La Cour rejette les requêtes des magistrats

Politique

DECISION EP 16-021 DU 01 MARS 2016
La Cour constitutionnelle,
VU la loi n° 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU la loi n° 2001-021 du 21 février 2003 portant charte des partis politiques en République du Bénin ;
VU la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin ;
VU le décret n° 2014-118 du 17 février 2014 portant attributions, organisation et fonctionnement du secrétariat général de la Cour constitutionnelle ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
VU le décret n° 2015-248 du 06 mai 2015 portant convocation du corps électoral pour l’élection du président de la République ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Monsieur Zimé Yérima KORA-YAROU et
Maître Simplice Comlan DATO en leur rapport ;
Après en avoir délibéré,
Considérant que par les requêtes des :

– 23 février 2016 enregistrées au secrétariat général de la Cour à la même date sous les numéros 0404/022/EP et 0407/023/EP ;

– 23 février 2016 enregistrées au secrétariat général de la

Cour le 24 février 2016 sous les numéros 0414/025/EP, 0426/033/EP et 0429/034/EP ;

– 24 février 2016 enregistrées au secrétariat général de la Cour à la même date sous les numéros 0413/024/EP, 0415/026/EP, 0416/027/EP, 0421/028/EP, 0422/029/EP, 0423/030/EP, 0424/031/EP, 0425/032/EP, 0430/035/EP, 0431/036/EP, 0432/037/EP, 0433/038/EP, 0434/039/EP et 0435/040/EP ;
– 24 février 2016 enregistrées au secrétariat général de la Cour le 25 février 2016 sous les numéros 0436/041/EP, 0441/043/EP, 0442/044/EP, 0444/045/EP et 0447/046/EP ;
– 24 février 2016 enregistrée au secrétariat général de la Cour le 26 février 2016 sous le numéro 0458/047/EP ;
– 25 février 2016 enregistrée au secrétariat général de la Cour à la même date sous le numéro 0438/042/EP ;
– 26 février 2016 enregistrée au secrétariat général de la Cour le 29 février 2016 sous le numéro 0462/048/EP ;
Messieurs Henri FADONOUGBO, Florent R. GNANSOMON, Codjo Raymond GODEMIN, Yélinest Yémali AHOUEYA et Médard H. S. GANDONOU, tous magistrats, Monsieur Jean-Baptiste ELIAS, président du front des organisations nationales de lutte contre la corruption, Madame Mathurine Cica LISSANOU, greffier en chef du tribunal d’Allada, Messieurs Hervé ADOUKONOU, greffier en service au tribunal de première Instance de Cotonou, Jacques HOUEGBE, greffier en service au tribunal de première Instance de Cotonou, Placide GANMAVO, officier de justice à la retraite, Hilaire BIO, greffier en service au tribunal de première Instance de deuxième classe de Lokossa, Louis Kouamé HOUNGBO, greffier en service au tribunal de première Instance de deuxième classe d’Abomey-Calavi, Ayikoué Alain KAKPO, greffier en service à la cour d’Appel de Cotonou, Olouwa-Togni M.

Bernardin BADOU, chef du service informatique du tribunal d’Allada, Corneille Gilles Hugues D. AFFOUKOU, agissant pour le compte du Syndicat national des travailleuses et travailleurs des services judiciaires et assimilés du Bénin (SYNTRAJAB), Joselyn SEKOU, greffier en service au tribunal de première Instance de Cotonou, Calixte A. DOSSOU-KOKO, greffier en service à la Cour suprême, Maître Salomon Kadoke ABOU, avocat, Messieurs Etienne AHONAHIN, Ahamadou AMADOU, Dramane ALASSANE, Madame Eulalie SAMBENI épouse AGOSSADOU, Messieurs Victorien DOSSOUMOU, Charles Tchoropa TAMPEGOU, Clément Akouègnon DASSI, Mesdames Gbadamassi Sidikatou SOUMANOU, Colette Oladogni OREKAN, Zoubérou BIO MOUROU, Monsieur Eric Biowa HOUNNON, Madame Léa Rosine AHONDOKPE, Messieurs Sèwlan Gustave BADE, Amidou YEKINI, Madame Prisque Fidélia LAINE, tous greffiers en service au tribunal de première Instance de première classe de Porto-Novo, Monsieur Bienvenu Kouessi ANAGONOU, magistrat, Maître Cyrille Y. DJIKUI, bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin, Messieurs Serge Roberto PRINCE AGBODJAN, Djimidou IDRISSOU, Jean-Marie DADO TOSSOU, greffiers au tribunal de Parakou, Messieurs Armand HODONOU, juriste, Raymond KOUHICO, ex greffier en chef du tribunal de première Instance de Porto-Novo…, Victorin FANDREBO, greffier au tribunal de première Instance de Ouidah et Madame Floriane DAGNIHO contestent les décisions n°024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP et n°025/CENA/PT/VP/CB/ SEP/SP du 22 février 2016 de la Commission électorale nationale autonome (CENA) portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissement pour l’élection présidentielle de 2016 en République du Bénin et sollicitent, pour certains d’entre eux, le sursis à exécution desdites décisions ;

