Après plusieurs mois de crise, la junte militaire au pouvoir au Niger a annoncé jeudi 19 juin la nationalisation de la Somaïr, filiale du géant français de l’uranium Orano qui en avait perdu le contrôle opérationnel depuis déjà plusieurs mois. Le dossier était devenu un symbole des tensions entre Paris et Niamey depuis le coup d’État contre le président Mohamed Bazoum, en juillet 2023
Jeudi, les autorités nigériennes ont donc franchi une nouvelle étape. Selon la RTN, l’État du Niger a décidé de nationaliser la Somaïr « face au comportement irresponsable, illégal et déloyal d’Orano, société détenue par l’État français, un État ouvertement hostile au Niger ». « Par cette nationalisation, les actions et le patrimoine de la Somaïr sont intégralement transférés en toute propriété à l’État du Niger », a ajouté la télévision nationale avant de préciser que les détenteurs d’actions bénéficieraient d’une « indemnité » de compensation.
Dans le communiqué du Conseil des ministres de jeudi, le gouvernement nigérien annonce la nationalisation de la Société des mines de l’Aïr (Somaïr), société qui a lancé l’exploitation de l’uranium il y a près de 55 ans. Cette société – détenue à 63.40 % par Orano – fait l’objet d’un contentieux important depuis bientôt deux ans. À l’occasion du conseil des ministres, les autorités nigériennes ont rappelé la liste des griefs contre la société française.
Niamey reproche à Orano de ne pas avoir respecté la règle de partage prévue dans l’entente. La société française aurait exporté plus que sa part. Autre point de désaccord : l’arrêt des travaux d’exploitation au niveau de la Somaïr depuis le 26 juillet 2023, le rapatriement de ses ressortissants français sans préavis, ou encore la déconnexion du système informatique de la Somaïr du réseau global du Groupe.
Autre grief : la tentative d’Orano de revendre ses parts, un sujet évoqué par le quotidien Financial Times mi-mai. Les parties « sont libres de soumettre des offres si elles le souhaitent », répondait alors Orano à l’AFP. Aucune mention n’est faite du stock de plus de 1 000 tonnes d’uranium conservé sur les sites de la Somair. Il est estimé à 250 millions d’euros par Orano.
En décembre dernier, Orano avait acté la perte du contrôle opérationnel de ses trois filiales minières au Niger : le gisement d’Imouraren, la mine de Cominak et celle de la Somaïr. Le groupe français, qui restait toutefois majoritaire à plus de 60 % dans ces filiales, avait alors engagé plusieurs procédures d’arbitrage international contre l’État du Niger.
Contactée, l’entreprise française n’a pas souhaité faire de commentaire. Dans son dernier communiqué, mi-mai, Orano s’inquiétait de l’arrestation de son directeur, toujours détenu après une perquisition dans les bureaux de la société par les forces de sécurité. À cette occasion, du matériel informatique et des téléphones portables avaient été saisis, selon Orano, qui avait dans la foulée saisi le procureur de la République pour arrestation arbitraire et détention illégale.
L’entreprise déplorait également l’incapacité d’accéder aux locaux de ses filiales à Niamey.