Invité Afrique sur RFI : Éric Houndété parle de Madougou, Yayi, Chabi, de Talon et dit « (…) c’est terminé»

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La parole ce 18 octobre est à l’opposition béninoise : l’ancien président Thomas Boni Yayi prend les rênes de son parti, Les Démocrates, décision annoncée dimanche dernier à l’issue du 1ᵉʳ Congrès ordinaire des LD. Le principal parti de l’opposition du Bénin se met en ordre de bataille en vue de la présidentielle de 2026 et Éric Houndété, qui était président, devient numéro 2, avec le titre de vice-président des LD.

RFI : Pourquoi Boni Yayi revient-il dans l’arène ?

Éric Houndété : Il n’avait jamais quitté l’arène. Il a quitté la présidence de la République. Nous avons, ensemble, fondé le parti Les Démocrates en 2020, et par rapport aux objectifs que nous avons, nous avons jugé qu’il était bon de faire un reclassement pour nous nourrir de son expérience d’ancien chef d’État, d’homme d’État, de renforcer notre équipe pour aller à l’assaut du pouvoir.

Vous faites contre mauvaise fortune bon cœur ?

Non, absolument pas. Quand on a des objectifs, on monte une équipe qui permet de réaliser ces objectifs.

Cela fait plus de deux ans que Reckya Madougou, la candidate de votre parti lors de la dernière présidentielle, et le constitutionnaliste Joël Aïvo sont en prison. De grandes ONG, comme Amnesty international et le Comité des experts de l’ONU, ont demandé leur libération, et toujours rien. Comment expliquez-vous l’intransigeance du chef de l’État ?

Il va être difficile pour nous d’expliquer cela. Mais ce qui est important pour nous, c’est ce que nous faisons pour que cette libération intervienne. Dès la mise en place du nouveau Parlement, nous avons pu avoir une place au sein de ce nouveau Parlement, contrairement au Parlement mono-couleur qui a précédé, nous avons introduit une proposition de loi d’amnistie pour décrisper notre pays. Donc, nous allons continuer le combat pour que Reckya, pour que Joël, pour que Latifou, et tous les autres qui sont encore dans les geôles du pouvoir de Patrice Talon en sortent. Nous n’avons pas le choix, c’est une exigence pour nous.

Le choix de Boni Yayi de reprendre les rênes de son parti ne risque-t-il pas de rendre le président Talon plus inflexible ?

Il est un homme, ils ont leur histoire, mais ici, il s’agit du pays. Les sentiments, les émotions ne doivent pas être au rendez-vous.

Est-ce qu’après huit ans de présidence de Patrice Talon vous reprochez toujours au chef de l’État d’avoir mis à mal le modèle démocratique béninois ?

Bien évidemment, et il faut réparer cela. Les lois électorales, et c’est l’un de nos chantiers, doivent être revues: la question des listes électorales, la question de l’organe qui gère les élections, même la Cour constitutionnelle.

La question des parrainages reste un grave problème pour vous ?

C’est toujours un problème, même si pour nous, ça peut paraitre comme du passé, nous avons maintenant les capacités de mobiliser du parrainage. Les fondements même de la question sont à revoir. On ne peut pas utiliser le parrainage pour empêcher des gens d’être candidat.

Vous êtes de nouveau représenté à l’Assemblée nationale. Est-ce que vous pourrez vous faire entendre ?

Nous parlerons dans leurs oreilles, nous parlerons fort pour qu’ils soient obligés de nous entendre.

Redoutez-vous que Patrice Talon ne se présente en 2026 pour un troisième mandat ? Il assure que non, le croyez-vous ?

La loi ne lui permet pas d’être candidat, je ne vois pas par quelle acrobatie il pourrait être candidat. Je ne fais pas beaucoup d’efforts pour réfléchir à comment quelqu’un va violer la loi.

Certains disent que quand un chef d’État change la Constitution, notamment la question du mandat, on ne sait jamais…

La Constitution prévoit que nul ne peut être président de la République du Bénin plus de deux fois. Il l’a été deux fois, c’est terminé.

Boni Yayi a déjà fait deux mandats, et l’on voit son fils, Chabi Yayi, entrer dans les instances dirigeantes du parti. Comment doit-on le comprendre ?

Le fils du président Yayi Boni est un citoyen. Il a le droit de militer au parti. Il a le droit de donner son énergie et son intelligence au parti, mais ça s’arrête à cela. Le moment venu, on appréciera : si cette implication lui donne le mérite d’avoir telle ou telle position, il les aura. Mais le fait d’être fils du chef de l’État au sein de notre parti ne donne aucun droit particulier à quelqu’un.

Certains reprochent aux Démocrates d’être toujours dans l’opposition radicale. Rien ne trouve grâce à vos yeux ?

De la même façon, certains nous reprochent d’être trop mous. Ceux qui sont au pouvoir, pour le peu que nous faisons, estiment que nous sommes trop durs, que rien ne trouve grâce à nos yeux. Qu’ils veuillent bien accepter qu’on critique leur action. Et Dieu sait que si leur action était si bonne, la population ne serait pas en train de se plaindre tous les jours. Toute notre action est de faire en sorte que notre pays revive une démocratie apaisée. De plus en plus, il a été fait la promotion de lois liberticides, vous ne pouvez pas vous exprimer, ni dans les médias, ni sur les réseaux sociaux, sans vous sentir menacés. Ce sont là des questions importantes qui nous préoccupent.

Comment percevez-vous la présence d’instructeurs français dans le nord du pays, à Kandi ?

Je demande que le gouvernement soit transparent par rapport à la question. Si nous avons des gens qui sont sur l’aéroport de Tourou, si nous avons des gens qui sont à Kandi, à Bembéréké, à Copargo, le gouvernement a l’obligation et le devoir, à défaut de parler aux populations, de parler au Parlement, et le Parlement demande que le gouvernement donne des explications. En ma qualité de responsable, je ne fais pas de spéculation. J’ai besoin d’éléments concrets pour formuler mes observations.