Procès du 28-Septembre en Guinée : Moussa Dadis Camara se dit victime d’un «complot»

Afrique

Moussa Dadis Camara, l’ancien chef de la junte militaire au pouvoir à l’époque du massacre du 28 septembre, a été appelé à donner sa version des faits ce lundi 12 décembre. La répression meurtrière a fait 157 morts, des centaines de blessés, plus de cent femmes violées.

Moussa Dadis Camara avait affirmé être malade, lundi 5 décembre, et ne pas être en mesure de comparaître, mais cette fois, il se dit prêt « à livrer sa part de vérité ». « Est-ce que vous vous sentez mieux ? » a d’abord demandé d’emblée le président du tribunal. Moussa Dadis Camara acquiesce. En grand boubou rayé ocre, noir et blanc, fines lunettes, l’ancien chef de la junte s’assied et se lance alors dans un long monologue. « Dadis Camara n’est pas fou, Dadis Camara est généreux, c’est un homme sincère », dit-il en parlant de lui-même, en évoquant régulièrement son honneur, Dieu et la Bible. Après quelques digressions, citant par exemple les philosophes Héraclite et Emmanuel Kant, l’ex-dirigeant entre alors dans le vif du sujet et contre-attaque.

Un « complot »

Pour lui, les événements du 28 septembre étaient un « complot ». « Un complot savamment orchestré pour me faire partir », poursuit Moussa Dadis Camara. Il cite nommément trois personnes : Alpha Condé, l’ex-président renversé en septembre 2021, Sekouba Konaté, l’ancien président de la transition en 2010, et Aboubacar Sidiki Diakité, dit Toumba, son ancien aide de camp qu’il avait chargé, lors de son audition, accusé donc par Moussa Dadis Camara d’être l’exécutant des événements.

« Ce complot, c’était pour me rendre infréquentable, pour me salir devant la communauté internationale », assure l’ex-dirigeant, « ensuite, Toumba a été embobiné pour m’éliminer », poursuit-il. Tout en parlant, Moussa Dadis Camara tourne ses feuilles, hausse régulièrement la voix, fait rire parfois la salle : « Prenez tout votre temps », lui a indiqué le président du tribunal.

Au tribunal, l’ancien dirigeant putschiste promet de ne pas mentir aux Guinéens : « Je vais avoir peur de quoi pour ne pas dire la vérité au peuple, au tribunal et au président du tribunal ? Le capitaine Moussa Dadis va avoir peur de quoi maintenant pour avoir été président de ce peuple? Un peuple que j’ai géré avec abnégation et patriotisme. »

Les victimes attendent ce procès depuis plus de 13 ans.
Recrutement de soldats

C’est après la pause que le capitaine Moussa Dadis Camara a abordé le sujet du recrutement de soldats du camp de Kaléya. Pour lui, ce n’est pas le président de la République qui aurait opéré ce recrutement mais plutôt le ministre de la Défense.

Il invite par ailleurs Sekouba Konaté à venir témoigner devant le tribunal. Pourtant Toumba Diakité l’accuse d’avoir envoyé des milices au stade pour massacrer des manifestants non armés.

Une stratégie de défense critiquée

Les avocats de Toumba Diakité ont hâte, disent-ils, de pouvoir interroger l’ancien capitaine putschiste pour le mettre devant ses responsabilités. 

Maitre Lancinet Sylla est l’un des avocats de Toumba Diakité. « Il est en train d’aller dans tous les sens, déplore-t-il. Lorsqu’il parle de complot c’est une théorie qu’il développe maintenant. C’est ce qu’on disait la fois dernière : la stratégie de défense de Moussa Dadis est mise en mal. Il est obligé de revenir en inventant une théorie du complot mais cette théorie ne tient pas. »

La capitaine Moussa Dadis Camara a aussi déclaré à la barre ce lundi que la visite surprise de son ancien aide camp l’avait perturbé et qu’il ne se sentait plus en sécurité : « Quelqu’un qui a voulu m’ôter la vie a surgi devant moi”, a-t-il affirmé.