Un peu de lecture : Les aventures d’un enfant prodige, Quatorzième partie

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Les aventures d’un enfant prodigeQuatorzième partie

Le père Mayi, avec sa barbe blanche éparse et sa soutane flottante, était plus qu’un simple prêtre à Sakété. Il était une figure légendaire, omniprésente dans la vie sociale et politique de la ville, un homme dont l’ombre semblait s’étendre sur chaque coin de rue, chaque foyer. Sa connaissance des familles était presque surnaturelle, comme s’il portait en lui les secrets de chacun, un père omniscient pour tous les chrétiens.

Mais son rôle ne s’arrêtait pas là. Lors des réunions cruciales pour le développement de la communauté, sa voix résonnait avec une autorité telle qu’il influençait inévitablement les décisions finales. Arrogant et parfois irritant, il avait néanmoins un talent singulier pour ramener la paix et construire des ponts là où il y avait des fossés.

Le soir, il arpentait les rues de Sakété, parfois au volant de sa vieille Volvo, parfois à pied, observant tout, captant chaque murmure. Lorsqu’il s’arrêtait dans une concession, c’était un événement. Chaque fidèle savait que manquer un culte du dimanche sans une excuse solide signifiait affronter ses réprimandes. Les mariages interreligieux étaient sa bête noire. Si une chrétienne osait épouser un musulman, ou inversement, elle savait qu’elle devait disparaître de sa vue jusqu’à ce qu’il quitte les lieux.

Le père Mayi avait un pouvoir étrange, presque mystique. Il était capable de réciter avec une précision troublante le contenu exact de l’acte de naissance de chaque chrétien, même ceux nés avant son arrivée à Sakété. Cet excès de contrôle, cet étouffement constant, a fini par diviser la population. Les tensions montaient, et plusieurs fois, les forces vives de la ville, pourtant divisées entre ses soutiens et ses détracteurs, ont tenté de le faire partir. Mais il revenait toujours, parvenant à apaiser les conflits, à réconcilier les grands hommes de la ville, tel un phénix renaissant de ses cendres.

Une année, un événement marquant vient ébranler sa position : une jeune fille, brillante et pieuse, refuse catégoriquement de se laisser dicter sa vie par le curé. Elle décide d’épouser un musulman, un certain Amidou, enseignant respecté. Le père Mayi s’y oppose fermement. La famille esr convoquée, les pressions s’intensifient, mais la jeune fille tient bon. Ce mariage devient un symbole de résistance silencieuse.

Le jour de l’union, toute la ville retient son souffle. Le père Mayi, contre toute attente, fait irruption à la cérémonie. Mais au lieu de l’interrompre, il bénit les époux à distance, en silence, depuis l’ombre d’un manguier, puis tourne les talons. Ce geste inattendu, à la fois orgueilleux et humble, marque les esprits pour toujours.

Adissa ADENIYI