Chaque année, le 15 août, les catholiques fêtent l’Assomption, c’est-à-dire l’élévation au ciel de la Vierge Marie, la mère de Jésus. Mais quels sont l’origine et le sens de cette fête ? Pourquoi l’Assomption n’est-elle devenue un dogme qu’au XXe siècle ? Réponses avec trois théologiens.
Au Bénin, en plus de la célébration de l’Assomption, le 15 août est consacré pour la fête de l’igname dans le département des Collines à Savalou. La célébration de la fête de l’igname a lieu le 15 août de chaque année et se concentre sur l’igname et plus spécifiquement celle appelée « laboco » parce qu’il s’agit de la première variété de tubercules récoltée au cours de la saison.
Dans le département du Couffo, précisément à Dogbo, c’est la fête des « Dogbotôwoxwé ». Selon l’histoire, c’est des cadres d’autres ethnies qui avaient toujours dirigé l’administration territoriale coloniale à Dogbo . Ayant acquis l’élection d’un fils du terroir à ce poste, cela a suscité une fierté au sein de la population. D’où cette célébration. D’une édition à une autre, il est noté des innovations qui solidifient les liens d’amitié et de fraternité entres les enfants de Dogbo résidents et ceux de la diaspora. En 2025, c’est la 67è édition de la fête à Dogbo.
Quid de l’élévation au ciel de la Vierge Marie?
En 1950, le pape Pie XII proclame solennellement le dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, s’appuyant sur celui de l’Immaculée Conception, lui-même proclamé en 1854 par Pie IX. « Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme dans la gloire céleste », peut-on lire dans la constitution apostolique Munificentissimus Deus.
D’où vient cette tradition du 15 Août ?
En réalité, l’Assomption de la Vierge est fêtée dès le Ve siècle. « Marie est représentée endormie dans des icônes byzantines du VIe siècle. En Gaule, l’Assomption était fêtée le 18 janvier », explique Marie-Hélène Robert, professeure de théologie et de missiologie à l’Université catholique de Lyon et religieuse de la congrégation des sœurs de Notre-Dame des Apôtres.
L’Assomption n’est pas racontée dans les Évangiles, mais la liturgie ancienne, la dévotion et la tradition se sont se sont appuyées sur des évangiles apocryphes. L’empereur Maurice (qui règne de 582 à 602) étend à tout l’empire byzantin la fête de la Dormition de la Vierge Marie et fixe la date au 15 août, selon des pratiques déjà répandues.
Dans la tradition orthodoxe, les chrétiens parlent de la Dormition de Marie : elle s’est paisiblement endormie dans la mort. « Selon la croyance la plus ancienne, elle a été élevée au ciel après sa mort physique, son corps restant intact et son âme attendant la résurrection générale, précise la théologienne. L’important est de comprendre que l’Assomption, même si elle vient des traditions apocryphes, ne contredit pas l’Écriture ».
De la tradition au dogme
Cette tradition est renforcée par le vœu de Louis XIII, soumis au Parlement de Paris et ratifié en 1638. En attente d’un héritier, il consacre le royaume de France à la Vierge Marie et demande à tous ses sujets de faire des processions dans chaque paroisse le 15 août. L’année suivante naît le futur Louis XIV.
Depuis, le 15 août est l’occasion pour des catholiques de prier pour la France, une pratique devenue confidentielle avant d’être remise au goût du jour par les évêques de France en 2012.
Cette année 2025, « nous invitons tous ceux qui se rassembleront pour les célébrations du 15 Août, à unir leurs prières pour le respect de la vie et pour la paix dans le monde », a indiqué la Conférence des évêques de France dans un communiqué.
« C’est à partir du XIXe siècle que des pétitions affluent vers la Ville éternelle pour que soit officiellement défini le dogme de l’Assomption. Entre 1854 et 1945, huit millions de fidèles écrivent à Rome en ce sens ; 1 332 évêques et 83 000 prêtres, religieux et religieuses viennent s’y ajouter », explique le site Vatican News.
En 1946, le pape Pie XII consulte donc l’épiscopat sur l’opportunité de proclamer l’Assomption comme dogme. « Le résultat du vote des évêques est alors de 1169 voix pour et 22 contre ! », explique Marie-Hélène Robert, soit plus de 90 % de réponses favorables. Pourquoi proclamer ce dogme si tardivement ? « Parce que 1950 est une année sainte. »
Quelle est la signification de l’Assomption ?
Ce dogme est confirmé par le concile Vatican II. Quant à sa signification, « le dogme ne dit pas que Marie est élevée “au ciel” mais “à la gloire du ciel”, ce qui fait sortir d’une représentation spatiale du Royaume. Marie, première des rachetés, est en Dieu, indique Marie-Hélène Robert. À la conception (l’origine) répond l’assomption (la finalité) de la vie. »
Tous les éléments de la foi catholique n’ont pas besoin de devenir des dogmes ; cependant, cela montre que l’Église reconnaît cette fête, déjà célébrée par les fidèles. Pour Arnaud Montoux, prêtre au diocèse de Sens-Auxerre et enseignant-chercheur en théologie à l’Institut catholique de Paris (ICP), l’Église « réaffirme la foi en la résurrection ».
