Les travaux du16ème Forum panafricain ministériel sur la modernisation de l’administration publique et des institutions de l’ État suivis de la 60ème session du conseil d’administration du Centre africain de formation et de recherche en administration de développement CAFRAD se sont tenus ce 15 juillet 2025 dans la salle de conférence de l’ institution à Rabat au Maroc en présence du Directeur général Coffi Dieudonné Assouvi, de la Présidente du Conseil d’Administration, madame Pr Amal El Fallah Seghrouchni, et de madame Adidjatou Mathys ministre du travail et de la fonction publique qui a représenté le Bénin.
Le DG CAFRAD est déterminé à redynamiser la gouvernance dans la modernisation des administrations publiques sur le continent.
Après le mot de bienvenue officiel de la présidente du conseil d’administration, madame Seghrouchni, le ministre des affaires étrangères du Maroc, monsieur Nasser Bourita, invité spécial du forum, a pris la parole pour s’adresser à la vingtaine de délégations ministérielles qui ont fait le déplacement et les a exhortées à partager leurs expériences des réformes engagées pour une administration performante au service de l’ Afrique à l’heure des objectifs de développement durable (ODD).
Au cours des travaux, le DG CAFRAD, docteur Coffi Dieudonné Assouvi a développé deux communications stratégiques : «Le leadership agile, environnemental et durable pour la mise en œuvre des ODD», et «Le pilotage de la performance publique globale».
Quant à la présidente du conseil d’administration du CAFRAD, madame Seghrouchni, elle a développé une thématique sur la Transformation numérique et intelligence artificielle au service de la mise en œuvre des ODD : Gouvernance numérique pour le développement durable.
Il faut rappeler que madame Seghrouchni est ministre déléguée auprès du Chef du gouvernement marocain chargée de la transition numérique et de la réforme de l’administration, présidente du conseil d’administration du CAFRAD.
Le forum a souligné l’urgence de moderniser les administrations publiques africaines à travers un leadership basé sur l’éthique, agile et transformationnel, capable de répondre aux défis complexes et multiples du continent. Il s’est inscrit dans la dynamique de l’ Agenda 2063 de l’ Union africaine et de l’ Agenda 2030 des Nations unies, en appelant à une réforme structurelle axée sur le développement humain, la durabilité ainsi que l’innovation.
Malgré une croissance économique notable, l’ Afrique reste freinée par une gouvernance déficiente, des systèmes éducatifs obsolètes et inadaptés avec une administration peu performante. Moins de 6% des cibles des ODD sont en bonne voie. Le forum a donc pointé la nécessité de réformer le leadership politique, de renforcer les capacités institutionnelles et de développer des outils de pilotage de la performance publiques. C’est en ce sens que le DG CAFRAD ainsi que l’équipe qui l’entoure ont travaillé à meubler le forum de plusieurs thématiques notamment le rôle des ODD dans la modernisation de l’administration, le leadership agile et durable, la transformation numérique, la gouvernance des ODD, les finances publiques vertes, la gestion de la performance publique et le partage des bonnes pratiques des réformes au sein de l’administration publique des États membres.
C’est madame Adidjatou Mathys, ministre du travail et de la fonction publique représentant le gouvernement du président Patrice Talon, qui a levé un coin de voile sur les réformes qui ont conduit à la performance de l’administration publique béninoise.
Adrien HOUNVENOU
RAPPORT GÉNÉRAL DU 16ᵉ FORUM PANAFRICAIN MINISTÉRIEL SUR LA MODERNISATION DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE ET DES INSTITUTIONS DE L’ÉTAT
1. Introduction : Un Forum sous le sceau du renouveau et de la convergence stratégique
Le 16ᵉ Forum panafricain ministériel s’est tenu le 15 juillet 2025 à Rabat, dans la prestigieuse salle de conférences du siège du CAFRAD rénové. Placé sous le thème central « La place du leadership dans l’implémentation de la gouvernance publique responsable en vue de la poursuite des ODD et de l’émergence des pays africains », ce forum a marqué un tournant majeur : celui d’un CAFRAD réformé, résolument tourné vers la transformation globale, digitale, intelligente et durable des administrations africaines.
Ce rendez-vous panafricain a rassemblé des ministres, des hauts fonctionnaires, des experts internationaux, des partenaires techniques et des institutions multilatérales autour d’un objectif partagé : réconcilier performance publique, durabilité et leadership transformationnel.
