Au Bénin , le retrait du Mouvement Populaire de Libération (MPL) du cadre de concertation des forces politiques de l’opposition suscite, depuis quelques jours, de nombreux commentaires et interprétations.
Certains, par ignorance ou par calcul politique, tentent de réduire cette décision à une simple divergence de vues.
Pourtant, lorsque l’on remonte aux fondations et aux objectifs initiaux de ce cadre, il apparaît clairement que le MPL n’avait plus d’autre choix que de se retirer, tant les dérives avaient vidé ce creuset de sa raison d’être.
Un projet initial noble et ambitieux
Lors de sa création, le cadre de concertation avait suscité un immense espoir.
Trois objectifs majeurs avaient été clairement définis :
1. L’audit du fichier électoral, afin de restaurer la confiance dans le processus électoral.
2. La révision du code électoral, devenu une entrave au pluralisme démocratique.
3. La constitution d’une liste commune, devant conduire l’opposition aux élections générales de 2026.
Ces trois axes de travail devaient faire du cadre un outil stratégique pour renforcer l’opposition et bâtir une alternative crédible.
Mais au fil des mois, la pratique a trahi la promesse initiale.
1. L’audit du fichier électoral : un rendez-vous manqué
Le premier chantier du cadre concernait le suivi de l’audit du fichier électoral.
Malheureusement, ce processus a été marqué par des maladresses et des sorties publiques hasardeuses.
L’épisode le plus marquant fut celui du pasteur ALLOKPO qui, au lieu de préserver la discrétion et la rigueur nécessaires, s’est livré à des déclarations intempestives et parfois incohérentes.
Cela a semé le doute dans l’opinion publique et donné l’impression d’un sabotage volontaire ou d’une impréparation manifeste.
La coordination, au lieu de réagir avec fermeté, est restée passive, laissant se développer un climat de désordre et d’impuissance.
À ce jour, aucun rapport définitif de l’audit n’a été rendu public.
Pire encore, toutes les démarches entreprises par la coordination pour obtenir un compte rendu du comité de pilotage – devant le bureau ou en assemblée générale – sont restées sans réponse.
Résultat : l’opposition se retrouve toujours dans le flou, privée de la base technique indispensable pour préparer sérieusement l’échéance électorale de 2026.
2. La révision du code électoral : une occasion gâchée
Le second chantier, celui de la révision du code électoral, était tout aussi stratégique.
Alors que le pays est déjà engagé dans un processus électoral décisif, rien de significatif n’a été entrepris par le cadre pour peser sur ce dossier.
Un épisode illustre à lui seul ce manque de coordination et de considération mutuelle :
lorsqu’une délégation du cadre devait rencontrer un parti politique extérieur, une source proche de la rencontre a révélé que le président du parti Moele-Bénin, qui recevait la délégation, aurait exprimé ses regrets face à l’absence remarquée des représentants du parti Les Démocrates.
Cette absence, perçue comme un manque de respect et de considération pour le collectif, a certainement laissé des traces profondes et fragilisé indubitablement la dynamique unitaire, pourtant essentielle pour mener des combats communs.
À l’arrivée, la révision du code électoral est restée lettre morte, illustrant l’impuissance d’un cadre devenu incapable d’influencer les décisions majeures du pays.
3. La liste commune pour 2026 : la désunion au grand jour
Le troisième objectif, et non le moindre, concernait la constitution d’une liste commune pour les élections générales de 2026.
Dès le départ, le MPL, par la voix de son président, avait fait une proposition claire et pragmatique :
Deux listes “intelligentes” devraient être constituées.
Il ne s’agira donc pas d’une liste exclusivement réservée au parti Les Démocrates, mais de deux listes stratégiquement composées, intégrant des candidats issus de l’ensemble des partis et mouvements impliqués, de manière équilibrée et réfléchie.
Cette approche visait à former un second bloc politique de l’opposition, capable non pas de rivaliser avec le parti Les Démocrates, mais plutôt de se soutenir mutuellement.
L’idée est de constituer deux listes intelligentes et complémentaires, travaillant en synergie sur le terrain, afin de contourner la barre des 20% et ramener le jeu au même niveau que la mouvance.
Le processus était simple : fusionner le MPL, la NFN, le GSR ainsi que Nous le Ferons et ouvrir à tous les mouvements et personnalités se réclamant de l’opposition en un second bloc compétitif, avec lequel Les Démocrates signeraient un accord de législature.
