Chronique de Christhelle Alioza Houndonougbo : « La grandeur : ciment invisible des sociétés fortes »

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La grandeur ne se réserve pas aux seules pages de l’histoire. La grandeur, ce n’est pas accomplir de grandes choses aux yeux du monde. Qu’est ce qu’alors la grandeur? Christhelle Alioza Houndonougbo en parle dans sa chronique de la semaine.

« Chers ami.e.s

Il est des forces que l’on ne mesure ni au bruit qu’elles font ni à l’espace qu’elles occupent. La grandeur en fait partie. Discrète, presque invisible, elle n’en est pas moins essentielle. Elle ne se décrète pas. Elle s’incarne. Et là où elle se déploie, elle devient ciment. Ciment des cœurs, des liens humains, des communautés solides.

Ciment invisible, mais fondement indispensable des sociétés fortes.

Car ce n’est ni le prestige d’un titre, ni le fracas des acclamations qui fait la véritable grandeur d’un être. Ce n’est pas davantage l’écho flatteur de la renommée. C’est, au contraire, dans la discrétion des actes justes, dans l’élévation du caractère face à l’adversité, que la grandeur prend racine. La grandeur ne s’énonce pas. Elle se manifeste, souveraine, dans l’épreuve. Être grand, c’est choisir la noblesse de l’âme là où tout invite à la petitesse. C’est rester debout quand la vie voudrait nous courber. C’est tendre la main, même à ceux qui nous ont blessés. C’est se taire quand le silence est porteur de paix, et élever la voix lorsqu’elle peut sauver.

Des figures historiques, au gré des tempêtes politiques ou sociales, ont incarné avec majesté cette force tranquille qu’est la grandeur. Le président Mathieu Kérékou, durant les heures agitées de la révolution béninoise, fut la cible d’une contestation populaire violente. Lors d’une manifestation houleuse, une foule en colère lança des pierres dans sa direction. Il trouva refuge dans l’église Saint-Michel. Il aurait pu user de la force, réprimer dans le sang, faire taire les voix discordantes. Non, il ne l’a pas fait. Aux critiques des journalistes, sa réplique fut empreinte d’un étonnant détachement mêlé d’humanité «Laissez-les écrire, si cela peut leur permettre de manger. » Ce refus de la brutalité, ce choix du discernement dans la tourmente, témoigne d’une grandeur d’esprit rare. Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue présidente en Afrique, s’imposa dans un contexte post-conflit parmi les plus fragiles du continent. En privilégiant la réconciliation à la revanche, le rassemblement à la rancune, elle a donné au leadership féminin l’éclat de la dignité, de la sagesse et du courage. Une leçon d’élégance morale. Martin Luther King, figure intemporelle de la lutte pour les droits civiques, incarna l’amour dans un monde en proie à la haine. Menacé, insulté, agressé, il choisit inlassablement le verbe pacifique, la non-violence, la fraternité. Il nous a montré que la véritable grandeur, c’est d’aimer même lorsqu’on est haï.

Mais la grandeur ne se réserve pas aux seules pages de l’histoire. Elle se manifeste aussi, discrète mais éclatante, dans notre quotidien. Dans une rue, une famille, un lieu de travail ou un cercle d’amis… Celui qui refuse les bassesses, qui choisit la cohésion plutôt que la division, qui garde sa droiture même dans l’adversité, celui-là est véritablement grand. Et sa noblesse intérieure devient semence d’unité et de paix autour de lui.

Car oui, la grandeur est un facteur de cohésion sociale. Là où l’orgueil dégrade les rapports humains, la grandeur réconcilie. Là où les rancunes consument, elle apaise. Là où les égos dressent des murs, elle bâtit des ponts. Dans une société fragmentée par les conflits d’intérêts, les clivages politiques ou les tensions communautaires, la grandeur œuvre en silence à restaurer l’essentiel : l’unité.

Elle favorise l’entente, protège le vivre-ensemble, et devient ainsi un levier du développement harmonieux. Car aucun progrès durable n’est possible sans climat de paix, sans respect mutuel, sans vision commune. La grandeur fait de chaque geste un acte de construction collective. Elle désarme la haine, dissout l’arrogance, réveille la conscience. Elle est également source d’épanouissement personnel. Celui qui vit dans la grandeur cultive en lui une paix intérieure, une maturité émotionnelle, une force morale qui le rendent plus solide face aux tempêtes. Il n’a plus besoin d’écraser pour exister. Il avance sans trahir. Il s’élève sans dominer. Et c’est dans cette hauteur d’âme qu’il trouve sa joie, son équilibre, sa lumière.

La grandeur, c’est savoir écouter quand on pourrait imposer. C’est savoir s’effacer quand on pourrait s’exhiber. C’est bâtir quand d’autres s’acharnent à détruire. La grandeur ne se proclame pas. Elle se constate dans les traces qu’elle laisse : des cœurs apaisés, des esprits éclairés, des communautés réconciliées. Être grand, ce n’est pas fasciner par l’éclat, c’est éclairer par la profondeur. Ce n’est pas impressionner, c’est inspirer. Elle s’exprime dans ces gestes simples mais puissants :

Refuser la provocation et préférer le silence.

Féliciter avec sincérité plutôt que jalouser en silence, prendre la défense d’un absent que l’on calomnie, s’effacer humblement pour laisser éclore une autre lumière.

Dans une société en quête de repères, la grandeur devient une boussole. Elle éclaire les chemins de la sagesse, oriente les pas vers le pardon, le respect, la solidarité. Elle transforme les conflits en occasions de dialogue, les blessures en leçons d’humanité, et les différences en richesses à partager.

La grandeur, ce n’est pas accomplir de grandes choses aux yeux du monde, C’est faire chaque chose avec une grande âme. Et si cette semaine, ta plus grande victoire ne se mesurait pas à ce que tu possèdes, mais à la manière dont tu fais face aux défis ? À la qualité de ton regard sur l’autre ? À la hauteur morale de tes réactions ? À l’intention sincère de tes décisions ?

Excellente semaine à toi. Que ton attitude inspire. Que ta présence rassemble. Que tes choix élèvent.

Et que ta grandeur, silencieuse mais profonde, soit semence d’un monde meilleur ».

CHA. 

Femme Noire, Femme de Pouvoir!