CONTENU DES RECOURS
Considérant que Messieurs Henri FADONOUGBO, R. Florent GNANSOMON et consorts exposent : « … Par la décision n°025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissement pour les consultations électorales de 2016 en République du Bénin, la Commission électorale nationale autonome (CENA) a rendu publics les noms des cinq cent quarante-six (546) coordonnateurs d’arrondissement. Cette décision viole les

dispositions de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin.
En effet, l’article 28 de ladite loi dispose : ‘’Dans chaque arrondissement, pour chaque échéance électorale, l’organisation et la gestion des élections sont assurées par la Commission électorale nationale autonome (CENA) qui désigne un coordonnateur par arrondissement sur toute l’étendue du territoire national.
Le coordonnateur d’arrondissement est chargé de superviser toutes les actions relatives à l’organisation et au déroulement du vote.
Le coordonnateur est désigné prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau, les greffiers en chef titulaires de maîtrise en droit ayant au moins cinq (05) années d’exercice, les greffiers en chef ayant vingt (20) années de pratique professionnelle, les greffiers ayant le niveau de maîtrise en droit (baccalauréat + 4 ans d’études supérieures) ayant au moins sept (07) ans d’exercice et les greffiers ayant plus de vingt (20) années d’exercice.
A défaut de magistrat, d’avocat ou de greffier, le coordonnateur d’arrondissement peut être désigné parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite.
A défaut d’administrateur civil, le coordonnateur peut être désigné parmi les cadres de la catégorie A ou équivalent en fonction ou à la retraite.
Les coordonnateurs d’arrondissement sont nommés par la Commission électorale nationale autonome (CENA) et devront rejoindre l’arrondissement dont ils ont la charge sept (07) jours avant le jour du scrutin.
Leur mission prendra fin sept (07) jours après le scrutin.’’» ;
Considérant qu’ils développent : « Suivant la lettre … du 24 décembre 2015 adressée à Madame le Garde des Sceaux, dont l’UNAMAB a reçu ampliation, le président de la CENA a sollicité la liste des magistrats qui désirent officier en qualité de coordonnateurs d’arrondissement pour le compte de l’élection présidentielle de 2016.
En réponse à cette correspondance, Madame le Garde des Sceaux a envoyé au président de la CENA une liste comportant deux cent vingt-deux (222) magistrats-candidats.

Suivant la décision n°025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissement pour les consultations électorales de 2016, le président de la CENA a publié la liste des coordonnateurs d’arrondissement dans le cadre du scrutin présidentiel de 2016.
Alors que l’alinéa 3 de l’article 28 du code électoral dispose que ‘’ Le coordonnateur est désigné prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite’’, la CENA, comme en 2015, a écarté pour des raisons inavouées certains magistrats-candidats aux fonctions de coordonnateurs d’arrondissement au profit de partisans sans le profil requis.
Par ailleurs, il est aisé de relever que la décision n°025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 n’est pas paraphée par la vice-présidente de la CENA. Une telle irrégularité laisse entrevoir le défaut de consensus du bureau de la CENA dans la confection de la liste des coordonnateurs d’arrondissement. Nonobstant cette violation du code électoral et l’absence de consensus au sein du bureau de la CENA, cette institution se prépare à lancer la formation des coordonnateurs d’arrondissement.
Pour éviter que ces manquements à la loi n’entachent le processus électoral, il urge que la haute juridiction ordonne, en avant dire droit, le sursis à exécution de cette décision dont la mise en oeuvre serait préjudiciable aux magistrats, candidats, victimes d’un abus de pouvoir par les membres de la CENA » ; qu’ils demandent à la Cour de :
« – ordonner en avant dire droit le sursis à exécution de la décision querellée avant de la … déclarer contraire aux articles 28 du code électoral et 35 de la Constitution ;

