Mission d'enquête parlementaire : De graves irrégularités relevées dans la gestion du CNCB

Economie & Tech

La séance plénière de l’Assemblée Nationale du Bénin de ce mardi 18 janvier 2002 qu’a présidée le Président Louis G. Vlavonou a été consacrée à l’examen du rapport de synthèse de la Mission de contrôle de gestion comptable du Conseil national des chargeurs du Bénin (CNCB) au titre de l’année 2020. Selon ce rapport présenté par la Commission des finances de l’Assemblée Nationale, plusieurs irrégularités ont été observées. 

Au niveau des états financiers par exemple, c’est la catastrophe. «  Les états financiers des exercices 2017 et 2018 ont été examinés par les commissaires aux comptes mais n’ont pas été arrêtés par le Conseil d’Administration. Alors que ceux de 2019 et de 2020 l’ont été. Cet état de chose porte une atteinte à la continuité de l’administration du CNCB et ne permet pas de les soumettre au Conseil des Ministres pour adoption. Cette situation pose un problème sérieux de gouvernance. Plus grave encore, les états financiers des exercices 2019 et 2020 ont été arrêtés par le Conseil d’Administration bien que ce dernier ait déploré n’avoir pas été informé des écritures d’apurement passées sur recommandation du Commissaire aux Comptes », mentionne le rapport de la Commission Gbénonchi.

 Créances douteuses

Sur recommandation du commissaire aux comptes, les créances du CNCB au 31 décembre 2019 ont été passées en perte définitive sans l’accord préalable du Conseil d’Administration. Malheureusement, la Commission n’a aucune preuve des diligences menées avant de passer ces écritures. En effet, le CNCB devrait alors engager des poursuites contre les débiteurs en s’adressant à un avocat, un huissier ou un organisme de recouvrement. A la suite de ces poursuites, un constat d’échec doit en résulter pour pouvoir justifier d’une créance irrécouvrable. Un certificat d’irrécouvrabilité est délivré à l’entreprise. C’est ce document qui permet de constater l’échec des démarches engagées et qui permet alors au Conseil d’Administration de donner l’autorisation de passer la créance en pertes. Malheureusement, tel n’a pas été le cas, selon le rapport de la Mission de contrôle.

Plus loin, l’examen de certains comptes de l’entreprise par la Mission a révélé d’autres anomalies.

D’un montant de F CFA 128 381 321 en 2019,  le compte 4211 relatif au collectif personnel prêt est passé à CFA 8 876 952. Ce qui correspond à une diminution d’un  montant de FCFA 119 504 365. Il s’agit des avances octroyées au personnel du CNCB. Ils ont été passés directement en pertes définitives. Ici, la Mission n’a pas eu les dossiers de ces prêts de même que les documents prouvant leur irrécouvrabilité avant de les passer en perte. « Les pièces justificatives ayant servi aux imputations sont le rapport du commissaire aux comptes et les extraits de grand-livre exercice 2018 », peut-on lire dans le rapport.

D’un montant de F CFA 186 580 884 en 2019, le compte  4215 (Collectif personnel primes) est passé à CFA 70 632 063 en 2020 ; ce qui présente une diminution de 62,14%. L’analyse de ce poste a révélé que les comptes des débiteurs concernés ont été regroupés dans le compte « 4711110 : Débiteurs divers ». « Cette manière de faire ne permettra pas de suivre et de traiter le compte des débiteurs concernés au cas par cas. Le montant total de ce regroupement est de FCFA 132 423 921 », indique le rapport qui suggère de ventiler ces comptes pour un meilleur suivi.

D’un montant de F CFA 456 651 887 en 2019, le compte  4711 (Débiteurs diversest) est passé à CFA 932 324 731 en 2020 ; soit une augmentation de 104,17%. Il s’agit des créances non identifiés, des créances de TVA sur BIM et des créances liées aux suspens sur l’état de rapprochement bancaire, ainsi que celles sur avances au collectif Administrateurs.

