Journée des droits des femmes : Une journée fériée, à Madagascar, diversement appréciée

Afrique

À Madagascar, on célèbre l’éternel féminin, la « mère courage ». D’ailleurs sur l’île, cette « journée de la femme », comme le reprennent en cœur de manière inexacte aussi bien les publicités, les médias que les administrations, est un jour férié pour les personnes de sexe féminin. Dans les grandes villes du pays, on invite les femmes à se faire belles, à se faire dorloter. Un message contre lequel se rebellent diverses associations, agacées qu’en 2022, on se méprenne encore sur le sens de cette journée internationale des droits des femmes.

Ce lundi, un grand débat en ligne est organisé par le mouvement féministe prochoix « Nifin’Akanga », figure de proue de la lutte pour la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Au menu des discussions : lever l’hypocrisie autour de ces sujets ô combien tabous à Madagascar.

D’ailleurs, cette journée fériée, Kemba Ranavelo, la présidente fondatrice du mouvement féministe, n’en veut pas. « C’est quoi l’intérêt de ne pas travailler un 8 mars pour les femmes ? Je n’en vois pas. C’est un message biaisé parce que c’est un message qui dit : « faites la fête, amusez-vous et taisez-vous le reste de l’année ». Et ça ne fait pas avancer les droits des femmes. »

Selon l’association, il s’est forgé sur la Grande Île une société faite de non-dits, érigés derrière des murs d’hypocrisie. Ce décalage, qui se creuse d’année en année, entre l’image qu’on veut montrer et les faits, elle le vomit. « Personne ne nie la réalité, assure-t-elle, l’important, c’est qu’on n’en parle pas. »

L’exemple le plus probant, selon Kemba Ranavelo ? « Un proverbe, qu’on apprend à toutes les femmes qui se marient : Tokantrano Fihafiana. En gros, le « linge sale se lave en famille ». Rien ne doit sortir de ce qu’il se passe dans le foyer. Il peut se passer des choses horribles, de la violence, des viols, des incestes, des avortements, personne ne nie la réalité, l’important, c’est que ce soit tu. »

Se taire, c’est justement ce que les membres de Nifin’Akanga refusent de faire : « Une autre grosse hypocrisie, c’est de nous faire croire, avec notre Constitution, qu’on est dans un pays laïc. C’est n’importe quoi. Les églises sont partout. On les laisse intervenir dans des domaines qui ne les regardent pas. Et en plus, elles sont constamment instrumentalisées par les politiques. Que ce soit sur l’avortement, l’inceste, le viol, on n’avance pas sur ces questions-là ! Voilà pourquoi on est un pays rétrograde ! Et n’oublions pas qu’à cause de ces lois d’un autre temps, chaque jour des femmes meurent. »

Combien ? Impossible de le dire. Les données à disposition sont parcellaires. Les mouvements féministes aujourd’hui militent pour des études nationales sur ces sujets.

 

RFI