » sont en cours d’évacuation de Goma, avec des bus à la frontière « en attente pour les transporter vers Kigali, où ils embarqueront sur des vols vers leurs pays respectifs », a indiqué RBA sur X. Il n’y a pas d’agents de l’immigration à la frontière, selon nos informations.

Dimanche, la responsable de la mission de l’ONU en RDC Bintou Keita participait dimanche à la réunion du Conseil de sécurité consacrée à la situation en RDC. Elle y signalait que l’aéroport n’était plus fonctionnel pour des évacuations ou pour des opérations humanitaires. Les routes menant à Goma sont également coupées, affirme-t-elle.

Le Kenya annonce un sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est, avec Félix Tshisekedi et Paul Kagame

Le président kényan William Ruto a annoncé dans un communiqué réunir « dans les prochaines 48 heures » un sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) en présence des présidents de la RDC Félix Tshisekedi et du Rwanda Paul Kagame.

Les habitants tentent de fuir la ville

L’intensification des combats dans la soirée près de Goma puis les tirs dans la ville ont également poussé des habitants de la capitale provinciale à traverser la frontière vers le Rwanda, dans la ville frontalière de Gisenyi, dans le district de Rubavu, où se trouve le correspondante de RFI, Lucie Mouillaud.

Devant la Grande Barrière, Nathan et sa famille font partie des derniers habitants de Goma à traverser avant la fermeture de la frontière dimanche, en milieu d’après-midi : « Goma maintenant, c’est un champ désert, il n’y a plus de courant, il n’y a plus d’eau, la population fait du mieux possible pour pouvoir survivre. Les bombes se font entendre de plus en plus fort ! Il y a même des coups de feu, j’étais dans ma chambre et j’ai commencé à entendre des coups de feu. Je crois que c’est ce qui a alerté mon père pour qu’on puisse traverser et évacuer la ville. »

« La peur, elle est là, on laisse nos biens, je viens qu’avec mon petit sac et la famille. On a tout laissé là-bas, on est venu tel qu’on est là, on n’est pas stable. On ne sait pas combien de temps on va rester ici, on attend la situation. Dès qu’elle finit, on va retourner à Goma, c’est chez nous », témoigne Alain Hemedi qui a, lui aussi, quitté la ville.

Pour beaucoup, le passage de la frontière n’est qu’une étape avant de prendre la route pour rejoindre Bukavu ou d’autres villes au Burundi ou en Ouganda. « On ne peut qu’espérer, ce qu’on souhaite, c’est que la paix soit rétablie. On ne vit que de cela, depuis notre enfance, donc on espère que la paix soit rétablie, en tout cas, c’est le souhait de tout le monde », affirme Axel Cikomero, commerçant de Goma.