Bénin : « Défaillance anticipable, norme absente: La lacune du législateur face au seuil de 20% »

Politique
L’indétermination normative face à l’inéligibilité généralisée des partis politiques aux élections législatives apparaît à tout le moins comme un silence législatif problématique.
L’analyse du dispositif électoral actuellement en vigueur révèle une lacune juridique particulièrement préoccupante : l’absence totale de disposition encadrant l’éventualité, pourtant raisonnablement envisageable,  dans laquelle aucune des listes en compétition pour les élections législatives ne parvient à atteindre le seuil des 20 % des suffrages exprimés dans l’ensemble des circonscriptions électorales, seuil nécessaire pour prétendre à l’attribution des sièges.
Ce silence ne peut être interprété comme un simple oubli technique. Il s’apparente davantage à une indétermination volontaire, une stratégie de non-choix qui transfère implicitement au juge constitutionnel la charge d’interpréter, voire de suppléer, le texte législatif. Cette démarche, bien que politiquement commode, soulève plusieurs problèmes juridiques.
D’une part, elle porte atteinte au principe de sécurité juridique, en introduisant une incertitude sur la répartition des sièges dans un scénario pourtant plausible. D’autre part, elle confère au juge constitutionnel un rôle qui dépasse la stricte interprétation du droit, une sorte de pouvoir normatif, en l’obligeant à trancher une question de politique législative, sans base légale explicite.
En l’absence de mécanisme de suppléance ou de disposition transitoire, cette situation ouvre également la voie à des interprétations concurrentes, parfois contradictoires, de la part des praticiens, des partis politiques et des observateurs du processus électoral. L’espace ainsi laissé à la spéculation fragilise la lisibilité de la norme et altère la prévisibilité du droit.
Enfin, ce vide juridique pourrait être interprété, par certains, comme une forme déguisée de verrouillage institutionnel, en ce qu’il pourrait bloquer la constitution régulière de l’organe représentatif, plus précisément l’Assemblée nationale, faute de candidats éligibles, sans qu’aucune procédure de correction ne soit prévue.
Tout comme en 2018, le législateur béninois aurait pu gagner en crédibilité s’il avait intégré dans sa logique cette éventualité en procédant à une clarification normative qu’il s’agisse de prévoir une exception temporaire , un mécanisme d’attribution subsidiaire ou une adaptation des seuils en cas d’échec généralisé.
Il apparaît donc indispensable, comme le soulignent la plupart des analyses récentes de l’actualité politique nationale, de procéder à une réévaluation sérieuse de ces règles électorales. En effet, l’absence de mécanisme correctif en cas d’inéligibilité généralisée des partis politiques au seuil de 20 % pourrait, si elle venait à se concrétiser, engendrer une situation institutionnelle inédite, porteuse de fortes tensions.
Un tel scénario, en l’absence de toute solution de repli prévue par le législateur, pourrait constituer un facteur aggravant de crise post-électorale. Or, compte tenu de la fréquence et de l’intensité des crises électorales récentes dans notre pays, dont les répercussions sont souvent lourdes et difficilement maîtrisables, il est impératif d’anticiper et de prévenir toute configuration susceptible d’alimenter un nouveau cycle d’instabilité politique.
Il s’agit là , modestement, de notre contribution visant à enrichir la réflexion actuelle sur l’architecture juridique de notre système électoral, en soulignant la nécessité d’une adaptation des normes aux scénarios extrêmes mais plausibles du jeu politique.
(D’après une analyse de Franck OKE)