Opinion : Le Bénin utilise-t-il des drones pour lutter contre les groupes armés ?

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Le Bénin utilise -t-il des drones pour lutter contre les groupes armés ? La réponse est oui. Depuis la première attaque survenue en 2019, le Bénin n’a cessé de muscler sa posture défensive contre les Groupes armés terroristes, même s’il faut ajouter qu’au regard de la menace qui vise clairement la déstructuration des États post-1960, cela reste modeste.

Sinon, entre 2019 et 2025, le budget béninois de la défense a quand même augmenté de 196 %. Il est passé d’environ 68 millions de dollars (39 milliards de francs CFA) en 2019 à 204,5 millions de dollars (118 milliards de francs CFA) en 2025.

Cette hausse vertigineuse s’explique par le fait que le pays disposait d’une armée de temps de paix, et donc qu’il fallait la doter en armement tout en l’orientant vers la guerre de contre-insurrection, alors que les formations des soldats étaient autrefois plus portées vers les conflits conventionnels.

À ce titre, comme le démontre la nouvelle réalité des guerres du XXIᵉ siècle, le drone occupe une place centrale. Ce nouvel outil se décline en plusieurs types : les drones tactiques, les drones MALE, les drones HALE, etc.

Le drone tactique, dont la portée est d’au plus 50 km (exceptionnellement au-delà) et l’altitude d’environ 1500 m, en fait un outil privilégié du champ de bataille. Il permet la surveillance rapprochée, la reconnaissance tactique et surtout, il peut porter une charge utile ou encore servir de munition rôdeuse comme l’ont démontré les guerres des Quatre Jours au Nagorno-Karabakh (utilisation du Harpy 2 israélien par l’armée azerbaïdjanaise) et surtout d’Ukraine.

Dans cette catégorie, le Bénin dispose, pour ce qui est documenté, des DJI Matrice 30, des PMR 50 (don de la Chine) et des DT-46. Les premiers ont une autonomie de plus d’une trentaine de minutes, une altitude maximale de 7000 m et peuvent opérer entre 8 et 15 km à la ronde. Utilisés pour la reconnaissance tactique, ils intègrent des caméras grand angle, zoom et thermiques (M30T) avec un télémètre laser. Pour les deuxièmes, ils disposent pratiquement des mêmes caractéristiques que les premiers, à la différence qu’ils peuvent porter une ogive à charge creuse de lance-roquettes ou une grenade.

Un drone DT-46 Ph: Emmanuel Bidet, Armée de Terre / défense.

Si les deux premiers drones sont chinois, les DT-46, d’une portée de 80 km, sont français. Le Bénin en a commandé 6, pour ce qui est documenté, et en est sans aucun doute son premier client à l’export. Contrairement aux deux autres, les DT-46 sont plus avancés (norme OTAN : STANAG 4609). Leur endurance est comprise entre 3h30 en mode VTOL (décollage et atterrissage vertical) et 7h30 en mode avion (voilure fixe). Les DT-46 offrent des capacités pour la surveillance, la reconnaissance et l’acquisition de cibles. Cette dernière mérite attention, puisque ces drones intègrent la liaison des données tactiques (LDT) et sont à cet effet connectés au système Atlas (Automatisation des tirs et liaisons de l’artillerie sol/sol).

Même s’ils étaient bridés, les DT-46 sont des atouts maîtres, en l’occurrence pour le Bataillon d’artillerie mixte béninois qui opère des mortiers de 120 mm, de 105 mm et de 122 mm. En effet, rien n’a rendu l’usage de l’artillerie aussi efficace que les drones capables d’acquisition de cibles.

Cela dit, il faut noter que, contrairement à un grand nombre de pays africains — ceux de la sous-région surtout —, le Bénin n’a pas de drone MALE.

Le drone MALE (moyenne altitude et longue endurance) est un drone de portée moyenne (de la centaine à plusieurs milliers de kilomètres), et dont le plafond en termes d’altitude est compris entre 3000 et 9000 m. Il est destiné à la surveillance prolongée et aux frappes ciblées. En Afrique de l’Ouest, les drones MALE les plus utilisés sont les TB2 et les Akinci turcs. Mais sur le continent, on rencontre également les drones chinois Wing Loong et CH-4 Rainbow. Ces derniers sont utilisés par des pays comme l’Algérie, l’Égypte, le Nigeria, le Congo RD, etc.

Le producteur continental de drones MALE le plus avancé est l’Afrique du Sud avec son Milkor 380, qui ne manque pas de sérieux atouts (Autonomie : entre 2000 et 4000 km ; Endurance : 30 h ; Charge utile : 220 kg).

Pour compenser l’absence de cet outil stratégique qu’est le drone MALE — non pas que le Bénin ait peut-être renoncé définitivement aux drones turcs ou chinois, par exemple —, l’armée béninoise va faire usage d’avions légers équipés de dispositifs pour la surveillance et la reconnaissance. Il s’agit de Cessna 208 B et d’ULM Tetras. Cette flotte est complétée par des autogires et deux hélicoptères H125M. Les hélicoptères servent autant dans le transport des personnes, la logistique pour le théâtre des opérations que la reconnaissance.