– ordonner en conséquence à la CENA de rétablir dans leurs droits tous les magistrats, candidats au poste de coordonnateur d’arrondissement pour le compte de l’élection présidentielle de 2016 » ;

Considérant qu’en outre, le secrétaire général du syndicat national des travailleuses et travailleurs des services judiciaires et assimilés du Bénin, Monsieur Corneille Gilles Hugues D. AFFOUKOU, ajoute : « … Avant la prise de la décision

n°024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016, la Commission électorale nationale autonome (CENA) a, par le communiqué de presse n°031/CENA/PT/VP/CB/CT3/SEP/D-COM/SRAE…, invité les coordonnateurs d’arrondissement ayant pris part aux élections de 2015 à confirmer par écrit, à son siège, leur disponibilité pour le scrutin de 2016. Elle a également saisi, par la lettre n°867/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 24 décembre 2015…, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de la Législation et des droits de l’Homme, aux fins pour celui-ci de lui transmettre la liste des magistrats et greffiers disponibles pour servir en qualité de coordonnateur d’arrondissement pour les consultations électorales de 2016.
Le Garde des Sceaux à son tour, a saisi par la lettre n°2570/MJLDH/DC/SGM/DRH/SGSC/SA du 31 décembre 2015…, les partenaires sociaux dont le SYNTRAJAB aux fins de lui produire la liste de leurs militants désireux de participer à l’élection présidentielle de 2016 » ; qu’il poursuit : « En réponse à cette correspondance du Garde des Sceaux, le SYNTRAJAB a transmis, par les courriers n°001/SYNTRAJAB-SG du 04 janvier 2016… et n° 002/SYNTRAJAB/BDN-SG du 05 janvier 2016…, la liste des greffiers désireux de participer à l’élection présidentielle de 2016, tout en faisant ampliation à la CENA. Dès que le Garde des Sceaux a obtenu la liste de tous les partenaires sociaux, il l’a transmise à la CENA.
C’est donc après toutes ces démarches que la CENA a pris la décision n° 024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016. Mais, cette décision viole les dispositions de l’article 28 de la loi n°2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin … » ; qu’il fait remarquer : « L’analyse de cette décision révèle qu’elle n’a pas respecté la priorité que le législateur a établie. Selon l’esprit de l’article 28 du code électoral, c’est lorsque l’effectif des acteurs de la justice (magistrats, avocats, greffiers en chef et greffiers) ne permettrait pas de couvrir les 546 arrondissements qu’il faut faire recours aux administrateurs civils et c’est quand l’effectif de ceux-ci ne permettrait pas également de couvrir tous les arrondissements qu’il pourra être fait recours à tout autre cadre de la catégorie A ou équivalent. Mais, il ressort de la décision incriminée que la priorité établie par le législateur a été purement et simplement renversée. Ceci s’explique par le fait que sur les 546 coordonnateurs désignés, environ deux cent quarante (240) seulement sont des acteurs de la justice (magistrats, greffiers et
avocats) alors que l’Union nationale des magistrats du Bénin (UNAMAB) a transmis à la CENA un effectif de deux cent vingt-deux (222) magistrats et le SYNTRAJAB deux cent trois (203) greffiers. Avec ces effectifs, on se rend compte que quatre cent vingt-cinq (425) acteurs de la justice devraient être positionnés avant qu’il ne soit fait recours aux coordonnateurs non judiciaires. Aussi, faut-il indiquer qu’à travers cette décision, les greffiers qui ont été coordonnateurs d’arrondissement pour les élections précédentes et qui ont accompli avec doigté et professionnalisme leur mission et qui du reste ont confirmé leur disponibilité pour les élections actuelles ont été purement et simplement débarqués, puis remplacés par des personnes qui remplissent à peine les conditions requises par la loi et qui n’ont aucune expérience en cette matière. Alors que le bon sens aurait voulu qu’il soit tenu compte de l’expérience de ceux-là et la capitaliser » ; qu’il demande à la Cour d’annuler la décision querellée et d’ordonner à la CENA la reprise de la désignation des coordonnateurs d’arrondissement « tout en respectant strictement la priorité établie par les dispositions de l’article 28 du code électoral » ;
Considérant que pour sa part, le bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin, Maître Cyrille Y. DJIKUI, expose : « J’ai l’honneur de vous saisir du présent recours conformément aux dispositions des articles 117 alinéa 2 de la Constitution, 115 et 124 du code électoral, contre la décision n° 025/CENA/PT/VP/
CB/SEP/SP du 22 février 2016.
Par la lettre n°871/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 28 décembre 2015, le président de la Commission électorale nationale autonome (CENA) a sollicité la liste des avocats disposés à prendre part aux consultations électorales en qualité de coordonnateurs d’arrondissement conformément aux dispositions de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin….
En effet, aux termes de l’article 28 de ladite loi : ‘’Dans chaque arrondissement, pour chaque échéance électorale, l’organisation et la gestion des élections sont assurées par la Commission électorale nationale autonome (CENA) qui désigne un coordonnateur par arrondissement sur toute l’étendue du territoire national.

