Boko Haram, c’est qui ? C’est quoi ?

Afrique

Depuis le début de l’année, le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram a multiplié les attaques et les attentats contre la population dans le Nord du pays. Le groupe s’est surtout illustré ces dernières semaines en kidnappant plus de 200 lycéennes vouées à être vendues.

Depuis le début de l’année, le groupe islamiste armé nigérian Boko Haram a multiplié les attaques et les attentats contre la population dans le Nord du pays. Le groupe s’est surtout illustré ces dernières semaines en kidnappant plus de 200 lycéennes vouées à être vendues. Cet enlèvement a soulevé une vague de mobilisation internationale contre Boko Haram reconnu désormais par l’ONU comme organisation terroriste. En dépit du déploiement de militaires et la nomination d’un nouveau chef de l’armée, le président Goodluck Jonathan ne parvient toujours pas à arrêter l’insurrection meurtrière de ce groupe islamiste qui a fait plus de 3600 morts depuis 2009. Qui forme ses rangs ? Comment ce groupe fonctionne-t-il ? Explications.
Le bilan meurtrier ne fait que s’alourdir. Aux 3600 morts déjà imputées aux actions de Boko Haram depuis 2009 s’ajoutent toutes celles de ces dernières semaines. Plusieurs dizaines par semaine. Cette secte, ou groupe islamiste nigérian, mène une insurrection sanglante dans le pays contre les musulmans, et aussi, désormais, contre les chrétiens. Ni l’armée, ni la police, cibles également de Boko Haram, ne parviennent à l’arrêter en dépit d’une répression accrue cette dernière année. Les actions de ce groupe divisent encore un peu plus un pays tiraillé entre un Nord à majorité musulmane et un Sud surtout chrétien.

Un nom

Le groupe Boko haram » porte un nom dont le sens résume ses motivations premières. Alain Vicky explique dans Le Monde diplomatique que « boko » signifie « book » donc « livre » en anglais et « haram », « interdit » en arabe. « Boko Haram » signifie par extension pour ce mouvement : « le rejet d’un enseignement perverti par l’occidentalisation.

Origines

Les protestations islamiques n’ont pas débuté au Nigeria avec Boko Haram. Ce mouvement arrive après d’autres, qui apparaissent notamment dans les années 1970, comme la mouvance Maitatsine, née sous l’égide de Muhammad Marwa. Ce dernier a été tué lors d’affrontements avec l’armée en 1980. Son groupe se dissout, mais ses membres éparpillés dans tout le pays se regroupent progressivement.
Ces différentes mouvances qui prônent une application rigoriste de la charia, réprimées par l’armée, ouvrent la voix à Mohamed Yusuf, chef « spirituel » de Boko Haram.
Ce prédicateur, qui reprend à son compte la cause islamique radicale et l’ »anti-occidentalisme », commence à se faire connaître dans les années 2000. Il s’engage dans une logique de refus du modèle d’éducation occidental hérité de la colonisation et considéré comme pervers. « Mohamed Yusuf considère que l’école occidentale détruit la culture islamique et conquiert plus sûrement la communauté musulmane que les croisades. Il en condamne tout à la fois la mixité des sexes, le relâchement des mœurs, la corruption des valeurs traditionnelles, l’utilisation du calendrier grégorien… et la pratique du sport, qui distrait de la religion.
En conséquence de quoi, il demande à ses fidèles de renoncer à fréquenter les établissements privés d’inspiration occidentale et les écoles publiques nigérianes héritées du système colonial britannique », explique le spécialiste du Nigeria Marc-Antoine Pérouse de Montclos, docteur en sciences politiques et chargé de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD).
Le mouvement ne vise pas tant la conquête du pouvoir que l’idéal politique d’une république islamique intégriste dans le Nord du pays.
En 2003, le fief de Mohamed Yusuf est attaqué par la police d’Etat. Le groupe se retranche alors à Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno, resté aujourd’hui leur base. Yusuf y fonde une école islamiste qui attire des étudiants de tout le Nord du pays à majorité musulmane. Parmi eux se trouvent les futurs membres de Boko Haram : « Derrière la religion, un même profond ressentiment anime ces populations qui s’estiment abandonnées par les élites, le pouvoir central et les policiers fédéraux, corrompus et brutaux », décrit Alain Vicky dans Le Monde diplomatique.

