Au Mali, les autorités de transition précisent la suite du processus de réformes. Après l’abrogation de la charte des partis politiques, lundi 12 mai, puis la dissolution de tous les partis et organisations politiques du pays le lendemain, le ministre délégué en charge des Réformes politiques s’est exprimé devant la presse malienne mercredi 14 mai. Il promet un processus « inclusif ». La classe politique, elle, s’apprête à contester cette dissolution devant la Justice et, plus globalement, organise la « résistance » face au régime en place.
Mamani Nassiré, qui avait personnellement annoncé la dissolution des organisations politiques lundi dernier, a détaillé les prochaines étapes. D’après ses propos, rapportés par le journal d’État l’Essor, le ministre délégué en charge des Réformes politiques a, comme attendu, annoncé l’élaboration d’une nouvelle loi pour déterminer les conditions de formation et d’exercice des futurs partis politiques, dont le nombre devra être fortement réduit. Les consultations orchestrées le mois dernier par les autorités de Transition avaient recommandé de les limiter à deux, trois ou quatre grands partis – contre près de 300 actuellement –, avec des conditions de création durcies – une importante caution financière pourrait être exigée.
Processus « inclusif », sans les partis politiques
Parmi les autres recommandations que devra prendre en compte la future loi, on peut citer la fin du nomadisme politique – le fait d’aller d’un parti à un autre – ou encore la suppression des financements publics. Le statut de chef de file de l’opposition pourrait disparaître, comme l’ont recommandé les consultations, ou être intégré à la future charte des partis politiques, comme l’a suggéré le ministre délégué.
Mamani Nassiré a promis que le processus serait « inclusif » : « nous allons faire appel à toutes les personnalités qui peuvent contribuer à élaborer une bonne loi conforme à la Constitution et aux attentes des Maliens » a déclaré le ministre délégué, sans préciser à qui il pensait. Les premiers concernés, à savoir les partis politiques eux-mêmes, ne pourront de fait pas participer, puisqu’ils n’existent officiellement plus et que leurs activités sont désormais illégales. En tout état de cause, les propositions concrètes qu’ils avaient formulées en mars, dans la perspective d’une nouvelle charte, ont été jugées insuffisantes par Mamani Nassiré, qui a au passage justifié la dissolution des partis par leur rôle déstabilisateur, nuisant selon lui à l’ordre public.
Assurer le maintien des militaires au pouvoir
Autant d’explications « fallacieuses » selon les dirigeants politiques joints par RFI, qui rappellent avoir transmis des propositions très concrètes – pour réduire le nombre de partis, encadrer les financements etc – et qui ont surtout toujours pris soin de respecter le cadre de la loi pour exprimer leurs revendications. Les meneurs du mouvement pro-démocratie estiment unanimement que ces réformes ont pour seul objectif d’assurer aux militaires qui ont pris le pouvoir il y a cinq ans de s’y maintenir, sans rencontrer d’opposition. Et sans organiser d’élections, ce qui fait d’ailleurs officiellement partie des « recommandations phares » issues des fameuses « consultations des forces vives » du mois dernier.
Actions judiciaires pour contester la dissolution
Mais quels moyens d’action reste-t-il désormais aux militants pro-démocratie ? La dissolution des partis leur interdit la moindre réunion, la moindre déclaration. Un simple échange téléphonique entre deux chefs de partis pourrait être considéré comme une « activité » illicite, passible de sanction.
Plusieurs figures de la contestation annoncent des actions judiciaires à venir, auprès de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême et d’autres instances, pour contester la dissolution des partis, jugée « inconstitutionnelle ». Mais le simple fait d’initier une telle démarche pourrait être considéré comme une infraction pour les partis dissous. « Ces actions seront entreprises au nom de personnes qui en ont parfaitement le droit », précise un ancien ministre.
« Organiser la résistance »
« Une déclaration est en préparation », poursuit un autre, ajoutant que « le format et la teneur » sont encore en réflexion « afin de rester dans le cadre de la légalité ». Si les militants pro-démocratie ont toujours scrupuleusement joué cette carte, la dissolution des organisations politiques leur impose aujourd’hui une forme de clandestinité.
« Nous avons une réunion prochainement, mais je ne veux pas vous dire le jour exact par mesure de sécurité », confie un opposant. « Nous sommes en train d’organiser la résistance de manière plus structurée », assure un ancien ministre très impliqué, qui rappelle que la classe politique n’est ni la seule concernée, ni la seule mobilisée. « Il ne s’agit pas seulement de la dissolution des partis, affirme cette source, c’est un ras-le-bol général qui s’exprime, le rejet d’un mode de gouvernance, d’une dérive autoritaire. »
Risque de répression
Parmi les meneurs de la contestation, certains sont bien rodés : ils avaient déjà combattu la dictature militaire du Général Moussa Traoré, resté 23 ans au pouvoir, et contribué à la victoire de la démocratie au Mali en 1991. Dans cet esprit de résistance, plusieurs interlocuteurs envisagent le recours à la mobilisation citoyenne et populaire, à Bamako et à l’intérieur du pays. Ce qui implique un risque important de répression. « Nous n’avons plus le choix », soupirent en substance plusieurs interlocuteurs.
Trois figures de la contestation ont déjà été enlevées la semaine dernière par la Sécurité d’État et sont toujours détenues en dehors de tout cadre judiciaire dans un lieu inconnu. Un autre a été agressé au couteau, et des soutiens des militaires au pouvoir ont ouvertement appelé à la violence contre les partisans de la démocratie. Sans que la Justice ne se saisisse de ces cas.