Opinion de Alfred Cossi CHODATON : Les non-dits du rapport annuel sur l’état mondial de la démocratie en 2021

Opinions

Le 22 novembre 2021, l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Électorale a publié un rapport intitulé « L’état mondial de la démocratie 2021 : renforcer la résilience à l’ère de la pandémie ». Les conclusions générales du rapport indiquent un déclin de la démocratie dans le monde.

Selon le rapport, la raison de ce déclin est principalement le glissement des régimes démocratiques vers l’autoritarisme. Le rapport explique ce fait par la pandémie de COVID-19 et d’autres crises régionales. Cependant, il ne fournit pas d’explications sur les causes de ces différentes crises tant au niveau international que régional. Le rapport n’indique ni quel est l’objectif principal de la démocratie ni si, pendant des décennies de démocratie, le monde y est parvenu.

Il existe un consensus au sein de l’élite de la soi-disant communauté internationale que la démocratie est la liberté d’expression, de réunion, d’élections libres et équitables, le respect des droits de l’homme, etc. et que les champions de cette démocratie libérale sont le monde occidental avec les États-Unis en tête de son classement. Mais à côté de ce vœu pieux, les faits historiques montrent le contraire.

De nouveaux vœux inscrits dans la Charte des Nations-Unies

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le monde, réalisant à quel point il était proche de sa propre extinction, s’est engagé à promouvoir la paix, la prospérité et l’égalité pour toute l’humanité. Le but de la démocratie au niveau national comme au niveau international est d’aider à résoudre les conflits par des mécanismes pacifiques et de préserver les droits de tous au développement social et économique.

Reprise de la rivalité entre puissance

Mais, rapidement, l’espoir d’un monde meilleur s’est évanoui dès que la compétition entre les grandes puissances a repris sous la forme de la guerre froide. En fait, la même rivalité entre différentes nations pour le contrôle des ressources mondiales et pour leur propre bénéfice, qui a conduit aux guerres les plus meurtrières de l’humanité dont les deux guerres mondiales n’a jamais pris fin. Au cours de cette période, appelée celle de la guerre froide, à plusieurs reprises, le monde a frôlé l’anéantissement nucléaire qui a été évité de justesse grâce à la prise de conscience par les deux superpuissances qu’aucune d’entre elles ne survivrait à une telle catastrophe si elle se produisait.

Dans un tel ordre international, l’Afrique ne jouit jamais de la liberté

En Afrique, alors que les empires coloniaux ne pouvaient pas vivre, ils ont été remplacés par une forme d’exploitation plus élaborée où les dirigeants qui n’acceptaient pas la suprématie occidentale étaient soit assassinés, soit renversés. À côté de cela, la France a gardé et garde toujours un contrôle étroit de ses anciennes colonies et de leurs économies avec la monnaie du franc CFA.

De telles interférences constantes rendent impossible la démocratie et l’état de droit

Cet ordre international et toutes les ingérences étrangères ont entraîné des décennies de crises et d’instabilités sur le continent et expliquent sa pauvreté et son manque de démocratie, de bonnes gouvernances jusqu’à présent.

Les conflits civils au Libéria, en Sierra-Léon, au Tchad, en République centrafricaine, au Rwanda, au Burundi, au Congo, etc… ont tous derrière eux des puissances étrangères. L’insurrection djihadiste en cours dans la région du Sahel est causée par le renversement de Kadhafi par une intervention étrangère.

Alors qu’il y a un conflit civil ou une insurrection terroriste, la démocratie ne peut pas être préservée et c’est ce qui se passe au Mali et pourrait être sur le point de se produire au Burkina-Faso voisin.

De plus, le Mali, le Burkina-Faso et le Niger, aux prises avec des insurgés extrémistes, ne peuvent décider eux-mêmes avec quel pays coopérer dans ce combat. Malgré l’opposition croissante de leur peuple contre l’implication française dans la lutte, la France exerce des pressions sur leurs présidents pour qu’ils ne coopèrent pas avec les Russes. L’implication impopulaire de la France est en partie l’une des raisons de la destitution de l’ancien président malien Ibrahim Boubacar Keïta par un soulèvement et risque de faire subir le même sort à Roch Marc Christian Kaboré du Burkina-Faso. Au cours du week-end, des manifestants ont réclamé sa démission.

En Côte d’Ivoire, sans le soutien de Blaise Compaoré accusé d’avoir assassiné Thomas Sankara et de Nicolas Sarkozy de France, Alassane Dramane Ouattara n’aurait jamais été au pouvoir. Le même Alassane Dramane Ouattara qui exerce actuellement son troisième mandat controversé est, avec Macky Sall, le plus important partisan du franc CFA.

Les chefs d’État qui perdurent au pouvoir parmi lesquels Faure Gnassingbé et Ali Bongo qui ont succédé à leurs défunts pères bénéficient du soutien français.

Cet ordre international garantit que les riches s’enrichissent tandis que les pauvres s’appauvrissent. Est-ce là le but de la démocratie ?

La cupidité est le véritable ennemi de la démocratie

La démocratie libérale, telle que nous la connaissons, n’est pas un système égalitaire. Aux États-Unis, « les 10 % des ménages les plus riches détenaient 70 % de la richesse du pays, tandis que les 50 % les plus pauvres en détenaient 2 % ». Et nous savons tous que l’argent joue un rôle important dans la politique américaine.

Au niveau international, selon OXFAN International, les 1% les plus riches du monde ont plus de deux fois plus de richesses que 6,9 milliards de personnes tandis que près de la moitié de l’humanité vit avec moins de 5,50 $ par jour.

Le cas de la République du Bénin

Le rapport classe dans la même catégorie de régime hybride le Togo, le Bénin et le Niger tout en remarquant que le Bénin était autrefois un exemple de démocratie.

Mais encore une fois, le rapport omet de considérer les causes réelles de ces insuffisances de la démocratie béninoise. Depuis 1990, année de l’adoption d’une constitution démocratique, aucun parti politique n’a pu remporter une élection présidentielle. Les élections présidentielles ont été remportées par des personnalités fortes et indépendantes qui, la plupart du temps, viennent hors de l’arène politique.

Une fois élus, ces personnalités gouvernent sans être tenues pour responsables par aucun parti politique. La multiplicité des partis politiques les rend faibles et ne leur permet pas de se présenter avec succès aux élections présidentielles.

Les origines ethniques et régionales jouent également un rôle important dans la politique béninoise.

Les tentatives du président sortant pour mettre en place des réformes visant à forcer les partis politiques à s’unir et à créer des instances politiques plus larges ne se sont pas déroulées sans heurts et les dernières élections ont été marquées par la violence.

Cependant, la démocratie béninoise est plus forte que celle du Togo ou du Niger. Le président Patrice Talon devrait quitter ses fonctions en 2026 à l’issue de son second mandat. D’ici là, il devra s’assurer qu’un dialogue sérieux entre les différents acteurs assure le renforcement de la démocratie béninoise.

 

Alfred Cossi CHODATON* (WhatsApp : 95401064), Le Libre Penseur, publié le dimanche 28 novembre 202, à 20h.