Ses fidèles

Implanté dans un Etat très pauvre, où le taux de scolarisation reste très faible, Boko Haram attire beaucoup d’analphabètes et des élèves coraniques. Mais aujourd’hui, la secte compte aussi dans ses rangs des membres très cultivés qui se retrouvent dans cette idée d’ »anti-occidentalisme ».
2009 : un tournant ?
A sa création, Boko Haram ne s’en prend pas aux chrétiens, mais aux militaires et aux forces de police. Ses ennemis sont principalement les musulmans qui appliquent mal la charia.
Mais la répression de 2009 marque un tournant. En juin, la police d’Etat tue quinze membres de Boko Haram qui se rendent à l’enterrement de l’un des leurs. La secte réplique en lançant une offensive à laquelle la police et l’armée répondent à leur tour. Les affrontements feront plus de 800 morts et Mohamed Yusuf est tué pendant son emprisonnement.
Le groupe prend alors une nouvelle orientation : terroriste. Certains cadres du mouvement vont se réfugier dans les pays voisins, où ils entrent en contact avec des mouvances djihadistes internationales. L’action du mouvement évolue.< Evolution

Dès lors, la secte devient clandestine et s’étend sur quatre Etats du Nord.
Jusqu’en 2009, le chef Mohammed Yusuf s’entoure de commandants dont fait partie Abubakar Shekau, devenu, depuis, le meneur contesté de la branche traditionnelle de Boko Haram. Certaines rumeurs l’ont laissé pour mort plusieurs fois, mais il serait toujours en vie, après son apparition dans des vidéos suite à des attaques de Boko Haram. Le mouvement, force sombre du pays, inquiète hors des frontières, sur la scène internationale. Abubakar Shekau a été classé parmi les terroristes les plus recherchés par le gouvernement américain, qui offre une récompense de 7 millions de dollars à toute personne qui aiderait à le localiser.
Ces dernières années, Boko Haram se ramifie, la mouvance se divise. Une autre a émergé, menée par Mamman Nur et liée au djihadisme mondial. Ce groupe use de la stratégie terroriste ou le maniement de la peur.
Cette mouvance la plus dure de Boko Haram serait à l’origine de deux attaques en 2011 : l’attentat-suicide contre un bâtiment des Nations unies en 2011 à Abuja qui fait 25 morts et l’attaque d’une église chrétienne le jour de Noël dans laquelle près de 150 personnes trouvent la mort.
En 2012, une dissidence du mouvement voit le jour : Ansaru qui reproche à Boko Haram de tuer surtout des musulmans. Ansaru est lié à Al-Qaida et vise à chasser les chrétiens et les expatriés. Ce groupe a d’ailleurs enlevé le Français Francis Collomp qui réussit à s’échapper après onze mois de captivité.

Et le gouvernement ?
Depuis mai 2013, l’armée nigériane mène une opération dans le nord-est du pays insurgé, où trois Etats (Borno, Adamawa, Yobe) ont été placés en état d’urgence. « La situation dans le nord-est doit être complètement réglée d’ici avril 2014, a déclaré le maréchal de l’air, chef d’état-major de l’armée du Nigéria Alex Badeh, nommé début 2014.
Mais l’inquiétude croît. Mi-février, le gouverneur de l’Etat du Borno, Kashim Shettima, est venu rencontrer le président pour lui dire : « Nous sommes en état de guerre ». Et d’ajouter : « J’ai clairement expliqué au président que (les rebelles de) Boko Haram sont mieux armés et plus motivés. » Selon lui, « il est impossible de battre Boko Haram. »

Financement
Après les dons des fidèles sous l’ère Yusuf, puis la « générosité » de gouverneurs ou des responsables politiques du Nord, Boko Haram multiplie désormais les attaques de banques. Mais certaines mouvances, comme Ansaru, sont aussi financées par al-Qaida, selon le spécialiste Marc-Antoine Pérouse de Montclos dans son interview sur Slate Afrique.

Conséquences

Depuis le mois de janvier 2014, et les nouvelles exactions de Boko Haram, la population a été contrainte de fuir au Cameroun, au Niger et au Tchad. Selon les Nations unies, 4000 personnes ont fui vers le Cameroun – où au total 12 400 Nigérians sont réfugiés – et 1500 sont partis vers le Niger depuis la mi-janvier.

11 bases de Boko Haram détruites

L’armée nigériane annonce avoir bombardé les militants du groupe Boko Haram et détruit 11 bases des djihadistes dans la forêt de Sambisa.
« Les troupes au sol ont tué plusieurs militants du groupe et libéré des enfants et des femmes, retenus en otages », a ajouté l’armée dans une déclaration.
La forêt de Sambisa, le long de la frontière avec le Cameroun, semble être l’une des dernières bases du groupe Boko Haram.
Ses combattants ont perdu des villes qu’ils contrôlaient dans le nord-est du Nigeria en 2015. Mais le groupe continue ses attentats-suicides.