Des dossiers de Alcrer et Social Watch devant la Criet et des tribunaux

Economie & Tech

Dans l’objectif de contribuer à une meilleure gouvernance des fonds publics, Alcrer et Social Watch Bénin se constituent en partie civile dans quelques affaires majeures devant la justice. Les plaintes sont déposées devant la CRIET et d’autres juridictions compétentes du Bénin ont informé, mardi 20 Août 2019 au cours d’un point de presse, Mme Blanche SONON et Martin Alcreer respectivement vice-président et Président du CPS/ PartiCiP 2 sur la nouvelle approche de lutte contre la corruption qu’engagent ces deux organisations. Elles entendent jouer ainsi leur partition pour contribuer à une amélioration qualitative de la gouvernance des affaires publiques dans notre pays pour le bien-être des populations. Nous vous proposons un extrait de leur déclaration liminaire.

« (…)Dans le cadre du Programme de participation citoyenne aux politiques publiques au Bénin (PartiCiP) dont la seconde phase a démarré le 04 août 2017 grâce à l’appui technique et financier de l’Ambassade des Pays-Bas au Bénin, nos deux organisations ont consacré une composante entière (sur les trois que compte le Programme PartiCiP) à la question. Il s’agit de la composante « Promotion de l’intégrité et Lutte contre la corruption et l’impunité ».

En faisant ce choix, les Organisations de la Société Civile ALCRER et Social Watch Bénin expriment clairement leur conviction que le remède contre la corruption dans notre pays ne réside plus seulement dans les campagnes de sensibilisation et de dénonciation qu’elles mènent depuis plusieurs années à travers les médias et divers autres canaux d’information des populations et des gouvernants.
C’est pourquoi, face à l’ampleur prise par la corruption dans notre pays ces dernières années, avec pour ferment l’impunité érigée jusqu’à une période récente, en mode de gouvernance, ALCRER et Social Watch Bénin se sont résolues à mettre en œuvre une nouvelle approche dans ce combat patriotique et de salut public pour notre pays et son peuple. Il s’agit de la saisine des juridictions compétentes en se constituant partie civile.
Car, il est de notoriété que dans des pays sous-développés comme le Bénin, la corruption est entretenue par la culture de l’impunité qui s’illustre par une faible répression par la justice et est aussi nourrie par le silence des victimes.
Cette nouvelle approche tire son essence de l’article 2 de la Loi 2012-15 portant Code de procédure pénale en République du Bénin qui dispose : « L’action civile en réparation du dommage causé par un crime appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé directement par l’infraction.
-Toutefois, elle est exercée par :
-Toute personne ayant souffert personnellement du préjudice directement causé par l’infraction ;
– Toute personne qui, bien que n’ayant pas directement subi un préjudice personnel, présente un intérêt légitime à agir ;
– les associations régulièrement déclarées, ayant pour objet statutaire explicite, la défense des intérêts collectifs de certaines catégories de victimes. Elles peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer des droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à leur intérêt collectif ».
Il résulte clairement de cette disposition que la loi octroie aux Organisations de la Société Civile le droit de se constituer partie civile ; ce qui n’était pas le cas jusque dans un passé récent.

De ce fait, ALCRER et Social Watch Bénin deviennent désormais des remparts davantage renforcés par la législation nationale contre l’impunité dont jouissaient des corrupteurs et corrompus en raison de couverture politique voire même, de la faiblesse de la justice dans sa mission de répression du phénomène.
Pour l’atteinte des objectifs poursuivis à travers cette démarche inédite dans notre pays et qui place nos deux organisations davantage au cœur de la lutte contre la corruption, l’une des stratégies adoptées est la mise en place d’un collège de praticiens de droit, chevronnés et à la réputation établie sur la question de la lutte contre la corruption.
Le Collège de juristes ayant des expériences éprouvées que nos organisations ont ainsi installé dans le cadre du Programme PartiCiP 2, est composé d’un magistrat, de deux avocats, d’un huissier de justice et d’un officier de police judiciaire ; tous recrutés par appels à candidatures sur la base de critères précis.
La mission de ce collège, installé et opérationnel depuis novembre 2018, est de conseiller nos deux organisations pour porter plainte en se constituant Partie civile devant les tribunaux et faire le suivi des dossiers de corruption afin qu’ils ne se perdent dans les tiroirs, déjà replis de dossiers divers, de nos juridictions.

