Football : Voici ce que les femmes n’auront pas le droit de faire au Mondial au Qatar

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Le 29 septembre, le comité d’organisation de la Coupe du monde de football au Qatar a publié un document de 16 pages intitulé Do’s and Don’ts 2022 (traduisez par : « À faire et à ne pas faire ») résumant les règles en vigueur dans l’émirat, à l’intention des visiteurs étrangers. Sont particulièrement visées les femmes et leurs tenues vestimentaires.

Ne pas porter de bijoux, garder ses distances avec les personnes de sexe opposé, se couvrir les bras et les jambes… Dans un document de 16 pages intitulé Do’s and Don’ts 2022 (traduisez par « À faire et à ne pas faire ») publié le 29 septembre, le comité d’organisation de la Coupe du monde de football au Qatar (du 20 novembre au 18 décembre) rappelle les règles et restrictions en vigueur dans l’émirat, à l’intention des supporters et supportrices venus de l’étranger. Les femmes sont particulièrement ciblées. Rien de nouveau à cela. Le régime monarchique et autoritaire ne reconnaît pas l’égalité des genres, limite la liberté d’expression, et bafoue régulièrement les droits humains, comme l’ont rappelé plusieurs organisations non-gouvernementales, dont Amnesty International et Human Rights Watch.

À un mois du lancement de la compétition, les alertes à l’encontre du Mondial de football au Qatar s’accumulent : aberration écologique, exploitation des travailleurs migrants, droits des LGBT inexistants, peine de mort toujours en vigueur… Ce document Do’s and Don’ts 2022 n’est qu’une nouvelle illustration de la situation dans l’émirat.

Un code vestimentaire très strict et sexiste

Au Qatar, les femmes sont nombreuses à porter l’abaya, cette longue robe noire ample et couvrante, obligatoire pour entrer dans les mosquées. Pendant la compétition, les femmes devront pareillement se plier à ce principe vestimentaire. Elles devront donc impérativement porter des vêtements qui couvrent les épaules et les genoux, bannir les vêtements transparents et « trop serrés ». Elles pourront porter des pantalons longs, ou des jupes et des chemises longues, couvrant la poitrine et la nuque. « Les chemises sans manches, robes ou jupes courtes, bas courts, hauts courts sont strictement interdits », précise le document. Évidemment, pas de décolletés ni de débardeurs ni de robes d’été, malgré la chaleur. De quoi exclure davantage les supportrices de l’événement.

Les hommes, eux, pourront arborer une couleur plus avantageuse sous le soleil accablant, en portant la thobe (longue chemise arrivant aux chevilles) blanche traditionnelle. Il ne leur est cependant pas interdit de porter des shorts, sous réserve que ceux-ci couvrent les genoux.

Autre recommandation pour la gent féminine : si aucune loi n’exige pour les femmes le port d’un voile sur les cheveux, sauf dans une mosquée, il est bien vu d’en porter un « pour s’intégrer et respecter la culture locale et éviter les attentions indésirables », explique le document.

Les femmes ne pourront pas non plus porter de bijoux, hormis les montres et les alliances. Exit les boucles d’oreilles, colliers et bracelets. Par ailleurs, si les bijoux représentent une autre religion que l’islam, ils ne devront pas être visibles.

À noter aussi qu’il est recommandé de ne pas porter de vêtements avec des slogans ou symboles offensants. « Réfléchissez bien et avec prudence sur ce sujet », souligne le document. Les revendications politiques et la liberté d’expression sont écartées de fait.

Les échanges avec les hommes prohibés

Les femmes ne seront pas exclues de l’espace public, mais tout sera fait pour les séparer des hommes. « N’approchez pas les mains de vos hôtes femmes, évitez les étreintes. Vous pouvez saluer les femmes verbalement en gardant une certaine distance », détaille le document.

Le fait de se serrer la main, en particulier avec une personne de sexe opposé, n’est pas bien vu au Qatar, surtout « sur le plan religieux ». Flirter est « considéré comme déplaisant ». Les démonstrations d’affection sont fortement déconseillées dans l’espace public. Le document rappelle enfin qu’il faut respecter les files spécifiques pour les femmes et celles pour les hommes dans différents lieux publics.

Fin juin, les autorités qatariennes avaient déjà affirmé avec véhémence qu’il n’y aurait « aucune exception » sur la question des relations sexuelles hors mariage pendant le Mondial de football. Que ce soit pour les joueurs et les supporters. « Il n’y aura certainement pas d’aventures d’un soir lors de ce tournoi. Il n’y aura pas de fête du tout, vraiment. Tout le monde doit garder la tête froide, sauf à risquer de finir en prison. Pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du monde, le sexe est interdit. Les supporters doivent être préparés »?, avait indiqué une source policière au journal britannique The Daily Star.

Le Qatar affirme malgré tout être « un ardent défenseur des droits des femmes »

Liberticides, sexistes, injustes… Les qualificatifs sont nombreux, du point de vue des supporters et supportrices étrangers, pour qualifier ces règles. Encore une fois, rien de nouveau dans ce pays très conservateur.

Victimes de violences et de discriminations, les femmes qatariennes sont soumises à un système de tutelle et restent liées à leur tuteur masculin, généralement leur père, frère, grand-père ou oncle ou, pour les femmes mariées, leur mari. Cela concerne toutes sortes de décisions et activités : se marier, voyager, étudier à l’étranger ou encore accéder à la contraception.

Dans un rapport paru fin mars 2021, l’organisation Human Rights Watch appelait le Qatar à cesser de restreindre la liberté des femmes. Elle dénonçait des mesures de tutelle floues imposant aux femmes l’autorisation d’un homme jusque dans leurs activités quotidiennes.

« Le Qatar est un ardent défenseur des droits des femmes dans le pays et à l’étranger. Le rapport de Human Rights Watch décrit de manière inexacte les lois, les politiques et les pratiques du Qatar relatives aux femmes », s’était alors défendu le gouvernement qatari, en promettant une enquête. Selon Amnesty International, elle n’est jamais parue.

Le document Do’s and Don’ts 2022 se conclut cependant sur un message de paix et d’ouverture, arguant qu’il est important de « tolérer les autres ». « Le Qatar est un pays extrêmement paisible avec des personnes de différentes nations vivant ici. Respectez leur culture et leur religion. Nous sommes tous différents. »

Avec Ouest France