Réforme du système partisan au Bénin : Moukaramou Badarou défend les acquis de la réforme tout en admettant la nécessité d’ajustements pour 2026

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Invité de l’émission « L’Invité » sur ESAE TV ce dimanche 31 août 2025, Moukaramou Badarou, ancien préfet et membre influent du bureau politique de l’Union Progressiste le Renouveau (UPR), a livré sa vision de la réforme du système partisan béninois. Entre défense des acquis et reconnaissance des défis à venir, l’homme politique dessine les contours d’un paysage politique en mutation.

Une discipline assumée au sein de la mouvance présidentielle

La récente décision de l’UPR de suspendre les adhésions en provenance du Bloc Républicain fait débat. Pour Moukaramou Badarou, cette mesure n’est ni sélective ni hostile : « La décision n’est pas prise contre le Bloc Républicain, mais pour affirmer une certaine discipline que nous devons avoir au niveau des partis politiques ».

Cette discipline, explique-t-il, s’inscrit dans l’esprit même de la réforme qui a permis de passer de près de 300 formations politiques à quelques partis de dimension nationale. « Avant d’adhérer à un parti politique, il faut bien savoir exactement ce qui se passe et ne pas prendre des décisions du jour au lendemain », justifie l’ancien préfet.

Face aux reproches de l’opposition qui dénonce une réforme excluante, Badarou contre-attaque avec des chiffres : « Depuis leur élection, les 28 députés du Bloc Républicain sont là, personne n’a bougé. C’est pareil pour les 28 députés du parti Les Démocrates et les 53 de l’UPR ».

Cette stabilité parlementaire contraste, selon lui, avec la période d’avant la réforme où l’on assistait à des « va-et-vient » constants de députés changeant d’affiliation politique après les élections. La réforme a également permis d’avoir des partis avec de véritables sièges départementaux et une présence effective sur l’ensemble du territoire national.

Malgré sa défense de la réforme, Moukaramou Badarou reconnaît ses limites. Il pointe notamment une « aberration » : « Depuis la Conférence nationale à ce jour, aucun responsable politique directement n’a été élu chef de l’État ». Cette situation, où des personnalités extérieures aux partis politiques accèdent au pouvoir suprême, pose selon lui un problème de cohérence démocratique.

« La loi n’est pas la Bible, ce n’est pas le Coran, il doit y avoir forcément peut-être des choses qu’on peut revoir », admet-il, laissant entrevoir des ajustements possibles.

2026 : l’enjeu de la candidature

Interrogé sur la présidentielle de 2026, Badarou reste prudent sur l’identité du futur candidat de la mouvance présidentielle. Il écarte cependant l’idée d’un duel par procuration entre Patrice Talon et Boni Yayi : « C’est complètement faux de penser que c’est parce qu’il y a eu une réforme du système partisan qu’aujourd’hui seuls le président Talon et Boni Yayi sont les décideurs ».

Pour lui, cette situation de leadership bipolaire existait déjà et correspond à une réalité politique naturelle où le chef de l’État incarne la mouvance présidentielle et le leader de l’opposition fédère les forces contestataires.

Ancien du PRD pendant vingt ans, Moukaramou Badarou assume sa nostalgie : « Un parti politique dans lequel vous avez passé 20 ans, la nostalgie absolument oui, parce que c’est une question de famille ». Cette nostalgie n’empêche pas le pragmatisme : la réforme lui a permis de retrouver au sein de l’UPR d’anciens camarades du PRD.

Ses relations avec Maître Adrien Houngbédji, figure historique du PRD, restent cordiales malgré les divergences : « Quand on a le parcours qui est celui du maître Houngbédji, on peut se prononcer sur un certain nombre de choses. C’est seulement de la vitalité démocratique ».

Si Moukaramou Badarou dresse un bilan globalement positif de la réforme du système partisan, ses propos révèlent les tensions inhérentes à toute transformation politique majeure. Entre la nécessaire discipline partidaire et l’exigence démocratique, entre la stabilité institutionnelle et le renouvellement politique, le Bénin cherche encore son équilibre.

À moins d’un an de la présidentielle de 2026, ces enjeux prennent une résonance particulière. La capacité des partis politiques à incarner de véritables alternatives et à porter des candidats issus de leurs rangs constituera un test décisif pour mesurer la réussite de cette réforme ambitieuse.

 

Fréjus MASSIHOUNTON