Un juriste béninois vient de saisir le Président du parlement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ( CEDEAO). Il l’interpelle sur des dispositions préoccupantes du code électoral en amont des élections générales de 2026 en République du Bénin, dans un contexte régional marqué par la montée du terrorisme. Lire ci dessous sa correspondance.
Adégbola Franck OKE
Juriste – consultant
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Porto Novo, le ….
À l’attention de Monsieur le Président du parlement de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ( CEDEAO).
Objet : Interpellation sur les dispositions préoccupantes du code électoral en amont des élections générales de 2026 en République du Bénin, dans un contexte régional marqué par la montée du terrorisme.
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de porter à votre haute attention les préoccupations profondes qu’inspirent certaines dispositions du code électoral actuellement en vigueur en République du Bénin, à l’approche des élections générales prévues en 2026. Ces dispositions, par leur caractère sélectif et déséquilibré, compromettent sérieusement l’équité du processus électoral et pourraient, si elles demeurent en l’état, engendrer une crise sociopolitique aux ramifications inquiétantes.
L’article 132 nouveau du code électoral impose désormais que tout candidat à la présidence ou à la vice-présidence de la République soit parrainé par au moins 15 % des députés et/ou des maires, répartis dans trois cinquièmes (3/5) des circonscriptions électorales législatives. Cette exigence, durcie par rapport à la version antérieure (10 %), érige des barrières discriminatoires qui restreignent l’accès à la compétition électorale, en particulier pour les forces d’opposition, déjà fragilisées.
De manière tout aussi préoccupante, l’article 146 nouveau instaure un seuil de représentativité de 20 % dans chacune des circonscriptions électorales pour l’obtention de sièges, seuil auquel échappent pourtant les partis ayant constitué une coalition parlementaire préalable auprès de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA). Pour ceux-là, un seuil de 10 % à l’échelle nationale suffit. Cette disposition asymétrique bénéficie manifestement aux deux principales formations de la majorité présidentielle, le Bloc Républicain et l’Union Progressiste – Le Renouveau, et altère gravement le principe d’égalité des chances en politique.
À ces contraintes s’ajoute une carence institutionnelle majeure : le code électoral ne garantit pas l’accès des partis aux documents électoraux originaux, notamment les procès-verbaux de la CENA, compromettant ainsi l’exercice effectif des recours juridiques en cas de contentieux. Cette opacité entame la crédibilité du processus électoral et mine la confiance des citoyens dans les mécanismes démocratiques.
Ces inquiétudes seraient déjà graves en temps ordinaire. Elles deviennent critiques dans le contexte régional actuel, marqué par une montée fulgurante du terrorisme et de l’insécurité. La déstabilisation des processus démocratiques constitue un terreau fertile pour l’expansion des groupes extrémistes, qui exploitent le désenchantement populaire, les frustrations politiques et les failles institutionnelles pour s’implanter durablement. Le Bénin, jusque récemment épargné, est désormais confronté à des incursions djihadistes dans ses régions septentrionales. Toute détérioration du climat politique intérieur, notamment à travers des élections perçues comme verrouillées ou inéquitables, pourrait gravement compromettre la résilience nationale face à cette menace.
Dans cette perspective, il apparaît plus que jamais impératif que la CEDEAO, tout en maintenant sa ferme opposition à toute prise de pouvoir par des voies non constitutionnelles, exerce également une vigilance accrue quant à la régularité, la transparence et l’inclusivité des processus électoraux dans ses États membres.
L’efficacité de ses mécanismes de prévention des crises dépend étroitement de sa capacité à anticiper les risques et à agir en amont, avant que les tensions ne se transforment en conflits.
Je vous prie donc, Monsieur le Président, de bien vouloir considérer cette lettre comme un appel solennel à l’action préventive, pour préserver la paix, renforcer la légitimité des institutions démocratiques et consolider la stabilité dans notre espace communautaire commun.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Adégbola Franck OKE