2. Temps forts et messages clés des interventions
Ouverture officielle et appel à l’action collective
Son Excellence la Professeure Amal El Fallah Seghrouchni, Présidente du Conseil d’Administration du CAFRAD, a brillamment ouvert les travaux en soulignant l’urgence de construire des institutions africaines agiles, résilientes et innovantes, fondées sur une vision claire et sur une gouvernance responsable. Son allocution a été suivie de celle de l’Invité d’honneur, Son Excellence M. Nasser Bourita, Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’Étranger, qui a réaffirmé l’engagement du Royaume du Maroc pour une coopération africaine renouvelée, centrée sur la connaissance, la mutualisation des solutions et la diplomatie du développement.
Une lecture lucide du chemin parcouru : entre obstacles persistants et promesses nouvelles
- Madame Ilaria Carnevali, Représentante Résidente du PNUD à Rabat, a dressé un état des lieux lucide et sans complaisance de la mise en œuvre des ODD en Afrique. Elle a rappelé que moins de 6 % des cibles mesurables sont en voie d’atteinte sur le continent, tandis que 18 % régressent. À ce rythme, plus de 492 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté d’ici 2030. Elle a insisté sur les pertes liées à l’absence de données fiables et à la faiblesse des capacités locales, notamment pour l’ODD 16 sur la gouvernance. En soulignant que plus de 800 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté et que le changement climatique a fait de 2024 l’année la plus chaude jamais enregistrée, elle a appelé à une gouvernance audacieuse. Les ODD, a-t-elle rappelé, sont un levier incontournable pour réinventer l’action publique – non un luxe, mais une urgence.
- Le Coffi Dieudonné ASSOUVI, Consultant International et Directeur Général du CAFRAD, a porté un message fort : pour que les ODD cessent d’être une injonction technique et deviennent une culture administrative, il faut réinventer les systèmes publics à travers un leadership agile, environnemental et durable.
Croisement des intelligences : du numérique à la gouvernance globale
- La Professeure Amal El Fallah Seghrouchniégalement Ministre Déléguée chargée de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration, a insisté sur la nécessité d’aborder l’intelligence artificielle comme un levier éthique, stratégique et souverain de modernisation administrative, et non comme une mode technologique importée. Selon elle, les États africains doivent impérativement intégrer l’IA dans leurs pratiques publiques, faute de quoi ils risquent un décrochage irrémédiable. Les données qu’elle a partagées sont édifiantes : 47 % des administrations publiques de pays membres ont déjà expérimenté des projets IA dans des domaines clés (fiscalité, emploi, sécurité sociale – OCDE, 2023), 40 % des tâches administratives pourraient être automatisées d’ici 10 ans (McKinsey, 2022), 60 % des gouvernements voient l’IA comme un levier stratégique prioritaire (WEF, 2023), et déjà depuis plus de 3 ans, 70 pays ont intégré des chatbots dans leurs services publics (ONU, 2022).
La Professeure a conclu avec conviction que le moment est venu pour les administrations africaines de passer du discours à l’action : il ne s’agit plus de savoir si l’IA doit être adoptée, mais comment la mettre au service d’une gouvernance plus performante, plus inclusive et véritablement souveraine. - Le Mohamed HARAKAT,Professeur Émérite et éminente figure intellectuelle du monde arabe, a livré une communication d’une rare lucidité sur le rôle central du leadership transformationnel (LT) dans la gouvernance des ODD. Rejetant les approches fragmentées et les politiques conjoncturelles, il a plaidé pour un leadership visionnaire capable de transcender les silos institutionnels, les cycles électoraux à courte vue et les logiques d’improvisation. S’appuyant sur une grille analytique rigoureuse, il a défini les paradigmes du LT, distingué ses courants théoriques, et souligné son interaction avec l’IA comme levier de performance stratégique. Dans un style aussi érudit que piquant, il a présenté avec ironie les “indicateurs clés de la contreperformance”, véritable miroir des dysfonctionnements administratifs en Afrique. Il a également mis en lumière les risques systémiques pesant sur la gouvernance globale et proposé les fondements d’une stratégie ambitieuse de renforcement des capacités transformationnelles des institutions africaines. Pour lui, sans un leadership structurant, les ODD resteront des slogans sans traction, et la réforme publique, un chantier sans maître.
- Le Nicaise MEDE, Professeur titulaire de droit public et de science politique, a captivé l’auditoire par une démonstration aussi rigoureuse que pédagogique sur les finances publiques vertes comme levier stratégique de mise en œuvre des ODD. Il a mis en lumière la manière dont les choix budgétaires peuvent – et doivent – être réorientés autour d’objectifs climatiques et sociaux concrets. Déplorant le tripatouillage chronique des sources de financement nationales, il a souligné que dans des États fonctionnels, certaines recettes seraient considérées comme des acquis inaliénables. Dans un style à la fois précis et mordant, il a dénoncé la sous-déclaration systémique opérée par certaines multinationales comme étant le véritable secteur informel africain, celui qui cause les pertes les plus massives. Il a rappelé que l’Afrique perd chaque année près de 89 milliards de dollars à travers les flux financiers illicites – un montant supérieur à l’aide publique au développement reçue. Pour lui, il est impératif de réformer en profondeur les politiques fiscales, de revisiter les conventions héritées des années 1960, et de s’émanciper d’un système international où les priorités militaires prennent le pas sur les engagements climatiques et sociaux. Sa conclusion est sans appel : l’Afrique dispose des ressources nécessaires à l’atteinte des ODD – encore faut-il le courage politique de les mobiliser ?