Le coordonnateur d’arrondissement est chargé de superviser toutes les actions relatives à l’organisation et au déroulement du vote. Le coordonnateur est désigné prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau, les greffiers en chef titulaires de maîtrise en droit ayant au moins cinq (05) années d’exercice, les greffiers en chef ayant vingt (20) années de pratique professionnelle, les greffiers ayant le niveau de maîtrise en droit (baccalauréat + 4 ans d’études supérieures) et ayant au moins sept (07) ans d’exercice et les greffiers ayant plus de vingt (20) années d’exercice.
A défaut de magistrat, d’avocat ou de greffier, le coordonnateur d’arrondissement peut être désigné parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite.
A défaut d’administrateur civil, le coordonnateur peut être désigné parmi les cadres de la catégorie A ou équivalent en fonction ou à la retraite.
Les coordonnateurs d’arrondissement sont nommés par la Commission électorale nationale autonome (CENA) et devront rejoindre l’arrondissement dont ils ont la charge sept (07) jours avant le jour du scrutin.
Leur mission prendra fin sept (07) jours après le scrutin’’.
Il en ressort ainsi que les avocats ont concurremment avec les magistrats et les greffiers remplissant les conditions prévues par la loi, priorité pour être désignés en qualité de coordonnateur d’arrondissement. Ce n’est qu’à défaut de postulants suffisants ayant ces qualités, qu’il est possible d’envisager la désignation des administrateurs civils en fonction ou à la retraite et à défaut de ceux-ci, les cadres de la catégorie A ou équivalent en fonction ou à la retraite » ; qu’il affirme : « En l’espèce, par la correspondance n° 1048/COACYD/15/MP du 30 décembre 2015 j’ai transmis au président de la CENA en qualité de Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Bénin, une liste de trente-deux (32) avocats, volontaires pour cette mission. Cependant et contre toute attente, la décision n° 025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 n’a désigné qu’une dizaine d’avocats. Parallèlement, la liste comporte désignation d’administrateurs civils, de cadres et représentants de partis ou de candidats. En agissant ainsi, la CENA a violé les prescriptions péremptoires du code électoral citées ci-dessus » ; qu’il sollicite de la Cour, l’annulation de la décision n° 025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 ;

Considérant que Madame Mathurine Cica LISSANOU, Messieurs Jean-Baptiste ELIAS, Hervé ADOUKONOU, Jacques HOUEGBE, GANMAVO Placide, Hilaire BIO, Louis Kouamé HOUNGBO, Ayikoué Alain KAKPO, Olouwa-Togni M. Bernardin BADOU, Joselyn SEKOU, Calixte A. DOSSOU-KOKO, Maître Salomon Kadoke ABOU, Messieurs Etienne AHONAHIN, Ahamadou AMADOU, Dramane ALASSANE, Madame Eulalie SAMBENI épouse AGOSSADOU, Messieurs Victorien DOSSOUMOU, Charles Tchoropa TAMPEGOU, Clément Akouègnon DASSI, Mesdames Gbadamassi Sidikatou SOUMANOU, Colette Oladogni OREKAN, Zoubérou BIO MOUROU, Monsieur Eric Biowa HOUNNON, Madame Léa Rosine AHONDOKPE, Messieurs Sèwlan Gustave BADE, Amidou YEKINI, Madame Prisque Fidélia LAINE, Messieurs Bienvenu Kouessi ANAGONOU, Serge Roberto PRINCE AGBODJAN, Djimidou IDRISSOU, Jean-Marie DADO TOSSOU, Armand HODONOU, Raymond KOUHICO, Victorin FANDREBO et Madame Floriane DAGNIHO reprennent les mêmes griefs, développent les mêmes moyens et formulent les mêmes demandes ;
Considérant qu’ils joignent à leur requête diverses pièces ;

