Chanteuse devenue autrice : Jane Birkin n’est plus, la France entière rend hommage à une «artiste complète»

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Son timbre de voix et son accent britannique étaient reconnaissables entre mille. La plus anglaise des artistes françaises a rendu son dernier souffle à l’âge de 76 ans, ce dimanche 16 juillet, provoquant un émoi national et même au-delà, jusque dans le monde du théâtre. On le voit désormais pleinement, Jane Birkin avait tissé un lien tout à fait particulier avec le public.

Silhouette frêle, voix douce, accent british. Modeste par nature, Jane Birkin a longtemps cru que le théâtre n’était pas pour elle. Jusqu’à ce jour de 1985 où Patrice Chéreau lui propose de jouer Marivaux. Marie qui ?, dit-elle. Élevée en Angleterre, elle ne connaissait que Molière.

La peur au ventre, sa fragilité s’imposa. Le début d’une carrière avec des comédies, mais aussi Shakespeare ou Sophocle. Le début d’une passion également, Birkin devenant une spectatrice assidue des planches. D’où l’émotion du directeur du Festival d’Avignon.

« C’est une immense tristesse, confie Tiago Rodrigues à RFI, car Jane Birkin était une spectatrice du Festival d’Avignon, a participé aussi à des lectures, etc. Pour moi, en tant que nouvel arrivé, c’est savoir que je vais devoir appeler ma mère qui a perdu l’une de ses héroïnes. »

Jane Birkin et le théâtre, ce fut comme une révélation, l’histoire d’une chanteuse devenant autrice, avec sa propre pièce, Oh pardon, tu dormais, titre délicat pour évoquer la mort de sa fille. Le drame, et le charme.

Tristesse aussi du public, à la sortie du spectacle Gainsbourg Confidentiel, justement, à l’Arrache-Cœur. « Je ne l’ai pas vue au théâtre, mais elle représente l’intelligence, le charme, confie une spectatrice. Moi, je dirai que c’est une personne qui m’a beaucoup touchée par sa douceur et sa pudeur. »

Jane Birkin, « c’est la liberté, une époque de vie, notre jeunesse », renchérit une autre, toujours au micro de RFI, et plus précisément celui de notre envoyé spécial à Avignon, Pascal Paradou. « De la voir partir, pour moi, c’est un petit peu de nous-mêmes qui s’en va aussi. »

« À l’avant-garde »

C’est toute la France qui a réagi à la triste nouvelle de la mort de « Jane », ce dimanche. Ses albums, Sao Hion les a tous. Le dernier lui a été offert il y a trois ans par un ami sûr de lui faire ainsi plaisir. Cette habitante de Boulogne de 57 ans est bouleversée.

« Ça me touche, dit-elle au bord des larmes, interrogée par notre consœur Marine de la Moissonnière. Parce que c’est comme si elle était de la famille, en fait. Si on disait Jane, on savait que c’était elle. Oui, ça me fait vraiment de la peine. »

Enfant de Londres excessivement timide, épouse modèle et effacée du compositeur John Barry à 18 ans, Jane Birkin sort de l’ombre avec « Blow up », chronique grinçante du Swinging London de 1966, et aussi l’une des premières scènes de nu de l’histoire du cinéma britannique.

Jane Birkin devient ensuite indissociables de Serge Gainsbourg, pour les fans. Didier, Parisien de 53 ans, se souvient de la révolution qu’avait provoquée le couple : « Ils étaient complètement à l’avant-garde de ce qui se faisait à l’époque, un peu précurseurs et même hors norme. »

Leur couple était légendaire. Jane Birkin est partie vers les sommets avec le titre « Je t’aime moi non plus ». Un duo, torride et sensuel au possible, que Gainsbourg avait au départ enregistré avec Brigitte Bardot.

Leur rencontre remonte à 1968. D’abord, Serge Gainsbourg snobe cette petite Anglaise de 21 ans. Puis il ne la quitte plus. C’est elle qui le quitte, au bout de dix ans, pour le réalisateur Jacques Doillon, qui lui permet de se réinventer, tout comme Patrice Chéreau, côté théâtre.

« Icône française »

Jean, 75 ans, rit encore en se remémorant l’émoi qu’avait provoqué la chanson « 69 année érotique ». Mais pour lui, il ne faut pas résumer Birkin au duo qu’elle a formé avec le grand Serge. « Elle était intéressante en elle-même », insiste-t-il.

« Elle a joué des rôles intéressants, rappelle-t-il. Au début, c’était presque la bimbo, mais après, elle est devenue une véritable actrice. Et c’est une chanteuse qui avait du charme. Ce n’était pas une grande chanteuse, absolument pas ; ça correspondait à une époque, c’était le moment, c’était charmant. Avec un petit peu de provoc’ par-dessus le marché. Pour moi, c’était quelqu’un de touchant. »

À 40 ans, Jane Birkin changeait de look, se rappelle Carmen Lunsmann. Elle se coupe les cheveux, ne se maquille plus et entame sa relation passionnelle avec la scène. En 2019, elle se dévoile également en écriture et publie son journal intime.

Courageuse et entière, c’était aussi une femme engagée : porte-parole d’Amnesty International, elle s’engage pour la cause du sida, de l’Algérie et des Enfants de la Terre, et bien sûr pour les Restos du cœur. Une voix forte et fragile qui a touché le monde entier.

Le président français Emmanuel Macron a rendu hommage à Jane Birkin, saluant « une artiste complète », une « icône française », « des images qui ne nous quitteront pas ». La Première ministre Élisabeth Borne a salué dimanche en elle « une icône inoubliable, une voix et un charme unique », et sa « tristesse ».

« Aujourd’hui, nous perdons une icône totale dont l’accent pouvait aussi bien nous murmurer les hymnes d’une époque que défendre ses engagements sur la scène internationale : la solidarité, l’accueil des migrants, la lutte contre l’extrême-droite, la liberté », salue la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak.

Avec RFI