Cinq dossiers ont été transmis à la justice en 2018

Dans cette logique d’une meilleure implication de la Société civile dans la répression de la corruption au Bénin, cinq dossiers ont été transmis à la justice en 2018.
Il s’agit d’une procédure de constitution de partie civile dans l’affaire CNSS-BIBE, transmise à la CRIET. Son instruction a démarré sous la direction du juge de la 3ème correctionnelle sous le numéro 0032/CRIET/SA ;
– Une dénonciation adressée au procureur spécial près la CRIET dans le dossier relatif aux malversations commises à la recette des finances du Zou et Collines : la procédure est transmise sous le N°015/CRIET/PS/SA du 04 janvier 2019 à la Brigade Economique et Financière.
– Une dénonciation adressée au procureur spécial près la CRIET dans l’affaire des 4,5 milliards de la CNSS : elle est transmise sous le N°016/CRIET/PS/SA du 04 janvier 2019 à la Brigade économique et financière.
– Une plainte avec constitution de partie civile dans l’affaire COS-LEPI adressée au tribunal de première instance de Cotonou : la procédure a été affectée au juge du 2e cabinet d’instruction
– Une plainte avec constitution de partie civile contre les anciens dirigeants de la Société anonyme à capitaux publics COBENAM où les traces d’une dette de 28 millions sont restés introuvables jusqu’à ce jour.
Cette plainte a également concerné les anciens dirigeants du Port autonome de Cotonou. Au niveau de ce fleuron de l’économie nationale, les auditeurs ont refusé de certifier les états financiers de l’année 2017 comme ce fut le cas en 2016. Les arguments qui ont milité en faveur de cette décision des auditeurs sont, entre autres : irrégularités relevées dans le rapport d’inventaire des immobilisations, des soldes clients anormalement créditeurs et non justifiés etc.
Au niveau de la SBEE qui est également concernée par notre plainte adressée au tribunal de première instance de Cotonou et la procédure a été affectée au juge du 6e cabinet d’instruction, les auditeurs ont relevé une perte de plus de quatre (04) milliards de FCFA au titre de la gestion 2017. Sur des capitaux propres de l’ordre de plus de 21 milliards FCFA, les auditeurs ont constaté une perte de plus de 4 milliards FCFA.

De la documentation et la dénonciation de quatre nouvelles affaires en 2019

En 2019, ALCRER et Social Watch Bénin ont procédé à la documentation et à la dénonciation de quatre nouvelles affaires.
Il s’agit de :
1) Scandale financier lié à la construction du siège de l’Assemblée nationale (14 milliards de francs CFA) : ce dossier soumis au collège de juristes mis en place par ALCRER et Social Watch Bénin, s’est révélé infructueux parce qu’il a été déjà introduit à la justice par le gouvernement.
2) Une autre affaire dénoncée par un groupe de citoyens sur de graves soupçons de « fraudes fiscales et douanières, de non versement de cotisations sociales et de traficotage de compteurs de la SBEE », irrégularités qui auraient été commises par une société de Télécommunications et de l’Internet au préjudice de l’Etat. ALCRER a saisi, le 18 février 2019, le Ministre des finances pour enquêtes avec ampliation au procureur spécial près la CRIET. Le dossier a été transmis à la brigade économique et financière qui a entendu le directeur exécutif de l’ONG ALCRER courant juin 2019. Selon des informations reçues auprès du parquet spécial près la CRIET, les responsables de ladite société sont actuellement en détention préventive pendant que l’instruction du dossier continue.
Ce sont là quelques affaires majeures dans lesquelles nos organisations sont impliquées pour contribuer à une meilleure gouvernance des fonds publics.
Au total donc, sur quatre affaires documentées dans le premier semestre de 2019, deux ont été introduites aux autorités administratives et judiciaires et une est en instance d’être introduite à la CRIET et à la Chambre des comptes. 100% des affaires introduites dans le premier semestre de 2019 sont en instruction.