Enfin, le Bénin avait entrepris des démarches auprès de l’entreprise française A-NSE pour obtenir des ballons dont la permanence en altitude permet une observation de très longue durée. Ce type d’outil a déjà été déployé au Mali, par exemple, au profit de la Minusma en 2016 pour sa gamme T-C350 ou encore en Côte d’Ivoire pour sa gamme tactique T-C60 L. Pour ce qui est de son achat ou de son déploiement, la prudence est de mise.

Les efforts sont donc toujours en cours pour doter l’armée nationale davantage, mais il est important de rappeler que les questions de défense sont intimement liées à la géopolitique. Des eaux troubles dans lesquelles il faut savoir naviguer. Et dans cet environnement, le Bénin, qui a connu quelques déconvenues — notamment dans le cas de la crise nigérienne —, excelle désormais par ses initiatives diplomatiques tous azimuts. Initiatives qui ne manquent pas de porter leurs fruits, et la dernière en date est l’élection de Sidi Ould Tah à la tête de la BAD.

Mais pour revenir aux drones, l’environnement opérationnel militaire évolue — ou, pour être plus précis, la dronisation du champ de bataille évolue à une vitesse folle — et bénéficie surtout du Retex de la guerre en Ukraine. Celle-ci a permis à la fois un bond technologique, mais aussi de comprendre que les drones peuvent être utilisés dans tous les spectres du champ de bataille.

D’ailleurs, pour le Bénin, qui fait face à une insurrection djihadiste, il faut alerter que le premier usage documenté d’essaims de drones artisanaux date du 6 janvier 2018 contre la base aérienne russe de Hmeimim en Syrie. Cela voudra dire qu’au-delà de prendre en compte la nécessité d’intégrer des drones aux différentes armes des FAB, du Génie du Train aux unités spécialisées de la Transmission en passant par les unités d’infanterie, il faut également anticiper des contre-mesures. Ces dernières vont des systèmes de brouillage aux chevrotines.

En effet, le nouvel environnement sécuritaire régional et la diffusion des drones ainsi que la multiplication des procédés de leur usage pour nuire à la sécurité nécessitent une réponse musclée et beaucoup d’anticipation. Cette réponse réside dans un accroissement capacitaire des FAB, une formation militaire et idéologique, et une plus forte implication des populations.

Codjo, Codjo Orisha, Analyste OSINT : Géopolitique et Défense, Cabinet Interglobe Conseils

Les drones ne sont donc plus seulement aériens : ils sont terrestres pour délivrer le feu, déminer, servir de support logistique, d’évacuation sanitaire. Les drones sont navals et sous-marins. Ils peuvent être aussi petits qu’un criquet, cas du Black Hornet, un nanodrone. Et parfois, le drone peut servir de répéteur de télécommunications.

Le drone, dans son usage, protège la vie du soldat et, dans un rapport qualité-prix, peut se révéler encore plus rentable que les aéronefs classiques. Le Bayraktar TB2 turc tourne autour de 5 millions de dollars, le Shahed 136 iranien, environ 20 000 dollars, le Wing Loong II, 1 million de dollars, ou cet analogue chinois du Black Hornet américain (Hummingbird 17cm de long pour 35 grammes) cité plus haut qui ne coûte que 130 dollars. Le Hummingbird dont la portée radio est d’environ 2km peut opérer au sein d’un binôme, d’une escouade, d’une section ou même d’un peloton de reconnaissance. C’est pour dire donc que le drone peut être intégré à toutes les composantes de l’armée.

La formation militaire et idéologique est d’autant plus importante que l’insurrection djihadiste, si elle prospère sur des défaillances structurelles que nos États traînent depuis les indépendances, a aussi des ramifications internationales. D’ailleurs, le néologisme de glocalisme, pour appréhender l’aspect local et global de la crise, n’est pas anodin.A ce titre, les ACM (Actions civilo-militaires) entreprises par l’Etat-major et qui bénéficient d’une communication sur les réseaux sociaux sont très encourageantes.

Encourager les initiatives locales en termes de fabrication de drones est très important. La guerre asymétrique est une guerre d’usure qui nécessite du matériel en abondance, quoique parfois rudimentaire, et rapidement délivrable aux unités combattantes.

Enfin, il serait bien de terminer cet article en rappelant d’une part, qu’encourager les initiatives locales en termes de fabrication de drones est très important. La guerre asymétrique est une guerre d’usure qui nécessite du matériel en abondance, quoique parfois rudimentaire, et rapidement délivrable aux unités combattantes. D’autres part, le récent recrutement de pilotes de drones pour les FAB est un bon départ, et peut être qu’une bonne partie de l’armée devrait s’initier à l’usage de cet outil, dont j’espère les FAB se doteront ou sont dotés de tous les types, tant il y a urgence.

De tout ceci dépend la conservation de nos États dans un environnement géopolitique cynique.

NB : L’armée est la grande muette, cet article porte ce qu’elle rend public et l’OSINT (Renseignement de Source Ouverte), est une méthode d’enquête utilisant des informations publiques, accessibles à tous, pour collecter des données.

(Une opinion libre de Codjo, Codjo Orisha : Analyste OSINT : Géopolitique et Défense, Cabinet Interglobe Conseils).

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