Ce schéma permettait de contourner la barrière des 20 % dans toutes les circonscriptions imposée par le code électoral.
Initialement rejetée, cette proposition fut finalement validée par une commission spécialement créée pour réfléchir à la question.
Mais le temps perdu a rendu la fusion pratiquement impossible, et l’élan initial s’est progressivement émoussé.
4. Nous le Ferons : la première fracture
Le premier coup dur est venu du mouvement Nous le Ferons.
Après plusieurs absences répétées sous prétexte d’un séjour à l’étranger, son président informe un matin la coordination qu’il a un message important à délivrer et invite tous les membres à se connecter à sa page Facebook à 20 h précises.
À la surprise générale, c’est une vidéo de déclaration de candidature à la présidentielle que les membres découvrent en direct.
Ce geste fut vécu comme une trahison flagrante : chacun agissant désormais pour ses propres ambitions, sans aucune synergie ni respect du collectif.
Cet acte solitaire a profondément ébranlé la confiance au sein du cadre et révélé une absence criante de discipline et de vision commune.
5. NFN et la “Troisième Voix” prônant ni Talon ni Yayi: la défiance ouverte
Alors que le cadre tentait encore de recoller les morceaux, un deuxième choc est venu de la NFN.
Avant même que la commission sur la liste commune ne rende ses conclusions, ce parti a choisi de passer en force, en créant avec d’autres acteurs un mouvement appelé “La Troisième Voix”.
Dans la foulée, la NFN s’est lancée dans une campagne d’attaques virulentes, visant l’ancien président Boni Yayi et d’autres forces de l’opposition, semant division et confusion.
Plus grave encore, la NFN a entrepris de débaucher des militants d’autres partis membres du cadre, y compris un coordinateur des Démocrates, dans une démarche ouvertement hostile.
Lorsque rappelés à l’ordre, le président Avognon et son secrétaire général ont tout nié en bloc.
Mais face aux preuves, le bureau du cadre leur a demandé un démenti public, injonction qu’ils n’ont jamais respectée.
En guise de défi, la NFN a même boycotté les réunions, accentuant l’éclatement du collectif.
6. Les Démocrates : un cavalier seul au détriment du collectif
Alors que le cadre sombrait dans les divisions, le parti Les Démocrates semblait évoluer selon une logique propre.
Plutôt que de jouer pleinement la carte du collectif, il a souvent agi en cavalier seul, oubliant que le cadre devait fonctionner comme une entité solidaire.
Exemple révélateur : lorsque le président de la République a convié des jeunes à une rencontre au palais, Les Démocrates ont répondu à l’invitation sans informer ni associer les autres membres du cadre.
Pendant ce temps, les réunions se succédaient sans qu’aucune décision concrète ne soit prise.
Aujourd’hui encore, personne n’est capable de dire clairement sous quelle bannière l’opposition se présentera aux élections générales de 2026.
Cette absence de cap stratégique crée une pression grandissante dans les bases électorales, qui exigent des réponses et craignent une démobilisation massive.
7. Pourquoi le MPL a choisi de partir
Face à ce constat amer :
• une absence totale de discipline,
• des comportements irrespectueux,
• une stratégie collective inexistante,
• et des ambitions personnelles prenant le pas sur l’intérêt général,
le MPL a dû prendre ses responsabilités.
En se retirant, le MPL ne tourne pas le dos à l’opposition.
Au contraire, il reste fidèle aux valeurs qui avaient présidé à la création de ce cadre : transparence, rigueur et responsabilité collective.
Ce retrait est donc un acte de lucidité et de courage politique, destiné à préserver l’intégrité du MPL et à alerter l’opinion publique sur l’urgence d’une refondation profonde de l’opposition.
Conclusion : l’opposition à la croisée des chemins
Le MPL ne se réjouit pas de cette situation.
Mais il refuse de cautionner un simulacre d’unité, où la trahison, l’improvisation et les ambitions personnelles ont remplacé la stratégie et la solidarité.
En quittant le cadre, le MPL lance un message fort :
“L’opposition béninoise ne peut pas continuer à se perdre dans les divisions et les jeux d’ego alors que 2026 approche à grands pas.
Le peuple béninois mérite une alternative crédible, disciplinée et unie.”
Le MPL reste déterminé à jouer son rôle dans la reconstruction d’une opposition forte, capable de répondre aux aspirations des citoyens et de restaurer l’espoir d’un avenir meilleur pour la nation.
(Avec S.E.)
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