Marie n’est pas « une âme » dans le ciel, mais « une personne, corps et âme », ajoute Marie-Hélène Robert. Car l’Assomption souligne l’importance de la chair. « Notre humanité et notre destinée humaine vont au-delà de ce à quoi on cherche à réduire l’humain », explique Arnaud Montoux. En effet, le dogme est proclamé en 1950, dans un siècle marqué par les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki, et les corps décharnés des camps de concentration.
« Le corps n’est pas seulement un vaisseau de l’âme. Même détruit, meurtri ou méprisé, il est amené à être glorifié », souligne l’enseignant à l’ICP. Une lecture encore valable aujourd’hui dans un monde plongé « dans une inhumanité dont on peine à voir le terme ».
Selon Arnaud Montoux, l’Assomption vient rappeler la valeur de notre corps de manière permanente, dans ses aspects glorieux et ses limites. Ce qu’une partie du christianisme a pu juger « mauvais » voire inférieur au spirituel, est en réalité tout aussi important.
Le corps comme un lieu de salut
Pour Bénédicte Delelis, autrice et enseignante en théologie, l’Assomption désigne le corps comme un lieu de salut : « Dieu aime notre corps et veut le sauver, le glorifier. Ce n’est ni un fardeau, ni un objet extérieur à moi-même, ni seulement un instrument. L’Assomption nous dit l’unité de l’humain, faite pour être indestructible. » Nos corps parfois douloureux ou malades sont appelés à être guéris.
Cela réaffirme aussi le corps comme un lieu de relations et d’amour. « Nous retrouverons les visages et les corps des êtres aimés, nos relations vécues dans notre corps seront sauvées et assumées dans la gloire de Dieu », ajoute Bénédicte Delelis, pour qui le 15 Août est une des plus belles fêtes du calendrier liturgique. Ainsi, la résurrection de la chair implique une « responsabilité » et un respect pour son corps et celui des autres.
Si la Vierge est sans péchés, elle n’a pas « de prérogatives réservées qui nous donneraient le cafard », précise en souriant Bénédicte Delelis. Ni idole ni demi-déesse, Marie désigne ce que nous sommes appelés à devenir.
« Elle n’est ni contre l’humanité commune – elle l’honore – ni en dehors de la condition humaine, mais soutient l’espérance », abonde Marie-Hélène Robert. « Les dogmes mariaux nous parlent de la vocation de l’Église tout entière, l’Assomption est une promesse que nous serons sauvés, corps et âme guéris du péché dans la béatitude éternelle », complète Bénédicte Delelis.
La première en chemin
D’autant que le dogme est proclamé un 1er novembre, jour de la Toussaint, fête de tous les saints, signe que Marie est la « première d’une foule immense de rachetés », comme l’exprime Marie-Hélène Robert, Marie est en effet souvent présentée comme la première en chemin. Son Assomption suit l’Ascension, célébrée 40 jours après Pâques, signe que Marie accomplit ce qui est promis aux croyants.
« C’est un chemin tracé par Dieu en Marie et un prolongement : à travers elle nous voyons que la créature a de la place en Dieu, avec son corps », précise Bénédicte Delelis. « Elle est entrée après le Christ ressuscité dans cette vie à laquelle nous sommes tous promis. », ajoute Arnaud Montoux.
Ainsi, ce n’est pas le plus élevé des disciples qui entre le premier dans cette vie nouvelle. Or pour l’enseignant à l’ICP, il n’est pas question « de privilège » ou encore de récompense d’un lien biologique, mais de démontrer que c’est la proximité avec Dieu, fruit de l’Incarnation qui nous sauve. « Cette proximité charnelle avec le Christ rejaillit dans l’événement de l’Assomption », poursuit Arnaud Montoux. Marie a dit « oui » pour devenir la mère du Sauveur, cela montre qu’une histoire entière est glorifiée : « Nous pouvons penser que nos choix seront portés pour l’éternité et transformés dans la réalité du royaume de Dieu. »
Là se trouve l’espérance chrétienne pour Marie-Hélène Robert : « Dieu n’abandonne pas Marie à la mort une fois qu’elle a rempli sa mission en devenant la mère biologique du Sauveur, vrai Dieu et vrai homme. Marie reste pleinement unie à son Fils après avoir quitté cette terre. L’Assomption de Marie manifeste que le plan de Dieu a réussi. »
Ce plan divin concerne l’humanité et l’ensemble de la création, comme l’a rappelé l’encyclique du pape François Laudato si’. « L’Assomption rappelle que la résurrection est un événement qui concerne l’entièreté de l’univers dans cette vie », conclut Arnaud Montoux.