Ukraine : Poutine cherche-t-il l’annihilation ou la concession ?

Chronique

Les guerres sont horribles.  Mais les guerres ne se font pas sans but.  La préparation et la conduite de toute guerre doivent être faites en gardant à l’esprit ses objectifs finaux.

De plus, moins l’ennemi est conscient de vos objectifs de guerre, plus vous avez de chances de réussir à les atteindre.

En dehors de l’armée russe, personne ne sait vraiment quels sont ses objectifs ou sa stratégie.

Toute la propagande des médias occidentaux s’efforçant de dépeindre la stratégie de guerre russe comme un échec ne permet pas vraiment au public de comprendre quoi que ce soit.

Selon le but du conflit, il existe différents types de guerre.  L’une d’elles est la guerre d’anéantissement qui a été menée par l’Allemagne contre l’Union soviétique à partir de 1941 pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour Hitler, le but de la guerre sur le front de l’Est était d’anéantir la population de l’Union soviétique et de la remplacer par la population allemande. En cela, Hitler n’a rien invité. Après tout, c’est ce que les Britanniques et les Américains ont fait à la population indigène qui vivait sur le sous-continent nord-américain avant leur arrivée.

Bien que beaucoup en Occident pensent que Vladimir Poutine est une personnification d’Adolf Hitler, il est un homme très rationnel. Depuis trop longtemps, les médias occidentaux ont construit à partir de rien le mythe du Poutine le méchant.  Dans les films hollywoodiens, la plupart des acteurs russes sont souvent à la fois stupides et méchants.

L’un des rares Occidentaux à avoir tenté de dresser un portrait objectif de l’état d’esprit de Vladimir Poutine est le cinéaste américain Oliver Stone qui parlait de lui comme étant un fils de la Russie.

Vous ne pouvez pas comprendre Poutine sans connaître la Russie ni comprendre la Russie sans connaître l’histoire russe.

Dans la première moitié de la Seconde Guerre mondiale, alors que la France a capitulé, la Grande-Bretagne et les États-Unis n’étaient pas sûrs de mener la guerre avec l’Allemagne hitlérienne jusqu’au bout, l’Union soviétique savait qu’il n’y avait aucune possibilité de paix avec le nazisme. Le choix pour l’Union soviétique était entre la victoire totale ou l’anéantissement total. Dans cette guerre, l’Union soviétique a perdu plus de 20 millions de ses citoyens. Poutine lui-même a perdu son propre frère dans cette guerre.

Poutine n’a pas l’intention d’être un nouvel Hitler en conquérant l’Europe ou en recréant l’Union soviétique.  Mais les Russes n’aiment être menacés. Cela réveille chez eux de mauvais souvenirs. Poutine a répété très clairement depuis le début des années 2000 que l’expansion de l’OTAN ne pouvait pas continuer.  Mais ses avertissements répétés sont tombés dans l’oreille d’un sourd.

De plus, depuis 2014 que Viktor Yanukovitch, l’ancien président élu de l’Ukraine, a dû fuir le pays pour sauver sa propre vie, après que des groupes néo-fascistes aidés par la CIA ont pris d’assaut des bâtiments gouvernementaux, 14 000 civils russophones sont morts dans les combats dans les régions sécessionnistes du Donbass et de Lougansk.

Mettre fin à l’expansion de l’OTAN et assurer la sécurité de la population russophone des régions de Dombass et de Lougansk sont les objectifs les plus importants de la guerre.

Dans ce but, la Russie a opté pour une guerre d’usure au lieu d’une guerre d’anéantissement. Une guerre d’anéantissement n’aurait aucune justification mais causerait tellement de peur en Europe que même des États neutres comme la Norvège, la Suède ou l’Autriche commenceraient à penser à rejoindre l’OTAN.

La guerre d’anéantissement causerait également beaucoup de pertes humaines, même à la population russophone de Dombass et de Lougansk.

« La guerre d’attrition est une stratégie militaire consistant en des tentatives belligérantes de gagner une guerre en usant l’ennemi jusqu’au point de s’effondrer par des pertes continues en personnel et en matériel.  Le mot attrition vient de la racine latine atterere, qui signifie « se frotter contre », semblable au « broyage » des forces de l’adversaire dans la guerre d’attrition. » (Wikipédia)

Tout en faisant la guerre, la Russie est restée ouverte aux négociations pour obtenir la démilitarisation, la dénazification et la neutralité de l’Ukraine.

La majeure partie de l’armée ukrainienne se trouve dans les régions orientales du Donbass et de Lougansk, là où la guerre a vraiment lieu.  L’armée russe a la puissance de feu pour anéantir tout ce qui se trouve sur le territoire ukrainien en moins de 24 heures sans utiliser aucune arme de destruction massive.  Mais les buts de la guerre ne sont pas l’anéantissement.

L’armée russe se concentre sur la destruction de l’infrastructure militaire ukrainienne tandis que dans les négociations, l’Ukraine a été forcée de faire de sérieuses concessions, y compris sur son statut neutre.  Poutine sait ce qu’il fait.  Poutine n’est ni stupide ni fou.

Alfred Cossi CHODATON

Le Libre Penseur,

Samedi 2 avril 2022,11 heures.