Opinion : Le retour des trésors doit conduire à la restauration des ténors de la résistance à la colonisation

Chronique

La restitution des biens historiques et culturels pillés par le corps expéditionnaire du général français Dodds provoque une euphorie compréhensible au Bénin. L’attrait touristique de ces œuvres fascine de nombreux Béninois qui n’ont jamais eu la chance de les visiter. Mais derrière les bénéfices touristiques à tirer de ce retour, il ne faut pas négliger l’importance symbolique de ces trésors qui doivent aider à raviver le sentiment patriotique qui nous manque aujourd’hui cruellement.Le retour de ces biens constitue une forme de réparation des injustices de la colonisation.

Après la défaite du roi Béhanzin et sa reddition, il a fallu que, s’étant emparée de son royaume, la France s’approprie tous ses attributs et symboles de puissance afin de convaincre tous les nostalgiques que la gloire d’entre-temps du Danxomè était terminée. Mais aujourd’hui ces symboles sont de retour sur leurs terres.

Durant la période révolutionnaire de 1972 à 1989, sous le règne du général Mathieu KEREKOU, l’État-parti avait une idéologie qui participait à la glorification des hauts faits de nos martyrs dont les plus connus sont le roi Béhanzin, Bio Guéra et Kaba.

À travers des chansons modernes et folkloriques, des œuvres d’art, l’éducation civique dans les écoles, le régime a travaillé à renforcer le sentiment d’unité nationale en s’inspirant de la résistance héroïque de ces grandes figures historiques.

Alors que cette période révolutionnaire a été considérée comme celle de la stabilité politique la plus grande et la plus longue, ce fait ne peut pas s’expliquer uniquement par la seule répression. La propagande officielle eut pour effet positif de faire taire en grande partie les rivalités régionalistes et éthiques, parfois violentes, qui avaient toujours caractérisé la vie du Dahomey
avant l’avènement de la révolution du 26 octobre 1972. C’est un acquis de la révolution qui a contribué à renforcer l’unité nationale sans laquelle la
pratique de la démocratie aurait conduit à des dérives ethnocentriques.

Pourtant, lors de la Conférence des Forces vives de la Nation de février 1990, les opposants au régime ont cru devoir mettre un terme à toute forme de  propagande officielle.

Or, aucune nation dans l’histoire n’a fait de grandes choses sans propagande. Même dans les démocraties perçues comme desmodèles, il y a une glorification de l’idée de la nation, de ses martyrs, de ses grands hommes, qui sert à inspirer les générations présentes et futures.

En France, Jeanne d’Arc, Napoléon, Robespierre, De Gaulle, etc… sont célébrés. Aux Etats-Unis, ce sont Abraham Lincoln, George Washington, Benjamin Franklin, Franklin Roosevelt etc…

En clair, chacune des puissances contemporaines qui déterminent aujourd’hui le cours de l’histoire humaine, que ce soit la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Russie, la Chine et bien d’autres, s’est nourrie, se nourrit et se nourrira de nationalisme. Notre monde tel qu’il est aujourd’hui a été forgé par la compétition entre différentes formes de nationalisme et la mondialisation ne peut rien y changer.

Au contraire, grâce à la mondialisation, les médias (radio, télévision, Internet, etc.) sont utilisés pour véhiculer cette propagande ou culture officielle que certains appellent « soft power ». D’un autre côté, les pays qui se privent du droit d’entretenir le sentiment d’appartenance de leurs citoyens à une nation
« unie et indivisible » seront toujours des proies faciles. Par exemple, face à la menace terroriste, rebâtir la nation sur des fondements plus solides est la meilleure des stratégies.

Dans la propagande, les symboles sont très importants et le retour des trésors de Béhanzin doit être cette occasion pour commencer à restaurer dans la mémoire collective ceux qui se sont battus pour la liberté et la fierté du peuple béninois.

Par Alfred Cossi CHODATON (WhatsApp : 95401064), Le Libre Penseur, publié le jeudi 11 novembre 2021, à 20 heures