INSTRUCTION DES RECOURS
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction diligentée par la Cour, le président de la Commission électorale nationale autonome (CENA), Monsieur Emmanuel TIANDO, écrit : « La CENA en tant qu’institution est une autorité administrative indépendante qui dispose d’une réelle autonomie par rapport aux institutions de la République … et par rapport à toute autre organisation, qu’elle soit syndicale, politique et associative.
En tant que telle, l’article 28 alinéa 1er du code électoral lui reconnaît le pouvoir discrétionnaire de désignation et de nomination des coordonnateurs d’arrondissement sur toute l’étendue du territoire national.
La même disposition de l’article 28 du code électoral encadre ainsi qu’il suit la nomination du coordonnateur d’arrondissement chargé de superviser toutes les actions relatives à l’organisation et au déroulement du vote dans son arrondissement : ‘’ Le coordonnateur d’arrondissement est désigné prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau, les greffiers en chef titulaires de

maîtrise en droit ayant au moins cinq (05) années d’exercice, les greffiers en chef ayant vingt (20) années de pratique professionnelle, les greffiers ayant le niveau de maîtrise en droit (baccalauréat + quatre (04) ans d’études supérieures) ayant au moins sept ans d’exercice et les greffiers ayant plus de vingt (20) années d’exercice.
A défaut de magistrat, d’avocat ou de greffier, le coordonnateur d’arrondissement peut être désigné parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite (…) ‘’. » ; qu’il indique : « De surcroît, le décret n° 2014-299 du 24 avril 2014 portant modalités de désignation du coordonnateur d’arrondissement dispose en son article 2 : ‘’ Le candidat au poste de coordonnateur d’arrondissement doit nécessairement produire les pièces suivantes :
– une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique ;
– une attestation de service ou une attestation d’inscription au
barreau ;
– une déclaration attestant sur l’honneur qu’il n’est pas candidat
à la fonction élective concernée.’’
Dans la perspective de se conformer à ces exigences légales et réglementaires, le Garde des Sceaux a adressé, par la correspondance du 11 janvier 2015, au président de la CENA, une liste de deux cent sept (207) magistrats dont trente (38) relèvent pour autant de la promotion de 2012/2014. Cette liste émane en réalité des organisations syndicales ci-après à toutes fins utiles :
– SYNTRAJAB
– UNOGEC
-UNAMAB
-etc.
Par ailleurs, tous les magistrats figurant sur cette liste présentée par le Garde des Sceaux sur proposition des organisations syndicales ci-dessus dénommées ont tous choisi les arrondissements dans lesquels ils souhaitent officier à telle enseigne que la CENA n’a plus qu’à les positionner dans lesdits arrondissements faisant ainsi toute abstraction de son pouvoir de nomination discrétionnaire. » ;
Considérant qu’il poursuit : « Du reste, le SYNTRAJAB a présenté une liste de cent quatre-vingt-six (186) greffiers en

activité sans d’autres formes de précision tant sur les profils que les anciennetés exigés par le code électoral, à savoir : les greffiers en chef titulaires de maîtrise en droit avec au moins cinq (05) années d’exercice, les greffiers ayant le niveau de maîtrise en droit (baccalauréat + quatre (04) années d’études supérieures) avec sept ans d’exercice et les greffiers ayant plus de vingt (20) années d’exercice.
L’article 28 précise en outre que les coordonnateurs d’arrondissement devront rejoindre l’arrondissement dont ils ont la charge sept (07) jours avant le jour du scrutin et y rester sept (07) jours après le jour du scrutin de façon consécutive toutes les fois. Cette obligation de présence de quinze (15) jours consécutifs sur le territoire de l’arrondissement de leur mission de coordination des activités électorales et de démembrement de la CENA impose forcément un aménagement de leur temps de travail à travers une autorisation d’absence dans leur juridiction respective.
Paradoxalement, la liste des magistrats et des greffiers telle que proposée par les organisations syndicales et reçue par la CENA est le seul document dont dispose la CENA sans aucun autre document justificatif d’une autorisation d’absence tant des magistrats que des greffiers conformément à l’article 2 du décret n° 2014-299 du 24 avril 2014 ci-dessus cité.
De plus, et à toutes fins utiles, le vocable ‘’ prioritairement’’ contenu dans l’article 28 du code électoral n’accorde pas l’exclusivité à une seule catégorie de professionnel du droit, fût-elle, la corporation des magistrats. En effet, le législateur, en légiférant comme il l’a fait à travers cet article 28 du code électoral, a plutôt défini dans un ensemble globalisant des catégories différentes de corps de professionnels praticiens du droit, à savoir, les magistrats, les avocats, les greffiers, sans pour autant les hiérarchiser les unes sur les autres, mais plutôt en leur accordant tous la priorité sans aucune exclusive entre elles. » ; qu’il conclut : « Enfin, la nomination par la CENA des coordonnateurs d’arrondissement pour l’élection du président de la République a pris également en compte, dans une large mesure, les résultats d’une évaluation organisée par l’institution sur les performances des précédentes missions effectuées par les coordonnateurs d’arrondissement lors des élections législatives et municipales ou communales de 2015 » ;