Vers un pilotage renouvelé de la performance publique
Dans un contexte d’exigence citoyenne accrue, la question du pilotage de la performance publique globale a occupé une place centrale au Forum. Le Dr. Coffi Dieudonné Assouvi, Directeur général du CAFRAD, a livré une communication à la fois méthodique, structurante et puissamment mobilisatrice. En spécialiste des mutations de l’action publique, il a rappelé que la performance ne peut plus être cantonnée à des logiques techniques : elle doit devenir une culture collective, portée par des responsables publics capables de coordination interministérielle, de rigueur éthique et d’innovation stratégique. Proposant des outils éprouvés – tableaux de bord, contrats de performance, indicateurs mixtes – il a plaidé pour leur contextualisation africaine et leur appropriation progressive. Son appel à systématiser les bonnes pratiques et à développer une gouvernance pilotée par la preuve résonne comme un impératif contemporain. Grâce à son leadership éclairé, le CAFRAD se positionne davantage comme catalyseur continental de cette nouvelle génération de politiques publiques ancrées dans les résultats et la redevabilité.
3. Simandou 2040 : le projet structurant qui inspire un nouvel horizon de gouvernance
L’un des moments les plus marquants du Forum fut sans conteste l’intervention de Madame Ramatoullaye Camara, Cheffe de Cabinet du Ministère guinéen du Travail et de la Fonction publique, venue représenter Son Excellence Monsieur Faya François Bourouno. Dotée d’un charisme éclatant, d’une voix affirmée au rythme entraînant, elle a su captiver l’audience par sa prestance autant que par la densité du propos. Elle a brillamment exposé le Programme Simandou 2040, présenté non comme un simple projet minier, mais comme un méga projet structurant et transformateur, porteur d’un effet domino sur la gouvernance, la planification et la performance publique. Par son approche intégrée, Simandou dépasse la logique projet pour incarner une véritable logique système : il institutionnalise des standards, ancre les ODD dans les pratiques concrètes, et agit comme catalyseur de synergies public-privé. Véritable matrice de durabilité, le programme est conçu comme un espace d’apprentissage interinstitutionnel, d’alignement stratégique et de reddition de comptes orientée vers l’impact. Il s’impose ainsi comme un modèle reproductible pour les nations africaines désireuses de conjuguer développement, souveraineté et résilience institutionnelle.
- Revue des pratiques nationales et mutualisation des expériences
Les ministres présents ont exposé, avec une fierté mesurée et un sens aigu des responsabilités, les progrès réalisés dans leurs pays respectifs, tout en reconnaissant les défis persistants. Ces échanges riches ont mis en lumière plusieurs constantes porteuses de sens pour la modernisation de la gouvernance en Afrique. Tous ont insisté sur la nécessité de renforcer la culture de la redevabilité, notamment à travers l’institutionnalisation des contrats de performance. L’idée de centraliser les dynamiques de planification autour des ministères du Plan — garants de la cohérence stratégique entre vision nationale, allocation budgétaire et action sectorielle — a trouvé un écho unanime. Autre consensus fort : l’urgence de transformer les réussites ponctuelles en routines institutionnelles reproductibles, gage de durabilité. Plusieurs délégations ont exprimé leur volonté de renforcer les partenariats techniques et stratégiques avec le CAFRAD, perçu comme un acteur panafricain crédible, capable d’offrir un accompagnement sur les enjeux de réforme, de digitalisation, de transparence et de performance publique. L’administration moderne, selon eux, doit être à la fois efficace, éthique, technologiquement agile et orientée vers les résultats — autant de priorités qui font écho aux ambitions du CAFRAD réformé.
