Les aventures d’un enfant prodige
Treizième partie
Les jours où le retour se faisait sans encombre, grand-père s’autorisait quelques arrêts. Parfois, le petit était confié aux ciseaux d’un coiffeur du coin, ses boucles rebelles tombant doucement sur le sol.
D’autres fois, il l’emmenait dans une petite case, à la lumière tamisée, où un vieillard fragile, spécialiste du Fâ, les accueillait. Ce vieillard, l’un des protecteurs spirituels des propres enfants d’Ishola certainement, veillait sur le petit-fils avec une sagesse ancestrale. Un autre protecteur, Adanguédé, résidait à l’entrée de Porto-Novo, précisément au quartier Danto dans une vaste concession pleine de vie, entouré de nombreuses femmes et d’enfants.
Pendant ce temps, grand-mère, pieuse et dévouée, se prosternait devant les icônes sacrées de Marie-Madeleine ou de Jésus-Christ, que ce soit à la maison ou à l’église. Sa foi était inébranlable, non pas que grand-père manquait le culte du dimanche à la grande cathédrale. Là, sous les voûtes majestueuses, le très célèbre et atypique père Mayi, peut-être venu d’Espagne, d’Italie ou du Portugal, récitait la messe. Chaque dimanche, c’était le même rituel sacré, un moment suspendu dans le temps, où l’amour, la foi et la protection se rejoignaient dans une harmonie parfaite.
Il arrivait que le petit Èmani s’endorme sur les genoux de sa grand-mère pendant l’homélie, bercé par la voix profonde du prêtre et les effluves d’encens. Au sortir de la messe, grand-père s’arrêtait souvent pour saluer quelques anciens compagnons, hauts dignitaires ou simples paysans devenus sages avec l’âge. Il leur présentait fièrement son petit-fils, comme s’il exhibait le fruit le plus précieux de son jardin.
Un dimanche particulier, alors qu’ils s’apprêtaient à quitter l’église, un mendiant aveugle, assis sous le flamboyant rouge du parvis, tend la main. Èmani, sans même attendre un mot, s’approche, glissa une pièce dans la paume rugueuse du vieil homme, puis se penche pour murmurer quelque chose. Le mendiant esquisse un sourire.
Adissa ADENIYI
