Ligue des Champions : Comment la fête au Stade de France a tourné au fiasco

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Supporters de Liverpool et responsables locaux ne décolèrent pas contre l’organisation de la finale de la Ligue des champions au Stade de France samedi 28 mai, après que des milliers de fans n’ont pu rentrer dans l’enceinte, et ont été violemment repoussés par la police. La finale, remportée 1-0 par le Real Madrid, a été ternie par des scènes de chaos.

Une finale de Ligue des Champions qui démarre avec plus de trente minutes de retard. Des supporters bloqués contre les grilles du Stade de France, où ils ne peuvent pas pénétrer. Des supporters venus en famille, aspergés de gaz lacrymogènes par des policiers débordés, alors que des jeunes escaladent les grilles du stade. Ces scènes de chaos ont gâché le plus grand rendez-vous annuel du football européen. La fête aurait pu virer au drame si les supporters en question n’avaient pas fait preuve, dans leur très grande majorité, d’un grand calme face aux évènements.

Tous ceux qui étaient sur place et qui connaissent les lieux s’accordent à le dire : l’origine de ce désordre absolu est la gestion, ou plutôt l’absence de gestion, des flux de supporters arrivant au Stade de France et à la désorganisation des points de contrôle pour accéder à son périmètre immédiat.

Des stewards débordés

Un fiasco en trois actes qui commence à la station Châtelet. Le RER B, moyen de transport le plus commode pour accéder au Stade de France, étant en grève samedi soir, les supporters sont invités à utiliser le RER D, beaucoup moins pratique d’accès. À la sortie de la gare, les Britanniques doivent ensuite emprunter un tunnel afin d’accéder aux portes d’entrée qui leur sont réservées. Un premier filtre, avec vérification des billets et fouille sommaire, est en place quelques mètres plus loin. Mais avec seulement quatre couloirs et une vingtaine d’agents d’accueil dédiés à ce dispositif, le point de passage se transforme rapidement en goulet d’étranglement dans lequel 15 000 supporters se retrouvent coincés pendant plusieurs heures, alors qu’ils auraient pu être réorientés vers une autre entrée où les opérations de contrôle étaient beaucoup plus fluides.

Comme souvent, ce premier dysfonctionnement entraîne un autre. Tandis que les détenteurs de billets se retrouvent bloqués là, de nombreux jeunes Français profitent de la situation chaotique pour entrer en force en se plaçant entre les contrôles et la foule. Les stewards se retrouvent débordés et vers 20h, à une heure seulement du coup d’envoi officiel, les points de contrôle sautent. Dès lors, n’importe qui peut accéder à l’Esplanade du Stade de France.

La situation lui échappant, la sécurité du stade décide donc de fermer les portes de l’enceinte pendant une heure. Les forces de l’ordre interviennent, à coups de charges et de gaz lacrymogènes, essentiellement pour dissuader les resquilleurs qui escaladent les grilles. À en croire les journalistes présents, il y a parmi eux bien peu d’Anglais. Mais les supporters de Liverpool entassés à leurs abords ne sont pas épargnés pour autant.

Des supporters anglais pointés du doigt

Ceux-là ont immédiatement été pointés du doigt comme les principaux, voire seuls, responsables des débordements. La toute nouvelle ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, dénonçait ainsi samedi soir « les tentatives d’intrusion et de fraudes de milliers de supporters anglais… » et faisait état de 30 000 faux billets. Un chiffre qui reste à vérifier.

Mais ce type de fraudes ne sont pas inédites pour ce genre d’événements et n’expliquent pas à elles seules les dysfonctionnements qui ont gâché la soirée. « Avec le ministre de l’Intérieur, nous déplorons les incidents qui ont émaillé la soirée de la Ligue des champions samedi soir au Stade de France et regrettons que certains supporters munis de billets n’aient pu assister au match », a expliqué Amélie Oudéa-Castéra dans un communiqué publié dimanche.

Les Anglais, surtout ceux de Liverpool, n’ont pas oublié les manquements et les mensonges de leur propre police lors de la tragédie d’Hillsborough, où 97 personnes avaient trouvé la mort en 1989. Ils attendent donc d’autres explications de la part des autorités françaises.

Le Sénat français, dominé par l’opposition de droite, va auditionner dans la semaine les ministres Gérald Darmanin et Amélie Oudéa-Castera sur les incidents survenus samedi aux abords du Stade de France à l’occasion de la finale de la Ligue des Champions. Les ministres de l’Intérieur et des Sports seront entendus conjointement par les commissions des Lois et de la Culture, a annoncé le Sénat dans un communiqué ce lundi 30 juin.

Gérald Darmanin dénonce une « fraude massive, industrielle et organisée de faux billets »

Le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin a dénoncé lundi 30 mai une « fraude massive, industrielle et organisée de faux billets » lors de la finale de la Ligue des champions émaillée de nombreux incidents samedi soir autour du Stade de France. « 30 000 à 40 000 supporters anglais se sont retrouvés au Stade de France, soit sans billet, soit avec des billets falsifiés », a ajouté le ministre de l’Intérieur devant la presse à l’issue d’une réunion interministérielle organisée sur ces dysfonctionnements. M. Darmanin a défendu le dispositif mis en place par la préfecture de police de Paris pour sécuriser la finale. « Pour avoir été sur place, sans les décisions prises par la police et le préfet, il y aurait eu des morts », a-t-il dit en apportant « tout son soutien » au préfet Didier Lallement, dont les méthodes de maintien de l’ordre font l’objet de nombreuses critiques. Le ministre s’est dit « désolé » pour les spectateurs munis de billets qui n’ont pu assister au match et a exprimé ses « regrets » pour les spectateurs qui ont souffert de l’usage des gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l’ordre. La France doit « s’ améliorer » dans la gestion « des matches à risque », a affirmé de son côté la ministre des Sports et des JO Amélie Oudéa-Castera. La ministre a en outre souligné la nécessité de « renforcer le pilotage de grands événements » dans la perspective de la Coupe du monde 2023 de rugby, organisée en France, et des Jeux olympiques 2024 de Paris. « On a vu que nous devions nous améliorer à fortiori dans des matches à risque, sur certains aspects de la gestion des flux au sortir des transports sur des zones de premier filtrage, de second filtrage », a estimé Amélie Oudéa-Castera lors d’une conférence de presse.

RFI