ANALYSE DES RECOURS
Considérant que les vingt-sept recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins ; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;
Considérant que les articles 49 alinéa 1er, 114, 117, 2ème tiret et 124 de la Constitution disposent respectivement :
Article 49 alinéa 1er : « La Cour constitutionnelle veille à la régularité du scrutin et en constate les résultats… » ;
Article 114 : « La Cour constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle. Elle est juge de la constitutionnalité de la loi et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » ;
Article 117, 2ème tiret : « La Cour constitutionnelle veille à la régularité de l’élection du Président de la République ;
examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même relever et proclame les résultats du scrutin » ;
Article 124 : « Les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours.
Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles » ; qu’en outre, les articles, 13, 28, 115 et 469 de la loi n° 2013-06 du 25 novembre 2013 portant code électoral en République du Bénin énoncent respectivement :
Article 13 : « Les élections sont gérées par une structure administrative permanente dénommée Commission électorale nationale autonome (CENA).
La Commission électorale nationale autonome (CENA) dispose d’une réelle autonomie par rapport aux institutions de la République (Exécutif, Assemblée Nationale, Cour Constitutionnelle, Cour suprême, Haute Cour de Justice, Conseil Economique et Social, Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication), sous réserve des dispositions des articles 33, 97 alinéa 2 et 1, 1er et 2ème tirets de la Constitution du 11 décembre 1990 et des articles 42, 52 et 54 de la loi n° 91- 009 du 04 mars 1991 portant
loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001.
Elle élabore et gère son budget de fonctionnement et le budget d’organisation des consultations électorales et référendaires dans le respect des règles en matière de budget et de comptabilité publique en vigueur.
Ces différents budgets sont intégrés au budget général de l’Etat » ;
Article 28 : « Dans chaque arrondissement, pour chaque échéance électorale, l’organisation et la gestion des élections sont assurées par la Commission électorale nationale autonome (CENA) qui désigne un coordonnateur par arrondissement sur toute l’étendue du territoire national.
Le coordonnateur d’arrondissement est chargé de superviser toutes les actions relatives à l’organisation et au déroulement du vote.
Le coordonnateur est désigné prioritairement parmi les magistrats encore en exercice ou à la retraite, les avocats inscrits au barreau, les greffiers en chef titulaires de maîtrise en droit ayant au moins cinq (05) années d’exercice, les greffiers en chef ayant vingt (20) années de pratique professionnelle, les greffiers ayant le niveau de maîtrise en droit (baccalauréat + 4 ans d’études supérieures) ayant au moins sept (07) ans d’exercice et les greffiers ayant plus de vingt (20) années d’exercice.
A défaut de magistrat, d’avocat ou de greffier, le coordonnateur d’arrondissement peut être désigné parmi les administrateurs civils en fonction ou à la retraite.
A défaut d’administrateur civil, le coordonnateur peut être désigné parmi les cadres de la catégorie A ou équivalent en fonction ou à la retraite.
Les coordonnateurs d’arrondissement sont nommés par la Commission électorale nationale autonome (CENA) et devront rejoindre l’arrondissement dont ils ont la charge sept (07) jours avant le jour du scrutin.
Leur mission prendra fin sept (07) jours après le scrutin » ;
Article 115 : « Conformément aux dispositions de l’article 117 alinéa 2 de la Constitution, la Cour Constitutionnelle :
– veille à la régularité de l’élection du Président de la République ;
– examine les réclamations, statue sur les irrégularités qu’elle aurait pu, par elle-même relever et proclame les résultats du scrutin… » ;

