Europe : La Russie entend bien marquer les 12 mois de son «opération spéciale en Ukraine»

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Discours de Vladimir Poutine devant la Douma, ce mardi 21 février, retransmis par toutes les télévisions du pays, puis concert au mythique stade Loujniki mercredi 22 : le pouvoir a donc décidé de marquer les douze mois de ce qu’il appelle toujours une « opération spéciale en Ukraine ».  

Longtemps, les télévisions russes ont ostensiblement ignoré la durée de l’offensive russe en Ukraine. Changement de stratégie : le pouvoir a scénarisé et orchestré sa séquence sur les douze mois de l’envoi de soldats russes, avec, par exemple, la semaine dernière, des rencontres avec les parlementaires pour évoquer le discours de Vladimir Poutine ce mercredi.

Dimitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, déclarait ce dimanche 19 février : « L’opération spéciale affecte nos vies et affecte celles de tout le continent », confirmant également que Vladimir Poutine parlera ce mardi de l’offensive qu’il a lancée et de la situation internationale.

L’importance des symboles

En Russie, on s’attend à ce que des décisions soient prises très vite : les parlementaires ont été priés d’être disponibles pour légiférer. Mystère encore sur le contenu ce mercredi 22 février du concert au mythique stade Loujniki, et notamment sur la présence du président. Mais là aussi, le symbole ne laisse pas vraiment de place au doute sur la tonalité mobilisatrice : ce stade est celui où l’annexion de la Crimée avait été célébrée.

C’est aussi là qu’en mars dernier Vladimir Poutine avait déclaré : « Les Russes vont recracher la racaille et les traîtres comme un moucheron qui a atterri dans leur bouche ». Le président russe faisait là référence aux opposants à sa décision d’envoyer des soldats en Ukraine.

Cette semaine sera en Russie fériée du 22 au 26 et beaucoup d’événements autour de l’armée et de la patrie seront organisés partout dans le pays.

Mobiliser les esprits

Petit à petit, le pouvoir pousse donc les feux d’une mobilisation des esprits. Depuis la rentrée, toutes les écoles ont mis en place ce qu’on appelle ici « les conversations sur l’important », soit des cours sur l’histoire et le patriotisme. Le ministère de l’Éducation a d’ailleurs fait savoir ce dimanche qu’il est « en train d’élaborer » un format pour les parents d’élèves.

En février 2022, Vladimir Poutine avait déjà scénarisé la dernière marche avant le lancement de ce qu’il appelle toujours « l’opération spéciale en Ukraine », avec notamment le 21, ce conseil de sécurité filmé, et retransmis sur toutes les chaînes de télévision russe, comme une mise en scène vertigineuse et imposante de la verticale du pouvoir et d’un conflit imminent.

Dans une salle gigantesque où résonnent les paroles et les pas, sous des colonnes blanches de plusieurs mètres de hauteur, toute l’élite du pouvoir (Premier ministre, ministres des Affaires étrangères et de la Défense, chefs des services des renseignements intérieurs et extérieurs..) était assise sur de simples chaises à des mètres de distance du président russe derrière un bureau. Sujet du jour : doit-on ou non continuer les pourparlers diplomatiques, reconnaître ce qui était à l’époque les républiques dites auto-proclamées du Donbass ?

Climat de peur

Lançant les « échanges », Vladimir Poutine avait notamment déclaré : « Il n’y a aucune garantie sur rien, car les États-Unis sont connus pour balayer d’un revers de la main facilement tous les accords et documents qu’ils signent. Pourtant, au moins quelque chose devrait être mis sur papier et formulé comme un acte juridique international. Mais à ce stade, nous ne pouvons même pas nous entendre sur cette seule chose. Par conséquent, je voudrais suggérer que nous procédions comme suit : d’abord, je donnerai la parole à Sergueï Lavrov, qui est directement impliqué dans les tentatives de parvenir à un accord avec Washington et Bruxelles, et avec l’Otan, sur les garanties de sécurité. Ensuite, je voudrais que M. Kozak rende compte de ses conclusions concernant les pourparlers sur la mise en œuvre des accords de Minsk. Ensuite, chacun de vous pourra parler. »

Dans un climat de peur palpable, Vladimir Poutine avait interrogé un à un les participants. Une scène glaçante avait marqué : le chef des renseignements extérieurs qui s’était emmêlé dans sa réponse et s’était fait humilier par le chef de l’État devant toute la Russie.

Dans cette Russie abasourdie par l’accélération des événements, le 22 février, un chercheur, professeur de philosophie politique à l’école des sciences sociales et économiques de Moscou, était encore un des rares dont la conviction était faite. Grégory Yudin écrivait dans un article que le conflit était imminent et que rien, pas même des sanctions massives, n’empêcherait Vladimir Poutine d’envoyer ses soldats en Ukraine.

RFI