Réécriture de l'histoire du Bénin : Après Abomey et Natitingou, Porto Novo accueille la tournée nationale

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La salle PhD François Adébayo ABIOLA de l’École Normale Supérieure de Porto-Novo a vibré, dans la matinée du jeudi 04 septembre 2025, au rythme d’échanges académiques de haute intensité. L’Académie Nationale des Sciences, Arts et Lettres du Bénin (ANSALB), dans le cadre de son ambitieux « PROGRAMME DE RÉÉCRITURE DE L’HISTOIRE DU BÉNIN », y a tenu une conférence-débat mémorable sur le thème : « Histoire nationale coloniale et les Évènements ayant conduit au Massacre de Thiaroye 44 : mémoire et réflexions avec les enseignants d’Histoire et de Géographie des classes de 3ème et de Terminale ».

Après Natitingou et Abomey, Porto-Novo a été la troisième étape de cette tournée nationale animée par deux sommités du monde universitaire : le Professeur titulaire CAMES Bani Léon BIO BIGOU, spécialiste de géographie humaine et économique, et le Professeur Paulin J. DOSSOU, tous deux engagés dans le combat intellectuel pour restaurer la vérité historique. Dans son mot d’accueil, le Directeur de l’ENS, Bernard FANGNON, a donné le ton. Pour lui, l’entreprise de réécriture de l’histoire nationale ne relève pas d’un luxe académique, mais d’une urgence civilisationnelle : « Nous avons l’obligation de réécrire notre histoire, puisqu’elle a été écrite à notre place et truffée de contrevérités. Il nous faut restituer aux générations présentes et futures des repères véridiques. » Un appel appuyé par Sévérin MEHOUENOU, Directeur Départemental des Enseignements Secondaire, Technique et de la Formation Professionnelle de l’Ouémé. Celui-ci a insisté sur l’impact pédagogique de l’initiative, estimant que ces conférences donneront aux enseignants des outils pour mieux outiller les apprenants. « Trois heures de connaissance, de débats et d’échanges peuvent transformer nos pratiques pédagogiques », a-t-il souligné, en ouvrant officiellement la séance.

Le conférencier principal, le Professeur BIO BIGOU, est revenu avec force détails sur l’occultation systématique de certains pans de l’histoire dans les programmes scolaires, notamment le massacre de Thiaroye 44. Cet événement tragique, où des centaines de tirailleurs ouest-africains furent exécutés par l’armée coloniale française pour avoir réclamé leurs droits, demeure méconnu du grand public et à peine effleuré dans les manuels. « On relègue l’histoire du Bénin à la fin du programme, au point que beaucoup d’enseignants n’y parviennent jamais. C’est une injustice mémorielle à corriger », a-t-il martelé. Pour lui, un peuple sans mémoire n’a ni présent, ni avenir. « Celui qui ne connaît pas son passé ne peut comprendre son présent, encore moins concevoir son avenir », a-t-il insisté. Le Professeur Paulin J. DOSSOU a, pour sa part, replacé l’événement dans le contexte plus large des luttes anticoloniales. Il a dénoncé le traitement indigne réservé aux tirailleurs africains, ces « fils de l’Afrique » qui avaient combattu pour la France au prix de leur vie : « L’administration coloniale a parlé de 35 morts, mais les recherches attestent de plus de 400. Cette falsification est une insulte à la mémoire de nos héros. Il faut rétablir les faits, enseigner cette vérité à nos enfants et en faire un levier de conscientisation. »

Les débats qui ont suivi ont été d’une rare intensité. Enseignants, chercheurs et participants ont formulé recommandations et pistes pour enrichir le Programme de Réécriture de l’Histoire du Bénin, notamment par la collecte de récits locaux, la réhabilitation de figures héroïques telles que Behanzin, Bio Guéra, Toffa, et la revalorisation des résistances locales face à la domination coloniale. Le mot de clôture, prononcé par le Directeur Départemental, a rappelé que le développement du Bénin passe d’abord par la réappropriation de son histoire : « Le jour où le Bénin réécrira son histoire, il aura amorcé son véritable développement. » Bien qu’absent pour des raisons liées à ses hautes charges de Vice-président du Conseil Électoral du Bénin, le Professeur François Adébayo ABIOLA est resté l’inspirateur de cette initiative. Par la voix du Professeur DOSSOU, il a adressé un message de soutien, rappelant que sa détermination a été décisive pour l’engagement effectif de l’ANSALB dans ce vaste chantier mémoriel.

À juste titre, il faut dire qu’avec cette tournée nationale de conférences-débats, l’Académie Nationale des Sciences, Arts et Lettres du Bénin réaffirme sa volonté de bâtir une histoire nationale débarrassée des falsifications coloniales. À travers la mémoire de Thiaroye 44 et d’autres événements refoulés, c’est la dignité d’un peuple qui se reconstruit et la conscience d’une jeunesse qui s’éveille. L’histoire s’écrit désormais par les Béninois eux-mêmes, pour les Béninois et pour l’Afrique.