Article 469 : « Des décrets pris en conseil des ministres déterminent en tant que de besoin, les modalités d’application du présent code » ; que par ailleurs, l’article 2 du décret n° 2014-299 du 24 avril 2014 portant modalités de désignation du coordonnateur d’arrondissement prescrit que « Le candidat au poste de coordonnateur d’arrondissement doit nécessairement produire les pièces suivantes :
– une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique ;
– une attestation de service ou une attestation d’inscription au barreau ;
– une déclaration attestant sur l’honneur qu’il n’est pas candidat à la fonction élective concernée.» ;
Considérant qu’il résulte de la lecture combinée et croisée de ces dispositions que la Cour est le seul organe garant de la régularité de l’élection du président de la République ; que la CENA en tant qu’autorité administrative indépendante dispose d’une réelle autonomie et d’un pouvoir discrétionnaire pour la nomination et le positionnement des coordonnateurs d’arrondissement, ceux-ci devant être désignés en priorité parmi les magistrats, greffiers, avocats à condition qu’ils soient disponibles et aptes à assumer sous l’autorité de la CENA la mission de coordination définie par le législateur, d’avoir une autorisation d’absence signée du supérieur hiérarchique, une attestation de service ou une attestation d’inscription au barreau et une déclaration attestant sur l’honneur qu’ils ne sont pas candidats à la fonction élective concernée ; que l’autorisation d’absence ainsi exigée constitue une pièce essentielle relativement à la désignation des coordonnateurs d’arrondissement parmi les magistrats en fonction ; que pour garantir la continuité du service public de la justice en période électorale le législateur a prévu également le recrutement des coordonnateurs d’arrondissement parmi les magistrats à la retraite ;
Considérant que les requérants demandent à la Cour l’annulation des décisions n°024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP et n°025/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 de la CENA portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissement et sollicitent pour certains d’entre eux, le sursis à exécution desdites décisions ;

Considérant que dans sa décision EP 16-019 du 11 février 2016, la Cour, en autorisant le report du 1er tour du scrutin de l’élection présidentielle du 28 février au 06 mars 2016, a rappelé que le président élu doit prêter serment le 06 avril 2016 ; que ce délai est impératif et conditionne les autres délais ; que l’annulation des décisions n°024/CENA/PT/VP/CB/SEP/SP et n°025/CENA/
PT/VP/CB/SEP/SP du 22 février 2016 de la CENA portant nomination et attributions des coordonnateurs d’arrondissement aura pour effet immédiat de reporter la date du scrutin et de renvoyer au-delà du 06 avril 2016 la date d’entrée en fonction du nouveau président élu en violation de l’article 124 précité de la Constitution ; qu’il suit de tout ce qui précède que les requêtes sous examen tendent, donc en réalité, au report du scrutin du 06 mars 2016 ; qu’un tel report constituerait une violation de la Constitution ; qu’en conséquence, il échet, pour la Cour, de rejeter la demande d’annulation sollicitée ;
Considérant qu’en outre, pour éviter tout blocage du processus électoral, et en sa qualité d’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, il échet, pour la Cour, d’ordonner toutes mesures utiles pour permettre à la CENA d’assumer pleinement et en toute indépendance son rôle d’organisateur et de gestionnaire de l’élection du président de la République ; qu’ainsi, il y a lieu de dire que la CENA devra, en cas de défaillance des coordonnateurs d’arrondissement, procéder sans délai à leur remplacement afin de garantir la tenue effective du scrutin présidentiel le 06 mars 2016 ; et sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen évoqué ;

DECIDE

Article 1er.- La demande d’annulation des requérants est rejetée.
Article 2.- La Commission électorale nationale autonome (CENA) doit, en cas de défaillance des coordonnateurs d’arrondissement, procéder à leur remplacement.
Article 3.- La présente décision sera notifiée à Monsieur Henri FADONOUGBO et consorts, à Monsieur le Président de la Commission électorale nationale autonome (CENA) et publiée au Journal officiel.

Ont siégé à Cotonou, le 1er mars deux mille seize,

Messieurs Théodore HOLO Président
Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice Comlan DATO Membre
Bernard Dossou DEGBOE Membre
Madame Marcelline C. GBEHA AFOUDA Membre

Les Rapporteurs,
Simplice Comlan DATO.
Zimé Yérima KORA-YAROU.-

Le Président
Professeur Théodore HOLO.-