5. Session de clôture du Forum
La session de clôture du Forum, magistralement animée par le Dr. Amadou Pathé Diallo, Expert en Leadership du Changement et Amélioration de la Performance, a marqué un tournant conceptuel et stratégique. Présentée comme une synthèse-action, sa communication sur les pratiques innovantes de mise en œuvre des ODD et de l’Agenda 2063 a provoqué un véritable déclic chez les participants. Elle a mis en garde contre les cycles de réinvention institutionnelle, ces ruptures répétées qui empêchent toute forme de continuité structurelle sur le continent. L’intervention a dénoncé les logiques de projet éphémères et non capitalisables, en plaidant pour l’adoption urgente d’une logique système, seule capable de générer un impact durable à travers un enchaînement d’améliorations continues, intégrant les apprentissages, les effets sur les bénéficiaires, et les transformations structurelles bien au-delà du projet lui-même.
Deux leviers ont été mis en avant :
- La systématisation proactive, qui consiste à développer une masse critique de compétences en leadership du changement,
- Et la systématisation réactive, qui vise à formaliser les bonnes pratiques issues de leaderships ponctuels pour en faire des normes institutionnelles reproductibles.
L’exemple des contrats de performance en République de Guinée a été présenté comme un archétype structurant, illustrant comment planification, pilotage et redevabilité peuvent converger autour de standards partagés.
Citant Socrate – « Le secret du changement, ce n’est pas de lutter contre l’ancien, mais de construire le nouveau » – et Barack Obama – « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes » –, le Dr. Diallo a ajouté avec conviction :
« L’Afrique n’a pas SEULEMENT besoin d’institutions fortes. Elle a urgemment besoin d’Hommes forts – intègres, visionnaires et engagés – qui s’investissent à tous les niveaux pour bâtir, fortifier et pérenniser ses institutions. Car sans leadership fort, aucune institution ne peut tenir debout. »
Le public a réagi avec enthousiasme, saluant la clarté du propos, sa valeur opérationnelle et sa capacité à relier réflexion stratégique et faisabilité terrain.
En conclusion, le Dr. Diallo a affirmé :
« Les ODD et l’Agenda 2063 ne seront jamais atteints par une addition de projets isolés. Il faut une logique système, portée par des mécanismes robustes comme les contrats de performance, et soutenue par un ministère du Plan stratège, capable d’orchestrer l’impact, de capitaliser les pratiques gagnantes, et de les systématiser. C’est à ce prix que l’Afrique construira une gouvernance responsable, résiliente et fondée sur des résultats durables. »
6. Les Recommandations stratégiques issues du 16ᵉ Forum panafricain ministériel sur la modernisation de l’Administration publique et des Institutions de l’État
- Institutionnaliser les pratiques innovantesissues des projets pilotes en les intégrant dans les textes réglementaires, les routines administratives et les standards de gouvernance publique, afin d’éviter les ruptures et pertes de mémoire institutionnelle.
- Généraliser l’approche “logique système”dans les politiques publiques nationales, en substituant aux projets isolés des dispositifs structurels, transversaux et interconnectés, pilotés par des mécanismes durables de coordination, de suivi et de redevabilité.
- Mettre en place des contrats de performance stratégiques, assortis d’objectifs mesurables, de calendriers réalistes et de mécanismes d’évaluation, afin de renforcer la culture du résultat et la responsabilisation dans les services publics.
- Faire des ministères du Plan les architectes de la cohérence gouvernementale, garants de l’alignement entre planification, budgets, indicateurs ODD / Agenda 2063 et performances sectorielles.
- Accompagner les États membres dans la systématisation proactivede leur gouvernance, par la formation en Leadership du Changement et le développement de compétences transformationnelles à tous les niveaux hiérarchiques.
- Encourager la systématisation réactivedes résultats performants, en identifiant les acquis dus à des leaderships ponctuels et en les transformant en pratiques institutionnelles normalisées, transférables et reproductibles.
- Renforcer la gouvernance fondée sur les données, en soutenant les pays dans le développement de systèmes statistiques robustes, de tableaux de bord dynamiques et d’outils numériques d’aide à la décision.
- Faire du CAFRAD un hub africain d’intelligence publique, de recherche-action, d’expérimentation terrain et de diffusion des meilleures pratiques en matière de transformation de l’administration publique.
- Organiser des sessions nationales inter-forums, sur des thématiques prioritaires (transformation numérique, IA, gouvernance éthique, management de la performance), pour favoriser la co-construction de solutions adaptées aux réalités de chaque pays.
- Ancrer l’intelligence artificielle et la transformation numériquecomme leviers structurants de modernisation, en s’assurant de leur appropriation éthique, souveraine et stratégique par les administrations africaines.
- Soutenir la recherche appliquée et le développement de l’innovation publique, en finançant des laboratoires, des observatoires et des dispositifs de veille sur la gouvernance et la modernisation des États.
- Inscrire la formation continue, l’apprentissage par la pratique et le mentoratau cœur des politiques de développement des ressources humaines publiques, pour accompagner la transition vers des administrations agiles, inclusives et performantes.