Des journalistes béninois se prononcent

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Le Bénin, à l’instar des pays du monde commémore la Journée mondiale de la liberté de la presse ce mercredi 3 mai 2017. Une journée au cours de laquelle il est évalué la liberté de la presse , la défense et l’indépendance des médias. Par ailleurs, les professionnels des médias rendent aussi hommage aux journalistes qui ne sont plus ou ont perdu leur vie dans l’exercice de leur profession. Cette année, au classement de RSF de la liberté de presse, le Bénin stagne à la 78ème place. Des journalistes béninois se prononcent notamment sur ce classement du Bénin.

Charles Akouta, journaliste Rédacteur en chef TVC-Bénin: « 78ème place l’année dernière 78ème encore cette année. Pour moi, c’est une régression derrière les pays comme le Niger, le Ghana et la Namibie qui ont fait des bons qualitatifs au cours de la même période. En réalité, cela aurait-il été autrement dans les conditions de vie et de travail des journalistes qui sont déjà un sujet préoccupant ? Avons-nous un réel accès aux sources d’informations ? C’est vrai… au Bénin il n’y a pas de journalistes détenus pour ses idées… mais avons-nous la facilité de dire ou d’écrire sans représailles ? Dans un pays où on ferme, en bloque plusieurs organes de presse on ne peut évoluer…on redouble …c’est ce qui nous est malheureusement arrivé. Nous sommes donc tenus de faire plus d’effort. Surtout les gouvernants…pour asseoir une presse digne et crédible… l’organe de régulation des médias devrait également se départir des considérations politiques pour permettre aux professionnels de retrouver leur vraie liberté…

Eric Guedenon , journaliste à TVC-Bénin : « On ne peut affirmer d’emblée que la presse béninoise est libre. Et pour moi jeune journaliste que je suis , c’est un regret. Un regret en ce sens que l’âge de la presse béninoise… les expériences de la presse béninoise… pour avoir connu et partagé des moments ayant marqués l’histoire de notre pays sont quand même autant d’indicateurs qui devraient nous amener à affirmer sans risque de se tromper que la presse est libre. Mais malheureusement c’est le contraire. Et mieux quand on considère les pratiques en vogue aujourd’hui cela ne nous laisse pas d’espoir. Ce dont on peut se réjouir. C’est notre existence, dans un système corrompu ou l’information est devenue une marchandise. Cela me rappelle mon thème de mémoire, « la logique marchande de l’information dans les médias ». Pendant que nous nous occupons des autres corporations de la société, nous nous laissons gangrenés par des maux qui fragilisent davantage ce noble métier. Nous sommes tous coupables de notre position qui est resté inchangée sur la liste des reporters sans frontière. Et nous devons nous interroger concrètement sur la qualité de nos rapports avec les politiques censées nous aider à avoir une liberté.

Et si on en vient à une conclusion selon malgré, les rapports d’amitiés. Ces proximités. .avec les politiques plutôt de nous accompagner… nous compliquent la tâche et bien cette liberté nous devons l’arracher à tous les niveaux. Ça ne sert â rien d’aider les gens… qui ne nous aident pas en retour. Qui pour nous aider â rétablir avec rigueur les avantages relatives à la carte de presse ? Qui pour nous aider à obtenir la convention collective des hommes des médias et assimilés pour une meilleure condition de vie et de travail ? Doit-on toujours se limiter aux per diems…et aux gentillesses empoisonnées des politiques en billets de banque… Combien de temps devrions-nous encore être obligés de courir derrière les promesses ? Être obligé de façonner la vérité ?

Etienne Yémadjè , journaliste à ¨Le Matin¨ : « D’abord, comme je le dis souvent, les journalistes béninois ne se donnent pas eux-mêmes la liberté au métier du journalisme. Si ce n’est pas pour écrire et chanter les merveilles ou faire l’éloge de quelqu’un pour avoir un peu d’argent, c’est pour tirer à boulet rouge sur quelqu’un en lui faisant des chantages pour lui prendre de l’argent. Tout cela fait que notre presse n’est pas libre dans la mesure où des articles sont commandés même par des politiques et autres, contre des miettes. Au Bénin, nous faisons encore du job et non du journalisme. En effet, il y en a qui n’ont même pas le Bepc, mais à défaut, s’infiltrent dans la corporation et deviennent même après patron de presse. Ce mal gangrène surtout la presse écrite. Ces patrons se font de l’argent sur le dos de leurs employés qui sont plus instruits qu’eux. Ils n’honorent pas les contrats vis-à-vis de leur personnel. Tout ça arrière le Bénin. Sur 100 journalistes béninois à peine 2 jouissent correctement des fruits de ce métier.

L’autre chose qui fait régresser le Bénin, c’est le difficile accès aux sources. Malgré le code de l’information et de la communication qui donne plus de pouvoir au journaliste d’avoir facilement accès aux sources, rien ne bouge au Bénin. Aussi, voudrais-je rappeler que la dépénalisation des délits de presse n’est pas encore effective au Bénin bien que le CIC soit voté. Les droits des journalistes sont bafoués, en témoigne la garde à vue subie par notre confère de Canal3 Bénin, Aymard Hodonou ( dans la nuit du samedi dernier, ndlr). Tout ceci a un impact négatif sur l’image que nous projetons à l’extérieur. Il faut que ça change. C’est important. Dans certains pays de la sous-région, la Presse est vraiment en avance. Aujourd’hui, il nous faut aller à la fusion des organes de Presse, il faut que la carte de Presse donne des privilèges aux détenteurs. Il faut que le journaliste soit bien payé, il faut qu’on lui donne les moyens pour aller faire des grands reportages, il faut que le journaliste soit bien traité à l’intérieur et au niveau des frontières du pays. La concrétisation de tout ça nous amènera loin ».

