Hollande évoque «les prochains mois» et «les prochaines années»

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Il n’a pas de doute dans l’esprit du président français : malgré les épreuves, malgré la peur, au terme de la lutte, la démocratie triomphera du terrorisme. Lors d’un discours prononcé à Paris, jeudi 8 septembre, François Hollande a affirmé qu’il était toujours prêt à mener une guerre sans merci. Mais pour cela, dit-il, il faut l’Etat de droit. L’occasion d’attaquer les propositions de ses adversaires politiques, et de lever les doutes sur sa détermination pour 2017.

François Hollande n’a pas dit qu’il était candidat, mais c’est tout comme. Les mots choisisce jeudi salle Wagram, dans le 17e arrondissement de la capitale, ne laissent que peu de place au doute : « Je ne laisserai pas la France être abîmée, son Etat de droit contesté, son éducation réduite. C’est le combat d’une vie. »
On y est presque. Dans ce discours consacré à la défense de la démocratie face au terrorisme, François Hollande se pose en rempart et se projette : « Je ne laisserai pas l’image de la France, le rayonnement de la France, l’influence de la France s’altérer lors des prochains mois ou des prochaines années. »
Le président a ciblé très nettement ses adversaires à droite en reprenant leurs mots. Jamais cité, mais toujours visé : Nicolas Sarkozy. « Les principes constitutionnels ne sont pas des  » arguties juridiques  » », estime le président. Et de glisser cette attaque en creux sur les « affaires » : la présomption d’innocence, un principe « bien commode à brandir pour soi », a-t-il raillé.
Nicolas Sarkozy était implicitement visé, mais Alain Juppé en a pris aussi pour son grade. L’identité de la France n’est « ni heureuse ni malheureuse, c’est une idée », estime François Hollande en réponse à l’ancien Premier ministre, candidat à la primaire du parti Les Républicains.
Et à la droite, qui a demandé une législation sur le burkini – que plusieurs municipalités ont décidé d’interdire sur leurs plages cet été -, ou à son chef de gouvernement Manuel Valls, qui s’était introduit dans ce débat, le chef de l’Etat répond aussi : « Pas de législation de circonstance aussi inapplicable qu’inconstitutionnelle, tant que je serai président. »

L’Etat de droit, la seule voie « qui vaille, la seule qui soit efficace »

Le président estime que laïcité et la pratique de l’islam sont compatibles en France, dans le respect des lois existantes. « Rien dans l’idée de laïcité ne s’oppose à la pratique de l’islam en France, pourvu qu’elle se conforme à la loi », considère-t-il. « L’islam peut-il s’accommoder de la laïcité comme l’ont fait avant lui le catholicisme, les religions réformées, le judaïsme ? Ma réponse est oui, clairement oui. »
Et de se placer au centre du débat : « La question se pose aussi à la République : est-elle réellement prête à accueillir en son sein une religion qu’elle n’avait pas prévue avec cette ampleur il y a plus d’un siècle ? Là aussi je réponds oui, clairement oui. »

Avant les attentats de 2015 et 2016 en France, le chef de l’Etat a rappelé que les musulmans avaient été les premières victimes des jihadistes : « Ils s’en sont pris à leur propre religion. Partout les musulmans ont été les victimes de ces islamistes. Il en va de même en France où parmi les morts que l’on dénombre, les blessés que l’on relève, on voit que les musulmans payent également leur tribut à la terreur. »
Alors que les thèmes de l’identité et de l’immigration, de l’assimilation, sont au cœur desdébats avant 2017, face à ceux qui « battent les estrades en recourant à toutes les surenchères pour mieux se distinguer à l’intérieur de leur camp », le chef de l’Etat se pose en défenseur de l’Etat de droit, la seule voie « qui vaille, la seule qui soit efficace ».
Et d’ébaucher, déjà, un axe de campagne : « De même que je refuse l’Etat d’exception, je me battrai toujours contre l’Etat d’exclusion (…) Ce combat, c’est la raison même de mon engagement », a confié le président français, bifurquant ainsi vers les questions sociales.

Pour le chef de l’Etat, l’antiterrorisme, c’est aussi le social

François Hollande a défendu le modèle social à la française, « patrimoine commun des Français », a-t-il dit. « La cohésion nationale, c’est aussi notre modèle social. J’en suis le garant », a expliqué le président de la République.
Car le modèle social est « lui-même menacé souvent par ceux qui veulent remettre en cause l’Etat de droit », remarque M. Hollande. « Le modèle social doit sans cesse être modernisé, réformé, complété pour pouvoir être adapté aux aspirations personnelles comme aux besoins collectifs, et sans que son financement n’entrave la compétitivité de nos entreprises », considère le président.
Et de défendre naturellement son bilan, en présence de son gouvernement réuni pour l’occasion salle Wagram : « Un pays solide, c’est une nation solidaire. C’est le sens des réformes que j’ai conduites depuis 2012 », a fait valoir l’actuel locataire de l’Elysée, bousculé par l’organisation d’une primaire dans son camp, et les candidatures sur sa gauche.
« Notre système de retraite a été sauvegardé et prend désormais en compte la pénibilité du travail. La complémentaire santé a été généralisée, le tiers payant le sera bientôt pour garantir un meilleur accès aux soins de tous. De nouveaux droits ont été créés. Je pense au compte personnel d’activité, à la garantie jeune, à la prime d’activité. »

« La politique territoriale a été concentrée sur les quartiers les plus fragiles dans nos villes comme dans le monde rural », estime François Hollande, précisant que « la lutte contre les discriminations a été renforcée avec la possibilité que les victimes engagent des actions de groupe ».
Préserver la démocratie face au terrorisme, tout un programme
Mais le chef de l’Etat ne s’est pas arrêté là, dans un discours décidément vaste : « Notre démocratie, a-t-il aussi dit, si elle veut être forte, si elle veut être puissante, doit être renouvelée ». Après la loi sur le non-cumul des mandats de parlementaire et d’un exécutif local votée en 2014, a-t-il expliqué, « je veux que l’on aille plus loin encore, en réduisant le cumul des mandats dans le temps ».
« Je vois qu’il y en a qui veulent revenir là-dessus, bel exemple de compréhension des évolutions de la société ! », a encore plaisanté le numéro un français à l’adresse de ses adversaires au sujet de sa réforme de 2014, alors qu’il reste, selon lui, « beaucoup à faire (aussi) sur la représentativité de nos assemblées, pour les ouvrir davantage à la diversité de notre société ».
Il s’est positionné pour un maintien de la fonction présidentielle au cœur des institutions, considérant plutôt que « des réformes institutionnelles devront néanmoins être accomplies (…), davantage sur l’élaboration et le vote de la loi ». Mais « la solution ne passe » ni par le recours aux ordonnances à ses yeux, ni par les référendums, « dont le risque est soit l’abus pour celui qui y recourt, soit le détournement pour ceux qui y répondent ».
Et le président d’inviter à « regarder les expériences, ici, ailleurs, des référendums », évoquant le Brexit. « On a répondu mais c’était pas forcément ce qu’on avait compris », et « ceux-là mêmes qui appellent à voter pour une direction qui finit par être choisie n’ont de cesse que de s’enfuir pour ne pas en tirer les conséquences pour eux-mêmes », a-t-il fait remarquer.

Lui encore président, pour ainsi dire, François Hollande assure qu’il s’intéressera aux « consultations locales sur les grands équipements », principe appliqué pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais aussi « la participation dans les grands débats publics, dans des démarches de co-construction législative », et les « jurys citoyens » ou autres « états généraux sur les grandes questions de société ».

Reuters