Présidentielle de 2026 au Bénin : Pourquoi l’argument de LD fondé sur la jurisprudence “Souwi” ne tient pas face à la situation de Sodjinou

Afrique

Le parti Les Démocrates (LD) invoque la décision EP21-012 de la Cour constitutionnelle, rendue le 17 février 2021 dans l’affaire du député Affo Obo alias “Souwi”, pour affirmer que le député Michel Sodjinou n’a plus le droit de retirer sa fiche de parrainage après l’avoir remise au parti. Or, une analyse juridique rigoureuse montre que cet argument présente d’importantes limites et qu’il ne s’applique pas mécaniquement à la situation de Sodjinou.

1. Le contexte de la jurisprudence “Souwi”

Dans la décision EP21-012, la Cour constitutionnelle a examiné un recours introduit par “Souwi” pour contester l’authenticité de son parrainage. Le rapporteur avait indiqué que l’acte de parrainage est « susceptible de rétractation à condition que cette rétractation ne soit pas abusive ».
Autrement dit : la Cour a reconnu un droit potentiel de retrait, mais avec une réserve forte : la rétractation ne doit pas intervenir après certaines étapes du processus (notamment après l’examen du dossier ou la publication de la liste provisoire).
De plus, dans cette affaire la Cour a finalement déclaré la requête irrecevable, ce qui limite encore la portée de la décision.

2. Pourquoi l’argument de LD ne s’applique pas directement à Sodjinou

Voici les principaux points de distinction :

Moment de la rétractation :

Dans la jurisprudence “Souwi”, la Cour précise que la rétractation devient abusive après l’examen du dossier de candidature ou la publication de la liste provisoire. Dès lors, si la fiche de parrainage de Sodjinou est retirée avant que ces étapes ne soient franchies, l’argument de son illégalité faiblit.

Nature du différend:

Dans l’affaire “Souwi”, il s’agissait d’une contestation d’authenticité du parrainage. Par contre, dans le cas de Sodjinou, il s’agit d’un retrait de fiche remis au parti, avant ou en amont de tout dépôt officiel. Cela change le cadre juridique : il ne s’agit pas simplement d’un contentieux d’authenticité mais de disposition d’un droit personnel de l’élu.

Transmission au parti versus dépôt officiel :

Le fait que Sodjinou ait remis sa fiche au parti ne équivaut pas nécessairement à un dépôt officiel auprès de la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) ou à une validation finale. Tant que la fiche n’a pas été intégrée définitivement au dossier, la faculté de retrait demeure davantage fondée.

Absence d’interdiction légale explicite :

Rien dans le Code électoral ou dans la Constitution béninoise ne semble imposer que, après remise à un parti, un élu perde irrévocablement son droit de retrait avant l’étape du dépôt à la CENA. Or, l’argument de LD suppose implicitement cette perte automatique, ce qui n’est pas expressément légiféré.

3. Une interprétation équilibrée du droit de retrait

Pour que le droit de retrait soit juridiquement fondé, il convient de respecter plusieurs conditions, que l’on retrouve indirectement dans la jurisprudence et la doctrine :

-Le retrait doit intervenir avant que la fiche devienne irrévocablement partie intégrante du dossier de candidature ou que la liste des candidats soit publiée.

-Le retrait ne doit pas avoir pour finalité de perturber abusivement le processus électoral ou d’être utilisé comme stratégie dilatoire — autrement dit, il ne doit pas être “abusif” dans le sens admis par la jurisprudence “Souwi”.

-Le titulaire (ici l’élu) doit manifester sa volonté de façon claire, formelle et dans les délais compatibles avec le calendrier électoral.

-Le retrait ne remet pas en cause la liberté de l’élu vis-à-vis de son parti : la Constitution béninoise pose que le député représente la Nation tout entière et ne peut recevoir un mandat impératif. (Art. 80)

-Enfin, l’élu doit agir dans le respect des règles de procédure, ce qui peut impliquer un exploit d’huissier ou une formalité juridique reconnue.

4. Pourquoi LD gagnerait à reconnaître ce droit plutôt qu’à l’exclure

En refusant d’admettre que Sodjinou puisse retirer sa fiche, LD fragilise deux principes qu’il pourrait valoriser :

La cohésion interne et la transparence : reconnaître le droit de retrait renforcerait la légitimité de l’élu et la crédibilité du parti.

L’État de droit et la confiance dans les institutions :
accepter que l’élu dispose d’un droit tout en posant un cadre clair (avant dépôt, dans les délais, etc.) renforce la dynamique démocratique.

5. Conclusion : un droit à respecter dans un cadre précis

En somme, l’argument de LD fondé sur la jurisprudence “Souwi” ne suffit pas à interdire au député Sodjinou de retirer sa fiche de parrainage. La jurisprudence elle-même admet un droit potentiel de retrait, à condition que certaines étapes ne soient pas dépassées.
Dans le cas présent, si le retrait s’effectue avant le dépôt officiel auprès de la CENA et dans des délais raisonnables, il apparaît tout à fait compatible avec le droit béninois.
Pour LD, plutôt que de contester le droit de l’élu, il serait plus stratégique de poser un cadre clair — ce qui éviterait de laisser planer l’impression d’un rapport de force interne au détriment de la cohésion du parti.
Et pour Sodjinou, l’essentiel sera de documenter formellement sa démarche et de convaincre que celle-ci respecte les conditions légales.

D’après une analyse de Sam S. (Opinion)

 

A lire aussi:

Le député Sodjinou avait le droit de retirer sa fiche de parrainage