 Dettes fiscales et sociales*

Les membres de la Commission Gbénonchi ont aussi constaté que de 2018 à 2020, le CNCB n’a pas prélevé les différents impôts sur les prestations de l’entité Bureau International Maritime (BIM). « La retenue à la source de l’impôt sur les bénéfices des prestataires non domiciliés au Bénin, d’un montant de FCFA 692 255 099 n’a pas été prélevée conformément aux dispositions des articles 176 à 179 du Code Général des Impôts. La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) d’un montant de F CFA 1 038 382 648 n’a pas été payée par le prestataire Bureau International Maritime (BIM) conformément aux dispositions des articles 220, 220 ter et 261 du Code Général des Impôts. Le montant total de ces impôts de F CFA 1 730 637 747 constitue des manques à gagner pour l’Etat », a fait ressortir le rapport.

L’analyse de la rubrique relative aux autres dettes  a permis à la Mission de constater qu’il s’agit des régularisations (regroupement de comptes) opérées suite aux recommandations du Commissaire aux Comptes. Ici, il est programmé l’apurement du montant de F CFA 3 306 600 883 sur 4 ans sans l’accord du Conseil d’Administration. C’est ainsi que le montant de FCFA 826 650 221 soit 25% de F CFA 3 306 600 883 a été passé en produit HAO au cours de l’exercice sous revue.

Services extérieurs

Dans le cadre de la gestion du Bordereau Electronique de Suivi des Cargaisons (BESC), le Port Autonome de Cotonou (PAC) avait recruté le prestataire de service (le Bureau International Maritime (BIM), chargé de la gestion déléguée du BESC le 25/01/2017. Par arrêté N° 030/MIT/DC/SGM/CTJ/SA/034SGG18 du 26/06/2018, portant instauration d’un Bordereau Electronique de Suivi des Cargaisons (BESC) en République du Bénin, cette gestion a été confiée au CNCB. L’analyse de ce contrat a révélé que le CNCB n’a pas mis en place des procédures comptables spécifiques. Ce qui ne permet pas à ce dernier de faire des vérifications à tout moment dans les locaux de BIM (cf. article 10 du contrat). Mieux, selon le contrat, BIM est rémunéré à 45% du montant des recettes du BESC. Ce montant est prélevé à la source par BIM. BIM ne paie aucun impôt (TVA et Impôt sur le bénéfice des prestataires non domiciliés au Bénin).

Aussi, au cours de l’exercice sous revue et sur recommandations du commissaire aux comptes, les 45% du montant des recettes du BESC prélevé par BIM n’ont pas été comptabilisés en charges. Il s’élève à un montant de F CFA  2 070 218 805. Ce qui ne donne pas la sincérité et l’image fidèle de la situation financière du CNCB.

 Une avancée notable, des poursuites en vue

Face à toutes ces irrégularités, les députés de la 8ème législature se sont félicités du travail qui a été fait par la Commission Gbénonchi.  Ils se sont surtout interrogés sur la suite qui sera donnée au rapport de la mission de contrôle. Là-dessus, le Président Louis G. Vlavonou a levé toutes les inquiétudes. Pour lui, le travail qui a été fait est aussi un challenge pour les députés qui n’ont pas le droit à l’erreur. « Ce travail aura bel et bien une suite », a rassuré le Président Vlavonou . « Nous ne ferons rien en dehors de notre règlement intérieur qui stipule que le rapport et ses recommandations sont publiés au journal officiel après discussion en séance plénière… En clair, le rapport examiné sera mis à la disposition de l’opinion publique nationale et internationale. N’importe qui peut donc s’en servir », a-t-il poursuivi. « Le Procureur par exemple peut donc s’autosaisir pour mettre en mouvement l’action judiciaire comme le prévoient des dispositions du Code de procédure pénale en vigueur au Bénin », a annoncé le Président de l’Assemblée Nationale. Mais en attendant, les députés ont à l’unanimité suggéré que le liquidateur du CNCB et le Haut commissariat à la prévention de la Corruption soient saisis du contenu du rapport, surtout que le gouvernement a décidé de la dissolution du CNCB.

Avec El-Hadj Affissou Anonrin