Cinq candidats pour succéder à la présidente Dlamini-Zuma

Afrique

Ils sont cinq candidats à la présidence de la Commission de l’Union africaine. Tous, des hommes et femmes d’expérience. Ils veulent faire de la Commission l’outil privilégié de la transformation du continent à l’horizon 2063. Les chefs d’Etat réunis en assemblée à Addis-Abeba à la fin du mois devront trancher. Portraits.

Les cinq candidats qui postulent pour le poste prestigieux du président de la Commission sont tous des vétérans de la politique africaine, soutenus chacun par les pays de leur région d’appartenance. Pour la première fois, le 9 décembre dernier, l’Union africaine a organisé un débat télévisé pour permettre aux candidats de se présenter et surtout de présenter leur programme sur les questions de la démocratie, de l’Etat de droit, mais aussi sur celles de la libre circulation sur le continent, la promotion des femmes et des jeunes ou les modalités de financements des programmes de l’Union africaine. L’événement a été massivement suivi à la télévision, mais aussi sur les réseaux sociaux. Rappelons que l’élection avait dû être reportée lors du dernier sommet de l’UA à Kigali (Rwanda), faute de candidats crédibles.

Amina Mohamed Jibril, 55 ans

Ministre des Affaires étrangères du Kenya, cette diplomate de carrière et juriste de formation est la candidate de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC). Cette prétendante kényane est née en 1961 dans une famille modeste, mais a réussi grâce à ses études poussées (elle est titulaire d’un diplôme d’Oxford en relations internationales) et à son franc-parler à s’imposer dans la haute fonction publique de son pays dominée par des hommes.
Entrée dans la carrière professionnelle en 1985, Amina Mohamed a occupé entre 2000 et 2006 la charge de chef de mission de la représentation de Nairobi auprès de l’Office des Nations unies à Genève. Depuis 2013, elle est ministre des Affaires étrangères de son pays. Elle a également occupé des postes importants dans les organisations internationales, notamment celui du numéro 2 du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue). C’est l’expérience à l’international de cette proche conseillère qui a convaincu le président Uhuru Kenyatta de proposer sa candidature en octobre dernier pour la présidence de la Commission de l’UA.
La ministre a axé sa campagne sur les thèmes économiques et commerciaux. Elle propose, si elle est élue, de faire de l’Afrique l’une des premières « destinations des investissements étrangers ». Mais sa prise de position récente pour la cause saharouie, alors que de plus en plus de pays africains demandent la suspension de la République arabe saharouie démocratique (RASD) de l’Union africaine pour faciliter le retour du Maroc au sein de l’organisation panafricaine, pourrait se révéler préjudiciable à sa candidature.

Pelonomi Venson Moitoi, 65 ans
Pelonomi Venson Moitoi est, elle aussi, ministre, plus précisément celui des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Botswana. Candidate malheureuse à Kigali, la Botswanaise croit en ses chances et a décidé de se représenter. Gaborone a réussi à mobiliser autour de sa candidature tous les pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui estiment que selon la logique de la rotation régionale, la présidence de la Commission de l’UA revient cette fois encore à un pays de la région australe, étant donné que son actuelle présidente n’a fait qu’un seul mandat.
Née en 1951, la candidate botswanaise est titulaire d’une maîtrise en administration obtenue à l’université centrale du Michigan, aux Etats-Unis. Plusieurs fois ministre dans son pays, elle a occupé, avant d’arriver au ministère des Affaires étrangères, des portefeuilles de Transport, Communication, Travail, Science et Education. Elle a fait campagne sur son expérience de quatre décennies dans des postes à responsabilité au sein de la fonction publique botswanaise et voudrait inscrire son action, si elle est élue, dans la mise en œuvre del’Agenda 2063 adopté il y a quatre ans avec l’ambition de transformer l’Afrique en un continent « fort, prospère, pacifique et solidaire » au cours des cinquante prochaines années.
Or, lors du dernier scrutin, plusieurs pays s’étaient abstenus de voter pour elle, sans doute parce que Gaborone a fait souvent bande à part dans l’Union africaine, notamment s’agissant de la question de la Cour pénale internationale dont les convocations sont vécues comme autant d’humiliations par les dirigeants africains. Peu de chance qu’en six mois ces derniers aient radicalement changé d’avis.

Agapito Mba Mokuy, 51 ans
Ministre des Affaires étrangères de la Guinée équatoriale, Agapito Mba Mokuy est le plus jeune des cinq postulants à la succession de la présidente en exercice de la Commission de l’UA. L’homme pratique couramment cinq langues et il est titulaire d’un diplôme américain en gestion et développement. La candidature de ce diplomate, qui a été en poste pendant deux décennies à l’Unesco où il a occupé de hautes responsabilités, est poussée personnellement par le président équato-guinéen Teodoro Obiang.
Or, ce dossier est une source d’embarras pour les décideurs africains, compte tenu de la nature autocratique du régime de Malabo qui fait peu de cas des droits de l’homme et de l’Etat de droit. D’ailleurs, au sommet de Kigali, sa candidature avait été éliminée par les chefs d’Etat dès le deuxième round du scrutin. Le candidat mise sur son expérience à l’international pour peser dans les débats à Addis-Abeba.

Abdoulaye Bathily, 69 ans
Homme politique sénégalais et diplomate, Abdoulaye Bathily est le candidat du Sénégal et de la Cédéao dont les 15 pays ont promis de voter pour lui comme un seul homme. Il jouit aussi d’une solide expérience internationale. En juillet 2013, il a occupé le poste de représentant spécial adjoint du secrétaire général à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma), avant d’être nommé représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique centrale.
Né en 1947, le professeur Bathily est historien et universitaire. Militant communiste dans sa jeunesse, il a participé activement à la vie politique sénégalaise et a été plusieurs fois député et ministre sous la présidence des anciens chefs d’Etat sénégalais Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Panafricaniste convaincu, il fait campagne en promettant de donner, s’il est élu, un nouveau souffle à l’organisation continentale en l’enracinant dans son idéal fédéraliste originel. Mais ses nombreux atouts tant idéologiques que professionnels ne suffiront peut-être pas à ce candidat pour s’imposer dans la compétition pour la présidence de la Commission. Ses amis comptent sur les pays de l’Afrique centrale où Bathily a été en poste pour compenser les suffrages qui pourraient lui manquer à cause du soutien apporté par le Sénégal à la tentative du Maroc de réintégrer l’Union africaine.

Moussa Faki Mahamat, 56 ans
Juriste de formation, Moussa Faki Mahamat est le ministre des Affaires étrangères du Tchad depuis 2008. Né en 1960, il occupe de hautes fonctions au sein de l’administration tchadienne depuis bientôt trente ans. Il a été Premier ministre de son pays entre 2003 et 2005.
La candidature tardive (déclarée en septembre) de ce haut fonctionnaire à la présidence de la Commission de l’Union africaine a surpris les dirigeants africains et a donné du fil à retordre au camp ouest-africain pour lequel la victoire de son candidat semblait acquise. Diplomate de haut vol comme Abdoulaye Bathily, le prétendant tchadien a l’avantage de maîtriser tous les dossiers stratégiques du continent du fait de l’appartenance de son pays au G5 du Sahel impliqué dans les actions de défense et de sécurité des pays du Sahel. Lors du débat télévisé du 9 décembre, Faki Mahamat a fait prévaloir la priorité du développement et la sécurité en ces temps de turbulences que connaît le continent.