Une plate-forme de dénonciation des actes de corruption

Mesdames, Messieurs
Parallèlement à cette démarche, ALCRER et Social Watch Bénin ont décidé de contribuer à l’enracinement de la culture de la dénonciation des faits de corruption au sein des populations en offrant à tout citoyen un espace consacré aux dénonciations ; il s’agit d’une application appelée ANTICORR qui est déjà en ligne et ouvert au public.
Elles ont réalisé en collaboration avec la structure RABTECH, une plate-forme de dénonciation des actes de corruption à travers laquelle chaque citoyen a la possibilité de mettre en lumière, à travers sa dénonciation, des actes et faits de corruption dans les tous les secteurs d’activités et sur toute l’étendue du territoire national. Et cela, à visage découvert ou sous anonymat.
Sur le Site Internet (www.anticorr.bj) ou en téléchargeant sur nos téléphones et nos tablettes l’application ANTICORR, toute victime ou témoin d’acte de corruption a désormais la possibilité de dénoncer et de jouer pleinement sa partition dans ce combat patriotique.
La plateforme ANTICORR est conçue pour une utilisation facile et du public qui, en quelques minutes, partage avec nos deux organisations des informations sur des cas de corruption que nos équipes de veille ont pour mission de suivre aux fins d’éventuelles poursuites en justice.

Mesdames et Messieurs
Chers professionnels-elles des médias
Nos deux organisations ont forgé depuis plus d’une vingtaine d’années leur réputation sur la question par leur engagement résolu pour la bonne gouvernance dans notre pays à travers notamment, une lutte implacable et sans répit contre ce phénomène qui gangrène l’économie nationale et compromet dangereusement l’avenir des générations actuelles et futures de notre pays.
Et pour cause, malgré les multiples initiatives et les nombreux efforts aussi bien des gouvernants que des partenaires au développement, notre pays demeure en queue de peloton en matière de développement humain avec un taux de pauvreté de plus en plus élevé et l’incapacité pour l’Etat de satisfaire les besoins primaires de ses citoyens tels que l’accès à l’eau, aux soins de santé de qualité, à l’éducation, à l’emploi, au logement etc.
Fortement tributaire de ces conséquences sociales, la corruption est favorisée dans notre pays par l’impunité de ses auteurs et son enracinement, perceptible à travers les différents rapports, études et classements nationaux, régionaux et internationaux dans lesquels notre pays figure en queue de peloton.
En guise d’illustration, le classement 2018 de l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) à travers le monde, l’organisation internationale Transparency International loge le Bénin au 85ème rang des pays les moins corrompus.
De même, l’évaluation du Système National d’Intégrité (SNI) du Bénin, commanditée par le Ministère de l’Economie et des Finances avec l’appui financier de l’Union Européenne et réalisée par Transparency International avec ses partenaires locaux que sont ALCRER et Social Watch Bénin, a conclu que la corruption est désormais « systémique, banalisée et tolérée » au Bénin.
Face à un tel tableau, sombre et alarmant, nos deux organisations pouvaient-elles rester sans réaction et assister impuissantes à la destruction méthodique mais certaine du tissu social par ce fléau qui a trouvé dans notre pays un terrain fertile pour son expansion ?
Assurément, non quand on sait que le lien entre corruption et paupérisation est de plus en plus établi. Car la corruption prive l’Etat de ressources nécessaires à l’exercice de ses fonctions de base en termes de garantie de la sécurité humaine et de mise en place d’investissements susceptibles d’améliorer l’accès des populations aux services sociaux de base (santé, eau, assainissement, éducation, transport, énergie, etc.), conséquences de l’impunité (….)».