Ablam GNAMESSO, Journaliste reporter à www.sportdrome.com:
« La liberté de la presse est respectée à moitié en République du Bénin. Parce que si, d’une part, on peut se réjouir du fait que très peu de journalistes sont jetés en prison pour ne pas dire qu’il n’y en a même pas, je peux dire à l’instant même que et jusqu’à preuve du contraire aucun journaliste à ce jour n’est privé de sa liberté. Pour des infractions liées aux délits de presse, il n’y en a pas et cela est réjouissant à plus d’un titre. Mais de l’autre côté, en matière de liberté de presse ce n’est pas suffisant d’où ma notion de «est respectée à moitié» car toute liberté doit être assumée. Et pour qu’elle soit complètement assumée, c’est les moyens financiers. Et tant qu’il y aura des journalistes mal payés ou pas du tout payés au Bénin, alors qu’ils sont constamment dans les besoins que je qualifierais de besoins primaires, ils sont assez fragiles, exposés.

À ce niveau, il y a une grande bataille à faire ou à mener et à poursuivre quotidiennement. De plus, il y a des entraves avec quelques éléments des forces de sécurité. Les journalistes sont parfois pris à parti surtout pour les jeux politiques. C’est des choses qui malheureusement ternissent l’image de la lutte. La preuve nous étions 78è l’an passé dans le classement. Dans les pays les plus sérieux, les journalistes respectent la déontologie de leur métier. Mais au Bénin, tel n’est pas le cas. Ce respect est relatif. Je lance un appel à l’endroit des autorités, qu’elles montent des projets de formation pour les journalistes de tout bord tels que les journalistes reporters sportifs etc . Il n’y a même pas de survie pour certains patrons de presse ».

Arnaud Acakpo, journaliste à radio CAPP FM :
« Le classement constitue un baromètre certes, mais ce n’est pas une fin en soi. C’est bien de savoir que l’on a reculé ou progressé parce qu’il y a fermeture ou non d’organes de Presse. Mais pour moi, le plus important, la plus grande liberté est celle qui rend le journaliste heureux dans son travail. Combien de journalistes en dehors des Directeurs de publication et de promoteurs vivent pleinement des fruits de leurs efforts. Combien de reporters sont mentalement, psychologiquement, matériellement et financièrement libres?

Peu, très peu! Refusons d’être bâillonnés par les politiques! Refusons aussi d’être maltraités et asservis par nos chefs. C’est cela la vraie liberté. Signalons que le 3 mai a été proclamée Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991. Ce fut également une réponse à l’appel de journalistes africains qui, en 1991, ont proclamé la Déclaration de Windhoek sur le pluralisme et l’indépendance des médias ».

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Question à…Basile Tchibozo, Président du Cnpa
« … Je dois dire que la presse se porte bien… », dit-il

Dans un entretien téléphonique, le président du Conseil national du patronat de la presse et de l’audiovisuel, Basile Tchibozo parle de sa lecture de la liberté de presse au Bénin, un an après la mise en route du Nouveau départ, il affirme que « la presse se porte bien ». Entretien.

Monsieur le président, à cette ère dite de la rupture ou du Nouveau départ, quelle lecture faites-vous de la liberté de la presse au Bénin ?

Basile Tchibozo : Alors écoutez, je vous remercie pour l’attention que vous portez au Cnpa. Je dois dire que la presse se porte bien, on n’a pas d’organe fermé, on n’a pas de tracasserie particulière, on n’a pas des démarches graves, attentatoires à la liberté qu’on a pu observées depuis longtemps. Je crois quand même que de façon globale ça va mieux. On va souhaiter que ça aille mieux que sa.

Mais dans le même temps, on a remarqué la fermeture de certains organes de presse. Cela avait fait du bruit un peu partout dans le pays. N’est-ce pas déjà un facteur qui peut jouer sur la liberté de presse chez nous ?

Non, je crois vraiment que de façon horizontale, il est clair que la fermeture des chaînes…, nous l’avions dénoncé de façon rigoureuse. Vous avez suivi toutes les démarches faites par le Cnpa ; des démarches pour arrêter (la fermeture des organes), malheureusement. On a déploré tout ça ensemble (la fermeture des organes et leur ouverture tardive). Je crois quand même que cela fait parti des points noirs. Verticalement, il faut quand même noter qu’un certain nombre de charge incombait à ces organes là qu’ils n’ont pas respectés ! Voyez-vous, à savoir, notamment que toutes modifications dans le cahier de charges en ce qui les concernent doivent être notifiées à la Haac… au delà de ça, on ne peut pas expliquer qu’on puisse fermer des exploits de liberté sur l’atteinte de ces droits… c’est donc inadmissible de le constater (la liberté de la presse) sur cette mesure attentatoire de la Haac.

Réalisation : R.T.